En République démocratique du Congo (RDC), la nomination d’un président à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), et d’une équipe confirmée le 22 octobre 2021 par le président Félix Tshisekedi a de quoi rassembler ses adversaires, – et même un allié – contre lui.
Denis Kadima. C’est le nom annoncé au soir du 22 octobre dernier par le président Félix Tshisekedi via une ordonnance publiée après un message télévisé à la Nation, confirmant ainsi le choix fait quelques jours plus tôt par l’Assemblée nationale malgré les avis divergents, dont ceux de l’Église catholique et des protestants réunis au sein de l’Eglise du Christ au Congo (ECC). A la base donc d’une levée de boucliers de la classe politique et de la société civile dans le pays, Denis Kadima et le chef de l’Etat — dont il est un proche — sont devenus la cible de plusieurs partis politiques, mouvements citoyens et laïcs, regroupés de commun accord, exprimant leur désapprobation contre la nouvelle direction de la CENI. Ce, dans une déclaration publiée dimanche.
« A partir de ce 24 octobre 2021, de grandes actions citoyennes seront organisées à travers toute l’étendue du pays pour exiger l’indépendance, la dépolitisation et la non instrumentation de la CENI en vue des élections crédibles, libres, transparentes, inclusives et apaisées », affirment-ils dans une déclaration signée par Devos Kitoko (Ecide de l’opposant Martin Fayulu), Papy Mbaki (Ensemble pour le Changement de Moïse Katumbi), Marie Ange Mushobekwa et Félix Kabange Numbi (FCC de Joseph Kabila), Blanchard Mongomba (Nouvel élan de Muzito), le Calcc, Milapro, Jeunesse catholique, les Décideurs, la Dysoc de Lisanga Bonganga et le CLC.
Et d’ajouter : « constatant que les élections manipulées et mal organisées constituent la principale source d’instabilité, d’illégitimité et de sous-développement de notre pays, considérant que le processus des réformes de la CENI et du remplacement de ses membres a été entaché de corruption, de violation des lois, d’absence de consensus et de manipulation par le pouvoir actuel, dans l’intérêt supérieur de la Nation et pour sauver les acquis de la démocratie malgré nos différences, (nous) décidons d’unir nos forces en vue d’obtenir par tous les moyens légaux, l’adoption consensuelle d’une loi organique sur la CENI et d’une loi électorale pour l’organisation des élections crédibles, libres, transparentes , inclusives et apaisées en 2023 ».
Par ailleurs, l’ex-président Joseph Kabila, leader du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), a fait savoir, par la voix du secrétaire permanent, Emmanuel Shadary, que sa plateforme FCC (Front Commun pour le Congo) n’est « plus partie prenante à ce processus qui n’a pas de consensus dans le choix des animateurs par composante et, globalement, pour toutes les composantes ».
Jusque-là allié du chef de l’Etat dans le cadre de l’Union sacrée de la Nation, Moïse Katumbi se signale également dans les rangs des contestataires. «Nous refusons l’affaire de débauchage des gens dans des partis politiques. Ce n’est pas ça la politique que nous cherchons. Nous tous, notre amour, c’est la RDC. Nous cherchons le consensus. Si les gens sont restés calmes avec amour, c’est pour permettre à ce que le pays puisse aller de l’avant. Je vous demande d’être vigilants et ouvrez les yeux parce que nous avons besoin du consensus. Le consensus, c’est pour que la paix continue dans le pays», avait déclaré l’ancien gouverneur du Katanga, le 21 octobre 2021, lors d’un meeting organisé à Lubumbashi, chef-lieu du Haut-Katanga.
De son côté, le leader de la plateforme politique Lamuka, Martin Fayulu Madidi, dit dénoncer, dans la désignation de Denis Kadima à la direction de la CENI, «des mêmes méthodes utilisées par le pouvoir pour la mise en place des membres de la Cour constitutionnelle, pour orchestrer la fraude électorale en 2023».
«Plutôt que de suivre la voix du peuple, Monsieur Mboso (président de l’Assemblée nationale, Ndlr) a témérairement décidé de défier tout le peuple congolais en faisant entériner de manière cavalière et théâtrale une liste incomplète des membres de la CENI avec à sa tête Monsieur Denis Kadima, un proche de Monsieur Félix Tshisekedi», a-t-il déclaré à la presse, le 19 octobre 2021 à Kinshasa.
Vendredi, le président Félix Tshisekedi affirmait que «la démocratie compétitive (…) a ses règles qui veut que l’on ait des gagnants et des perdants ».
«C’est ici l’occasion de féliciter le président de l’Assemblée nationale pour avoir donné plusieurs occasions aux confessions religieuses membres de la plateforme de se retrouver afin de dégager un compromis, à défaut d’un consensus. Notre pays a résolument opté pour la démocratie compétitive. Celle-ci a ses règles qui veut que l’on ait des gagnants et des perdants. Nous ne pouvons pas, après avoir choisi la compétition et les règles qui y sont afférentes, nous en soustraire. Nos divergences, loin d’être des faiblesses, sont plutôt des illustrations de notre vitalité démocratique», avait-il déclaré.
Dans son allocution, le chef de l’Etat avait « vivement » exhorté les nouveaux membres de la CENI « à œuvrer pour l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes dans les délais constitutionnels». Il en a nommé 12 sur 15 postes à pourvoir.