ZLECA : Quel rôle peuvent jouer les banques panafricaines ?
Dans le cadre de notre dossier « Les 30 banques africaines à fort impact régional », nous vous présentons cet éditorial de Kamal Mokdad, Directeur Général de la Banque Populaire du Maroc. Pour ce banquier, La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) ouvre de nouvelles opportunités pour la finance africaine.
L’Afrique est indubitablement le continent de tous les défis mais également de toutes les opportunités. Au moment où la croissance économique se tasse au niveau des pays émergents, le continent peut clairement se positionner en tant que locomotive prometteuse de la croissance mondiale. Les raisons sont bien connues, une démographie jeune, des ressources naturelles abondantes et un déficit significatif à combler sur bon nombre de domaines (infrastructures, éducation, santé…). L’Afrique est aussi la partie du Globe où la pauvreté, la précarité et les inégalités sociales persistent, en dépit des avancées réalisées. A l’heure actuelle, le continent est à la croisée des chemins et a besoin de mesures structurantes pour libérer son potentiel et stimuler la croissance des 54 pays qui le composent.
Dans ce contexte, la création de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECA) se présente comme une réponse franche aux contraintes qui entravent le développement du commerce intracontinental. Selon la Banque Mondiale, la ZLECA devrait générer un gain potentiel de 450 milliards de dollars à horizon 2035, dont les deux tiers proviendraient des mesures de facilitation du commerce, en particulier celles tendant à simplifier les procédures douanières. C’est dire à quel point la création d’un marché unique pourrait avoir des impacts économiques et sociaux puissants sur la population africaine.
« Au Maroc, nous sommes convaincus depuis longtemps que l’avenir de l’Afrique se trouve avant tout en Afrique »
Kamal Mokdad
Il est bon de rappeler que la zone de libre-échange continentale africaine, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, demeure la plus grande zone de libre- échange au monde en nombre de pays participants, avec un marché unifié avoisinant les 1,2 milliard de personnes et un PIB combiné de 3 000 milliards de dollars. La ZLECA est également une composante essentielle du plan de développement à long terme de l’Union Africaine, visant à faciliter les échanges commerciaux et les déplacements sur le continent. Cette nouvelle donne est de nature à inciter les États africains à mener les réformes structurelles qui s’imposent afin de tirer profit des opportunités d’affaires qui se profilent à l’horizon, renforcer leur compétitivité et industrialiser leurs économies et, partant, accélérer leur croissance notamment à travers le renforcement de l’intégration du continent africain dans les chaînes logistiques mondiales en particulier dans le contexte de la relance économique post-covid.
Au Maroc, nous sommes convaincus depuis longtemps que l’avenir de l’Afrique se trouve avant tout en Afrique. Cet état de fait se reflète sur les investissements sur le continent qui sont passés de 90 millions de dollars en 2007 à près de 550 millions de dollars en 2019, représentant près de 47% des Investissements directs étrangers marocains. Un taux qui est resté à des niveaux élevés depuis plusieurs années. Pour le groupe BCP, l’investissement en Afrique subsaharienne s’est imposé de manière presque naturelle afin de diversifier ses activités et d’accompagner les ambitions du Royaume chérifien visant à devenir un hub régional et une porte d’entrée pour l’Afrique. Le Business-model de notre Groupe et notre ADN de banque mutualiste nous ont permis d’aborder le marché africain avec une vision inclusive, collaborative notamment avec les États, et ciblant la démocratisation des services financiers et le financement des projets transformants à travers nos différentes filiales, que ça soit à travers la banque conventionnelle, la microfinance, l’assurance ou encore les services digitaux (paiements de masse, transferts…).
Le groupe BCP est le 6ème plus grand groupe bancaire en Afrique par la taille des fonds propres. Il est présent dans 32 pays, dont 18 en Afrique, avec en plus du Maroc, des filiales bancaires en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale et en Océan Indien. La BCP est résolument engagée en faveur de la stimulation de l’investissement privé en Afrique subsaharienne, en encourageant les opérateurs africains à explorer les opportunités d’affaires dont regorge le continent et en fluidifiant les opérations de Trade en provenance ou à destination de l’Afrique. Un dispositif spécifique de global coverage a été mis en place, nous permettant d’assurer une relation de proximité avec les investisseurs. Pour cela, nous avons structuré une équipe dédiée, basée à Paris, qui assure la gestion de la relation avec les investisseurs européens intéressés par l’Afrique, en fortes synergies avec nos différentes succursales Chaabi bank en Europe. Nous avons également une équipe dédiée au Coverage Afrique, à Casablanca, pour les investisseurs marocains intéressés par l’Afrique subsaharienne, et une équipe Global Coverage à Abidjan pour les clients régionaux. Nous avons également des filiales dédiées à Maurice et aux Émirats Arabes Unis, notamment pour l’accompagnement des flux entre l’Asie et l’Afrique, ainsi que l’accompagnement des investisseurs et exportateurs d’Asie et du Moyen Orient. Nous avons aussi signé plusieurs partenariats avec des bailleurs de fonds internationaux (BAD, BERD, BID, SFI…) pour soutenir le commerce intra-africain.
D’une manière plus globale, le secteur financier demeure un partenaire central dans la concrétisation de la ZLECA (financements, diversification des risques, mobilisation des ressources…). Il est même appelé à jouer un rôle de catalyseur et d’accélérateur du développement de nouvelles industries en offrant des solutions de financement pertinentes des cycles de vie des agents économiques, des particuliers aux États, en passant par les petites et moyennes entreprises, en acheminant des ressources financières abondantes en provenance des bailleurs de fonds nationaux et en apportant une connaissance précise des contextes et partenaires locaux. Avec l’opérationnalisation de la ZLECA, le rôle des banques est donc amené davantage à se renforcer, pour une croissance durable et pérenne de l’ensemble du continent.