La présence de Paul Biya en Europe dans le cadre d’une visite privée alimente des batailles politiques qui vont au-delà de la confrontation classique entre la majorité et l’opposition. L’enjeu est plus important, puisqu’il s’agit de la succession à la tête du pays. Décryptage.
« Le Président de la République, accompagné de Madame Chantal Biya, a quitté Yaoundé ce dimanche 11 juillet 2021, en fin de matinée, pour un bref séjour privé en Europe ». C’est par ce communiqué laconique que la présidence de la République a officiellement annoncé, la visite qu’effectue actuellement le chef de l’Etat camerounais en Europe. Même sans avoir indiqué le pays d’accueil, pour ceux qui sont coutumier des faits, il est clair qu’il s’agit de Genève, en Suisse, où Paul Biya a l’habitude de prendre ses quartiers lorsqu’il s’agit d’un séjour privé.
Justement comme par le passé, c’est bien non loin du lac Lehmann que le chef de l’Etat a déposé ses valises, plus précisément au douillet cadre de l’hôtel Intercontinental, l’avion spécial qui le transportait s’étant posé peu avant à Cointrin dimanche à 18h30 en provenance du Cameroun. Selon nos informations, au regard du contexte sanitaire actuel et des répercussions que pourraient suggérer ce voyage, ledit séjour a été soigneusement arrangé pendant des semaines par Berne et Yaoundé où ne figure dans l’agenda aucune activité politique.
Bien qu’il s’agisse d’un séjour privé, le chef de l’Etat n’en est pas moins accompagné d’une « suite officielle », d’après la terminologie consacrée, ce qui est loin d’être une contradiction d’après les autorités camerounaises parce que « le président de la République travaille partout où il se trouve ». Toutefois, sur la base du communiqué, difficile de savoir combien de jours durera ce séjour présidentiel pendant lequel Paul Biya devrait notamment faire un check-up. Deux ans après le dernier séjour privé de Paul Biya à Genève émaillé d’incidents suite aux manifestations organisées à l’Intercontinental hôtels et resorts par des « activistes » proches de l’opposition, tout laisse croire que les mêmes causes vont produire les mêmes effets. Dans ce sillage, samedi 17 juillet prochain à 10 heures, sont prévues des manifestations « géantes » contre la présence du chef de l’Etat camerounais sur le sol helvétique.
A cette occasion, des opposants au régime de Yaoundé sous la bannière « toute la diaspora réunie » entendent mobiliser plus de 5000 Camerounais sur Genève pour exiger « le retour immédiat et sans condition de Paul Biya au Cameroun ». Ces derniers justifient leur acte au fait que le séjour présidentiel dans ce luxueux hôtel de cinq étoiles où les présidents américain Joe Biden et russe Vladimir Poutine ont déjeuné lundi 12 juillet coûte énormément cher au contribuable camerounais. Pourtant, affirment-ils, cet argent « dilapidé pour pérenniser le régime actuel » peut aider à développer le pays à travers la construction des infrastructures de base à l’instar des écoles, des hôpitaux ou des routes ou de procurer l’eau et l’électricité à la population.
Face à ce qui apparaît comme une défiance pour les institutions républicaines, les autorités camerounaises à travers l’ambassade du Cameroun à Berne ont condamné les « déclarations incendiaires et violentes de groupuscules extrémistes » et dénoncé des « propos aussi virulents qu’odieux » dont tout laisse croire qu’il s’agit d’un « projet qui vise à déstabiliser nos institutions en s’en prenant à celui qui les incarne ». Dans un sursaut patriotique, le pouvoir invite les Camerounais où qu’ils se trouvent à ne pas « céder aux discours haineux et à ne pas s’associer aux manœuvres inacceptables visant par ailleurs à ternir l’image de notre pays et à porter atteinte aux excellentes relations avec notre pays d’accueil dont les autorités, notamment celles de la sécurité ont été dûment saisies au sujet de cette situation ».
Les deux camps sont sur le qui-vive et n’entendent pas visiblement lâcher prise, d’où le rôle éminemment important que devront jouer les autorités suisses pour éviter l’escale. Depuis la réélection de Paul Biya en 2018 pour un mandat de sept ans, des activistes étiquetés comme proche de l’opposition ont multiplié des attaques contre les autorités camerounaises et les symboles de l’Etat. Ils ont pris à plusieurs reprises, l’assaut des représentions diplomatiques du Cameroun à Washington, Paris, Bonn, Genève, Londres, Bruxelles…, saccageant des édifices et tenant des propos hostiles contre le pouvoir.
Agé de 88 ans dont 39 passés à la tête du pays, Paul Biya fait face à une équation à plusieurs inconnus. Contesté par des opposants qui nourrissent l’ambition d’accéder à la magistrature suprême, il est également contesté en sourdine de l’intérieur du régime, où plusieurs de ses partisans et proches n’en rêvent pas moins que de lui succéder. Des affrontements publics de ses partisans au gouvernement à l’exemple du Covidgate qui éclabousse plusieurs responsables et dans d’autres institutions sont des signes précurseurs de fin de régime où les uns et les autres veulent se positionner. D’où des accusations réciproques au sein du pouvoir d’encourager des activistes qui seraient loin d’être uniquement des partisans de l’opposition
Un commentaire
Bla bla-bla-bla… non-sens sans éthique journalistique