Par Abashi Shamamba.
Par son montant, le rappel d’impôts infligé par le fisc marocain à Nestlé Maroc est historique. L’administration fiscale marocaine réclame un milliard de dirhams (110 millions de dollars) à la filiale du groupe agroalimentaire suisse à la suite d’un contrôle mené par la redoutable équipe de la division nationale des vérifications fiscales relevant directement du patron de la Direction Générale des Impôts à Rabat.
Le fisc a en effet rejeté la méthode de calcul des prix de transfert appliquée par Nestlé Maroc, c’est-à-dire, les prix auxquels sont facturés les achats et les ventes des biens et services entre la société et les autres filiales du groupe, mais aussi avec sa maison-mère. Il est reproché à Nestlé Maroc d’organiser indûment un transfert des bénéfices à sa maison mère en minorant le résultat imposable au Maroc par la manipulation des prix de transfert. Depuis son siège à Genève, le groupe Nestlé a dépêché des avocats fiscalistes qui se sont joints aux consultants locaux du cabinet EY pour assister sa filiale dans la procédure engagée devant la Commission nationale de recours fiscal pour contester ce redressement.
Négociations ouvertes avec la DGI
Sonné dans un premier temps, le management de Nestlé Maroc se montre aujourd’hui serein car la société s’est approchée de l’administration fiscale afin de trouver un accord à l’amiable et, au passage, obtenir une décote sur ce gigantesque redressement fiscal. Imane Zaoui, directrice générale de Nestlé Maroc, se dit confiante sur l’issue de ces tractations. Pour elle, «la méthode utilisée par Nestlé Maroc est un schéma mondial implémenté dans toutes les filiales du groupe». Pas sûr que cet argument puisse convaincre le fisc marocain. Il semble que les discussions entre les deux parties seraient plus proches de la rupture que d’une transaction, assure une source.
Selon la loi marocaine, dans une transaction entre le fisc et un contribuable, une remise sur le montant des redressements fiscaux ne peut porter que sur des questions d’interprétation et non de droit. En gros, il n’est pas possible de réduire la note de la TVA non versée au Trésor, mais le fisc peut concéder une baisse sur les montants des pénalités de retard ou du niveau des redevances qu’une entreprise a versé à sa maison-mère au titre de l’assistance technique.
Dans les opérations de contrôle fiscal des filiales de multinationales au Maroc, les prix de transfert constituent le point-focus sur lequel se concentrent les inspecteurs des impôts lors des opérations de vérification des comptabilités des sociétés. En la matière, c’est la doctrine émise par l’OCDE avec au cœur le principe de pleine concurrence, qui fait autorité dans tous les pays. Mais tout le monde, entreprises comme administrations fiscales, n’en fait pas la même lecture. Pour prévenir le contentieux et donner plus de visibilité aux entreprises, le législateur marocain a institué le mécanisme des «accords préalables sur les prix de transfert». Celui-ci consiste à faire valider à l’avance par la Direction Générale des Impôts la méthode de calcul des prix de transfert. L’accord est valable cinq ans.