Par Beringer GLOGLO, Économiste, Fondateur du Cercle des Jeunes Économistes pour l’Afrique
À la sortie de la crise du coronavirus, la jeunesse béninoise semble vouloir reconquérir le qualificatif de «quartier latin», jadis prêté au Dahomey. Mais cette fois, les choses sont différentes. En lieu et place du landerneau politique, les jeunes béninois ont fait le choix du terrain de l’entreprenariat. Les innovations y font florès. La mode, les nouvelles technologies, les systèmes de paiement transfrontaliers, l’hôtellerie et le tourisme, etc – les domaines d’intervention sont variés. Par exemple, Funkè se veut une marque de mode éthique et éco responsable qui revisite le pagne tissé (« kanvô » ancestral). À la croisée de l’art historique et contemporain, la culture et l’immobilier, Art Résidence implantée dans la ville historique de Porto-Novo s’est hissé en nouvel acteur du tourisme. SuTchaa, une application mobile, veut accélérer et faciliter les transactions financières dématérialisées à l’aide d’un simple QR code sans besoin d’une connexion internet ni d’un compte bancaire préalable. Asuka Spirit suscite une effervescence sociale avec ses solutions technologiques innovantes, lunettes et montres connectées, ordinateur portable core i7, Made in Benin.
D’une part, ces changements démontrent l’esprit volontariste de la jeunesse béninoise de ne pas rester en marge des évolutions observées dans le monde. En considérant la théorie économique Schumpétérienne, ils renvoient, d’autre part, des signaux positifs quant à l’avenir de l’économie, le secteur privé en tout cas. En effet, pour l’économiste Joseph Schumpeter (1883), «l’innovation et le progrès technique sont les principaux ressorts du progrès économiques». Rappelons que l’économie du Bénin avait déjà montré une résilience particulière dans la sous-région pendant la crise du coronavirus avec une croissance économique positive de 2,3 % fin 2020 (BAD).
C’est pourtant au cœur de ce paysage florissant de bonnes nouvelles qu’affleurent deux points de réflexion essentiels. Il s’agit de la mutation du profil des entreprises et la traditionnelle question de la disponibilité des ressources énergétiques. Le premier fait allusion aux entrepreneurs dans le digital. Dans son ouvrage « Le digital au secours de l’Afrique », l’économiste – essayiste, Sophonie Koboude, a martelé l’opportunité que représente le digital pour l’entreprenariat en Afrique. Cependant, il y a une profonde modification du profil de risque des entreprises dans le domaine du digital – ce qui peut complexifier les problèmes de financement déjà observés. Pour comprendre cela, considérons une startup qui conçoit des applications mobiles. Elle concentre une part importante de l’investissement dès le démarrage de l’activité (matériels, main d’œuvre, capital financier) sans aucune garantie de succès de l’application in fine. Dans le meilleur des cas, lorsque l’application connait un succès sur le marché, elle n’aura plus besoin de la même quantité d’investissement pour dupliquer l’application sous un autre système ou pour procéder à des mises à jour. Cela implique qu’à long terme, son coût marginal de production est quasi nul. Mais dans le même temps elle est beaucoup plus risquée. Or, on sait l’aversion des banques de la sous-région pour le financement des entreprises préexistantes.
Le second point, la disponibilité des ressources énergétiques, concerne toutes les entreprises, qu’elles soient dans le domaine du digital ou non. Il ne suffit pas pour les entrepreneurs que d’avoir des idées ou des solutions innovantes, mais encore faudrait-il qu’ils puissent vraiment produire – à temps – en quantité suffisante et surtout à faible coût pour rester compétitive. La disponibilité d’une énergie de qualité est une condition non suffisante mais indispensable. Particulièrement, pour les entreprises du digital, l’énergie est non seulement nécessaire pour la production mais aussi pour les consommateurs de leur produit. L’utilisation d’une application par des particuliers ou des professionnels via un support technologie requiert a priori de l’énergie.
Au final, le dynamisme et la créativité de la jeunesse constituent un gage du développement économique au Bénin. Néanmoins, ce dernier reste conditionné. Le cadre prévalent offre un terrain propice pour raviver un ancien débat dont la quintessence repose sur le mode de financement des économies africaines et la création d’un écosystème durable favorable à l’essor du secteur privé.