Par Xavier Mballa.
L’inimitié et la discorde qui opposent le président guinéen Alpha Condé et son homologue Umaru Emballo Cissoco se passent de commentaires. Le président bissau guinéen n’a vraisemblablement que faire de la diplomatie présidentielle et de l’entente hypocrite de façade. Belliciste dans l’âme, comme à ses habitudes, il crache tout haut ce qu’il pense, à qui veut l’entendre, que cela plaise ou non, peu importe les conséquences.
Son franc-parler et sa posture d’irréductible « Général révolutionnaire » ne passent jamais inaperçus. Comme lors de la visioconférence des chefs d’États de la Cedeao d’août 2020, consacrée au coup d’État au Mali, où il s’en est violemment pris à son meilleur ennemi Alpha Condé de Guinée (les deux hommes se détestent et ne s’en cachent pas) et Alassane Ouattara de la Côte d’ivoire sur l’attitude à adopter face aux troisièmes mandats. « Les troisièmes mandats sont également des coups d’État », avait il fait savoir, provoquant des sueurs froides aux présidents guinéen et ivoirien. Un ton qu’il n’a pas délaissé lors du 59 eme sommet des chefs d’État de la sous-région tenu à Accra ce samedi 19 juin, cette fois en présentiel.
Dénonçant avec véhémence la signature du protocole d’accord de coopération militaire et technique entre la Guinée et le Sénégal, ce samedi 19 juin 2021, devant aboutir à la réouverture imminente des frontières communes entre les deux pays, le Bissau Guinéen Embalo n’a pas mâché ses mots contre son meilleur ennemi. » Alpha Condé n’avait pas le droit de fermer les frontières guinéennes avec ses voisins. Il n’y a pas de guerre entre le Sénégal et la Guinée… Nous devons dire la vérité au président Alpha. Il n’avait pas le droit de fermer les frontières avec le Sénégal, la Guinée Bissau et la Sierra Léone. Je n’enverrai jamais des ministres pour signer ces types d’accord », a-t-il lancé, provoquant la stupeur de ses homologues et amenant le président en exercice, Nana Akufo-Addo, à l’inviter en substance à plus de courtoisie, à ne pas envenimer les choses, mais à plutôt faire des propositions de sortie de crise pour la réouverture des frontières de son pays avec la Guinée.
Malgré les recommandations du communiqué final ayant sanctionné la rencontre, encourageant la Guinée et la Guinée Bissau à œuvrer ensemble pour parvenir à la réouverture de leurs frontières communes, Umaru Embalo n’en voit pas l’utilité ni la pertinence. » La Guinée Bissau n’a jamais fermé ses frontières parce que les statuts de la CEDEAO interdisent à ce qu’un de ses États membres ferme unilatéralement sa frontière à ses voisins. Mais mon grand-frère de la Guinée-Conakry a fermé les frontières avec la Sierra Léone, le Sénégal et la Guinée Bissau. Ils ont signé des accords, mais je leur (les chefs d’État de la CEDEAO, NDLR) ai dit qu’on n’est pas en guerre pour signer un cessez-le-feu. Ce sont des pays en guerre qui peuvent signer un cessez-le-feu. La frontière de la Guinée Bissau est ouverte « , persiste le président bissau guinéen. Se gardant toutefois de brusquer le président Macky Sall, son autre « mentor » et grand ami.
D’ailleurs, l’on se demande si sa déclaration sur la question » des troisièmes mandats » ne va pas le rattraper lorsqu’on sait que son principal allié de la sous-région qui, jusqu’à un passé récent, était sur la même longueur d’onde, semble avoir des prémisses de velléités pour l’échéance présidentielle de 2024 au Sénégal? Lui-même va-t-il respecter la constitution de son pays sans se dédire à l’issue d’un second et dernier mandat, en cas de réélection à la prochaine présidentielle ? Les questions restent entières.
En attendant, il faudra plus que des arguments pour convaincre Embalo à discuter avec Alpha Condé.