«Il faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être ». Ces propos bruts de décoffrage du tout nouveau président nigérien, Mohamed Bazoum, ont provoqué l’ire du gouvernement de transition en poste à Bamako. Parlant sans langue de bois, en marge d’un sommet sur la situation sécuritaire dans les pays du G5 Sahel aux côtés de son homologue français Emmanuel Macron, le successeur de Muhammadu Issoufou a rompu avec le ronronnement habituel. Au vu des protestations venant de Koulouba et du camp de Kati, l’homme n’a pas raté sa cible outre mesure. «Si des colonels deviennent des ministres et des chefs d’État. Qui va faire la guerre à leur place ? Ça serait facile qu’à chaque fois qu’une armée, dans nos pays, a des échecs sur le terrain, elle vienne prendre le pouvoir ».
Et l’homme fort de Niamey de porter l’estocade: « »C’est ce qui s’est passé par deux fois au Mali: en 2012, les militaires avaient échoué, ils sont venus faire un coup d’État. Cette année encore en 2020, ils ont fait la même chose. Ce ne sont pas des choses acceptables ».
Il n’en fallait pas plus pour que l’ambassadeur du Niger au Mali ne soit convoqué dare-dare. « Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, SEM Abdoulaye Diop, a formulé des protestations officielles à l’ambassadeur de la République du Niger au Mali, SEM Mamoudou Moumouni, souligne un communiqué qui évoque les longues relations sans nuages entre les deux pays. Du côté de Niamey, c’est le silence radio. D’aucuns se demandent s’il ne faut pas mettre les déclarations du président nigérien sur le compte d’un dérapage. D’autres évoquent une position ferme de Niamey, vitrine démocratique de la région, devant des hauts gradés peu pressés de rendre le tablier.
Les critiques de Mohamed Bazoum rappellent en tout cas le G5 Sahel à ses responsabilités. «Ce n’est pas à la France de combattre au Sahel», assène-t-il encore. Auteur de deux coups d’Etat en l’espace de 9 mois, les hauts gradés maliens ont beaucoup de mal à valider la situation de fait face à une communauté internationale agacée et désireuse de voir l’armée malienne se concentrer sur ses missions premières.