Par Jean Missinhoun, président de la Fondation Earth Love United
Durant la COP26, il y a eu des avancées indéniables : la ratification par la Turquie de l’Accord de Paris, ou encore l’échéance de 2070 que l’Inde s’est fixée pour parvenir à la neutralité carbone. Couplées aux nouveaux engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et aux nouvelles contributions nationales fortes, celles-ci rendent réaliste l’objectif d’un réchauffement de la planète de 1,9° par rapport à l’ère préindustrielle. Une donnée encourageante par rapport à l’avant-Glasgow, où le monde s’acheminait vers un réchauffement planétaire de 2,7°.
Si ces signaux sont positifs, ils sont loin d’être suffisants, les émissions étant reparties à la hausse depuis six ans – pour atteindre 36 milliards de tonnes en 2021 -, et les éléments météo extrêmes étant appelés à se multiplier au-delà de 1,5°, selon les prévisions du Giec. Sans un effort spectaculaire d’ici 2030, la neutralité carbone en 2050 sera inatteignable.
Nouvelle approche face à l’injustice climatique
Le réchauffement climatique a beau être un défi mondial, la communauté internationale reste divisée sur les moyens d’y répondre. Une chose est sûre : face à l’injustice climatique que subissent les pays en développement, responsables d’à peine 4% des émissions de GES mais principales victimes du changement climatique, l’approche doit être repensée. Dans les Etats les plus vulnérable, où l’impact économique annuel serait compris entre 290 et 580 Md USD jusqu’en 2030 et jusqu’à 1 700 milliards de dollars en 2050, la question de l’adaptation est fondamentale. C’est elle qui conditionnera le déblocage et l’augmentation des financements des pays donateurs.
L’Afrique doit tirer parti de ses richesses naturelles pour apporter sa pierre à l’édifice de la lutte contre le changement climatique. Les Africains détiennent les clés pour empêcher l’aggravation de la situation climatique. C’est précisément le sens des actions menées par la Fondation Earth Love United, dont les travaux de recherche se concentrent sur des solutions naturelles afin de permettre à terme aux pays en développement de se doter de leurs propres outils de lutte contre le changement climatique.
Alors que de plus en plus d’industriels se tournent vers la décarbonation de leurs activités via des dispositifs technologiques de captation et de stockage du CO2 (CCS), la Fondation ambitionne de développer à grande échelle des solutions équivalentes reposant sur des ressources végétales abondamment présentes sur le continent, économiquement viable. C’est ainsi que nos équipes de chercheurs concentrent actuellement leurs travaux sur la restauration et l’optimisation des capacités de captation et de stockage d’une forêt de mangrove sur un site pilote, au Bénin. Au vu du potentiel de captation et de stockage exceptionnel de ce puits de carbone, il est indispensable d’investir dans la préservation de son écosystème.
Énorme potentiel de développement
Un autre domaine d’expérimentation porte sur le développement de bioréacteurs fonctionnant à partir de grands volumes d’algues ou de posidonies – une ferme de bioréacteurs pouvant absorber 100 000 tonnes de CO2 par an, susceptibles d’être valorisées en biocarburants ou en produits cosmétiques par la suite. Les perspectives de cette technologie sont très prometteuses, alors que selon le Groupe d’experts international sur l’évolution du climat, le CCS pourrait séquestrer plus de 20 % des émissions mondiales de CO2 d’ici 2050. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la généralisation de la technique du CCS à la production d’énergie et à l’industrie sera nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques, via un captage sur site industriel ou directement dans l’atmosphère.
Pour les pays en développement, multiplier les mesures d’adaptation sera le plus sûr moyen de débloquer – les financements promis par les pays les plus avancés, ces 100Md USD annuels qui semblent déjà très insuffisants face aux besoins croissants pour réduire l’exposition des pays les plus vulnérables. Même si nous, Africains, sommes des contributeurs insignifiants au réchauffement climatique, emparons-nous de cette technologie, développons-là à l’échelle et faisons valoir notre contribution à l’effort collectif. C’est une question de volontarisme politique, de sensibilisation, d’éducation et de financement, qui renforcera notre légitimité morale, politique et scientifique à réclamer des fonds additionnels.