Des atteintes à la fortune publique établies par la justice camerounaise au cours des dix dernières années ont laissé un énorme trou dans les caisses de l’Etat. Il en est par exemple des 400 milliards de FCFA (725 millions de dollars) au titre de dommages-intérêts, amendes et dépens découlant d’une centaine de décisions de justice précise la section spécialisée de la Cour suprême issue de la modification de la loi du 14 décembre 2011 portant création du Tribunal criminel spécial (TCS). Des personnes coupables de détournements publics constituées généralement de hauts commis de l’Etat, ministres, directeurs généraux de sociétés, magistrats municipaux, prestataires…, dont plusieurs ont été emprisonnées suite à des lourdes condamnations dans le cadre de la campagne anti-corruption dénommée « Opération épervier ».
Malgré des peines d’emprisonnement lourdes, allant jusqu’à une vingtaine d’années pour certains, l’Etat peine à récupérer le patrimoine public frauduleusement acquis. Une situation qui ternie quelque peu l’image de cette opération main propre initiée par le chef de l’Etat Paul Biya et dont nombre d’observateurs l’assimilent de plus en plus à un règlement de comptes politiques dans la perspective de la succession à la tête du pays. Un point de vue loin d’être une simple vue d’esprit d’autant que des personnes condamnées se recrutent essentiellement parmi des pontes du régime et des militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir). Non seulement certains justifiables ayant remboursé le corps du délit sont toujours en prison, mais il est arrivé que d’autres responsables condamnés puissent bénéficier subtilement d’un élargissement, officiellement pour subir des soins médicaux « appropriés » à l’étranger.
Le recouvrement des fonds dus fait face non seulement aux lourdeurs administratives mais également aux chevauchements des administrations publiques commises pour le suivi de l’opération confirmant la « difficile exécution des décisions de justice au Cameroun » dénoncée par les professionnels de la justice eux-mêmes. La lenteur dans l’application de la loi est certainement liée à la corruption, à l’affairisme et aux tripatouillages de toutes sortes qui privent malheureusement d’importantes ressources à l’Etat qui auraient pu contribuer à l’amélioration des conditions de vie des citoyens.