Portée économiquement par son secteur minier qui représente 90 % de ses exportations, et qui a failli provoquer une crise mondiale majeure de l’aluminium, avec en toile de fond l’incertitude liée au putsch du 5 septembre 2021, la Guinée figure, malgré la pandémie de Covid-19, dans le top 5 des pays africains aux économies les plus résilientes, affichant un taux de croissance de son PIB de 5,2% en 2021. Cependant, les effets pervers d’une inflation galopante de sa monnaie, le franc guinéen (GNF), continuent de fragiliser le pouvoir d’achat des populations.
De l’ordre de 9,8 % en 2018 avant d’enregistrer une légère baisse en 2019 à 9,5 % et repartir à la hausse en 2020 à 10,4 %, l’inflation globale a enregistré une hausse de +1,6 et se situe actuellement à 12 % (2021), selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI). Une inflation causée principalement par la hausse des coûts de fret, associée aux perturbations des circuits d’approvisionnement liées à la Covid-19, ainsi que l’impact de l’assouplissement des politiques budgétaires et monétaires pour répondre à la pandémie, ce qui a favorisé une hausse exponentielle des prix des denrées alimentaires, et du coût des services.
Le phénomène de la rigidité ou de « l’inflexibilité » des prix des biens et services
L’inflation qui caractérise le franc guinéen (GNF) depuis des années (entre 8 et 10 % depuis 2012) est également tributaire d’un phénomène négligé, voire insoupçonné qu’on pourrait appeler « l’inflexibilité des prix » à l’opposé du principe contraire de « la flexibilité des prix » des biens et services des activités commerciales. Un phénomène orchestré et entretenu par les professionnels du commerce devant l’indifférence des autorités guinéennes, et qui favorise également la dépréciation de la monnaie locale et l’effritement continue du pouvoir d’achat des Guinéens.
L’absence de mécanismes de contrôle des prix des produits, biens de consommations et services (affichage obligatoire des prix, notamment), fixés librement par les professionnels du secteur commercial, pour contrecarrer les « prix abusifs » a laissé place à une autorégulation des tarifs commerciaux, dont l’essentiel des contrôles est effectué à titre fiscal. Un véritable handicap pour la politique monétaire dans un pays qui a une croissance économique théorique qui ne se reflète pas sur le niveau de vie des populations, et qui ne bénéficient pas de mécanismes de redistribution des richesses créées par le secteur minier.
La dépréciation du franc guinéen (GNF) n’est donc pas strictement liée à la récession, puisque le pays affiche 5,2 % de croissance, ni forcement au déficit commercial, ou à l’émission de monnaie par la banque centrale (la planche à billets). Sa dévaluation serait également entretenue par des pratiques commerciales favorisées par le monopole, aboutissant à l’absence de concurrence et à la dictature des prix et pour couronner le tout, à la violation du principe de flexibilité des prix des produits à la consommation et des services, qui tienne compte de la fluctuation des éléments basiques en matière de fixation des prix (coût de la production, transport, taxes, etc…).
Cela se traduit dans les chiffres : l’indice global des prix à la consommation fourni par l’Institut national de la statistique (INS) de Guinée, au 21 septembre 2021, est en hausse de +0,2% en variation mensuelle ; en hausse de 0,3% en variation mensuelle pour les produits alimentaires ; en hausse de + 13,1% en variation annuelle en glissement ; en hausse de +12,1% en variation annuelle en moyenne.
Conséquences d’une inflexibilité « entretenue »
La dévaluation incontrôlée du franc guinéen (GNF), monnaie historiquement nationaliste et anticolonialiste post-indépendance qui, il y’a deux décennies, était encore solide sur ces fondamentaux, pâtit aujourd’hui d’un secteur commercial hors contrôle, qui a pris ses marques dans un libéralisme tous azimuts, impulsé pendant la deuxième République. Ce qui contribue à dégrader le pouvoir d’achat des Guinéens, mais aussi à faire exploser le coût de la vie, mettant en péril les avantages salariaux et sociaux pour lesquels le gouvernement et le secteur privé ont consenti beaucoup d’efforts.
Mais plusieurs sources affirment que les professionnels des activités commerciales et des services qui s’appuient logiquement sur la hausse des tarifs douaniers, de fret ou du taux de change pour ajuster la hausse les prix, sont les mêmes qui profitent de la situation avec la complicité d’agents de la douane ou des impôts, pour refuser de réajuster les prix en cas de fluctuation des taxes ou impôts, des coûts de production, de carburant, de dédouanement ou de transport. En clair, le système serait entretenu par l’État lui-même, plus préoccupé à renflouer ses caisses.