Assistons-nous à la formation d’un axe Mali-Guinée dans la sous-région ouest-africaine pour l’impulsion d’un nationalisme d’autodétermination des peuples africains, afin de contrecarrer l’ingérence occidentale qui agit parfois en filigrane de la diplomatie continentale limitée par les contingences d’ordres économiques et financières? Les postures nationalistes prises par le colonel Mamady Doumbouya de la Guinée et son homologue malien Assimi Goita dont les profils très similaires, sont en effet assez inédites et rappellent l’engagement des pères-fondateurs, Sékou Touré et Modibo Keita.
Les messages envoyés par les deux hommes sont clairs : « personne ne décide à la place de nos peuples, qui qu’il soit, la possibilité de décider de leur propre avenir est un droit dont ils ont la légitimité exclusive ». Et rien ne semble vraisemblablement les intimider sur cette voix. Pas même l’ancienne puissance coloniale, la France, que le premier ministre Choguel Maiga n’a pas hésité à bousculer sans retenue sur la fâcheuse question du « retrait de Barkane ». Faisant sortir le président français Emmanuel Macron de ses gonds. Une position que va assumer sans trembler Assimi Goita.
La disgrâce du diplomate burkinabè Hamidou Boly, représentant spécial de la CEDEAO au Mali déclaré « persona non grata » avec un ultimatum de quitter le territoire est le dernier épisode en date d’une longue série de décisions fortes de la junte dirigée par le colonel Assimi Goita, empreintes de fermeté intransigeante sur l’autodétermination par rapport aux conditions de la transition dans son pays. C’est aussi un signal fort envoyé à l’organisation régionale qui joue pratiquement les porte-parole d’une communauté internationale très prudente, en Afrique de l’ouest, et qui agit par procuration, en faisant du respect de la durée de la transition sa priorité, pendant que le gouvernement malien a décidé de ne céder à aucune pression diplomatique sur la question. Étant déterminé à se donner du temps pour poser les jalons de l’organisation d’élections libres et transparentes.
En Guinée, la CEDEAO est également tombée sur un autre « roc », le colonel Mamady Doumbouya qui jongle avec une habilité forçant le respect, entre ouverture diplomatique mettant en avant ses convictions patriotiques, panafricaines et une fermeté nationaliste sur l’autodétermination des Guinéens sur leurs propres conditions de la transition, n’hésitant pas à surfer sur sa légitimité populaire. La CEDEAO, qui avait décidé de sortir l’artillerie lourde, s’est finalement ramollie après que les têtes d’affiche de l’organisation, Alassane Ouattara et Nana Akufo Addo, se sont confrontés au colonel Doumbouya. Les renvoyant presque à l’expectative ou plutôt à une diplomatie plus classique et cordiale. L’on est même en droit de s’interroger s’il n’existe pas une connexion Doumbouya-Goita, tellement les actes posés par les deux hommes convergent.
Le nouveau chef de la diplomatie guinéenne, nommé par le colonel Mamady Doumbouya, qui a pris fonction ce mardi 26 octobre, n’y va pas du dos de la cuillère pour prendre ses marques : « nous demandons qu’on respecte notre pays puisque nous respectons les autres pays. Nous devons être indépendants dans un monde interdépendant. Si nous faisons cela, notre dignité restera toujours debout », a déclaré pour son tout premier discours, Dr Morissanda Kouyaté, co-lauréat en 2020 du Prix Nelson Mandela de l’ONU pour son engagement contre les mutilations génitales féminines.
« Si nous travaillons ensemble, poursuit-il, l’Europe, l’Amérique, le monde entier nous respectera. Je voudrais saluer nos partenaires pour leur dire que la Guinée leur tend la main. Nous les respectons, les remercions pour ce qu’ils ont fait. Alors, qu’ils soient à l’écoute de la Guinée qui va poser sa transition sur la table, elle ne sera pas à négocier, elle est déjà négociée par les Guinéens. Elle sera à aider et à supporter. C’est pour cela que nous comptons sur eux », a martelé le chef de la diplomatie guinéenne. Reprenant mot par mot, les mêmes éléments de langage que le nouvel homme fort de la Guinée, voire plus. Jusqu’où iront Doumbouya et Goita ? Wait and see.
Un commentaire
Cher Diallo,
C’est une assumption légitime. Comme vous le dites: Time will tell.
Surtout quand l’on considère (1) leur proximité au Burkina lors de l’opération Africa Shield et (2) la dynamique de l’écologie socio-politique de l’Afrique de L’Ouest, dans laquelle on peut percevoir une resemblance aux conditions de la guerre froide des années soixante – une période qui a stimulé la mise en place de la federation Guineo-Malienne.