Par Modibo Diop.
En Février 2017 au plus fort du débat politique sur la dette publique du Sénégal je publiais dans divers sites et journaux de la place la contribution ci-dessous ‘’la dette publique du Sénégal sous Macky Sall ». Voilà en extension ce que je disais à l’époque: «messieurs, il n’y a pas de quoi fouetter un chat, l’endettement du Sénégal est soutenable et sous contrôle…».
L’année 2016 se termine avec l’approbation de la loi des finances rectificative et le vote de la loi des Finances 2017. Le Sénégal avait connu une embellie de taille suite aux excellents résultats économiques réalisés par le Gouvernement après deux années de mise en œuvre du PSE,en même temps la nouvelle loi de finances 2017 augurait de très bonnes perspectives pour notre Pays. Malgré cette belle réalité économique, le débat politique s’était déporté sur l’endettement du Sénégal, endettement que certains Cassandre ont vite fait de transformer en cauchemar,,tout en prophétisant une future crise de la dette sénégalaise à l’instar de la Grèce. Leur analyse était principalement basée sur le montant de la dette et son ratio par rapport au Pib.
Pour mémoire, en 2011 à la chute du pouvoir libéral, la dette était de 2313 milliards de Franc CFA soit 33,9% du Pib. À la fin 2016, après deux années de mise en œuvre du Pse, la dette était de 5172 milliards de Franc CFA, soit 62% du PIB. Sur le plan de l’analyse économique, cet argumentaire n’est pas objectif. Pour cause, le montant de la dette ainsi que son ratio sur le Pib ne peuvent être les seuls critères pertinents d’évaluation. C’est pourquoi au niveau des partenaires techniques et financiers des outils d’analyse existent pour une appréciation objective de l’endettement d’un pays.
Le groupe de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire international ont développé l’outil dénommé le Cadre de Viabilité de la Dette (CVD) pour mieux mesurer les risques et les opportunités d’endettement des Pays candidats aux financements internationaux. Cet outil, en accord avec les Bailleurs de Fonds, est utilisé semestriellement par le Gouvernement pour apprécier les offres de financement avant tout engagement sur les marchés financiers. Le CVD développe une analyse de soutenabilité de la dette selon trois scenaris :
-un scénario de référence retenu dans le Pse avec une projection vers 2035.
-un scénario historique qui demeure une simulation sur une décennie.
-un scénario de chocs exogènes créant des test de sensibilité face aux variations d’agrégats comme le taux de croissance, le PIB, l’inflation, la convertibilité monétaire, le déficit public etc.
A la fin 2016, après toutes les simulations et en accord avec les bailleurs de fonds, il est ressorti que le Sénégal sous le régime du Président Macky Sall est en mesure d’honorer sa dette à tout instant. D’où la notion de sa soutenabilité accompagnée par un profil de risque de surendettement très faible.
Dans mon propos, j’ai fait exprès de n’avoir pas eu à développer les critères de surveillance multilatérale dans le cadre de L’UEMOA car ces derniers ne font que confirmer les conclusions du CVD.
Depuis bientôt trois années, j’ai toujours démontré dans mes diverses contributions ainsi que dans d’autres cadres d’échanges, l’excellence des résultats économiques du Sénégal, ce qui va incontestablement faciliter la réélection du Président Sall en 2019. Toutefois, malgré l’embellie économique et la soutenabilité de la dette, le Gouvernement devra rester prudent sur l’endettement, en continuant à stabiliser le cadre macroéconomique avec une croissance soutenue et durable afin de réussir l’émergence du Sénégal en 2030.
En même temps, il devra engager les réformes suivantes pour mieux conforter la gouvernance de la dette publique:
-Mieux coordonner l’endettement du Sénégal en donnant plus de prérogatives et de pouvoirs decisionels au Comité National de la Dette Publique (CNDP).
-Améliorer la qualité de la dépense publique et renforcer la sobriété budgétaire et la souveraineté budgétaire, deux théories économiques initiées par le Président Macky Sall.
-Renforcer les capacités d’absorption des crédits mobilisés pour la commande publique afin d’accélérer la mise en œuvre des projets tout en améliorant la passation des marchés.
-Reprofiler la dette vers plus d’emprunts concessionnels pour la mise en œuvre de projets à haute rentabilité économique.
-mieux encadrer le Partenariat Public Privé pour éviter l’endettement inutile.
– Continuer à améliorer le climat des affaires par des réformes phares afin de mieux attirer les Investissements Directs Étrangers (IDE) qui ne sont pas générateurs de dette publique.
Garantir la souveraineté économique des générations futures
Pour garantir la souveraineté économique des générations futures, le CNDP devra étudier un scénario de sortie définitive du cycle de l’endettement avec un chronogramme que ses experts sont en mesure de mettre en œuvre afin de le proposer au Gouvernement. Les recettes attendues de la rente pétrolière dès 2022 devraient faciliter un tel processus nécessaire à la réussite d’une émergence inclusive du Sénégal (l’Indonésie comme exemple d’émergence « exclusive » devrait inspirer les experts du CNDP) ‘’. STOP fin de la contribution sur le débat de la dette publique de l’époque ( Février 2017).
Ainsi dans les conclusions de cette contribution, je préconisais à l’époque, sur les perspectives du contrôle de la dette publique, de prévoir un scénario de sortie de la dette pour ainsi offrir aux générations futures leur souveraineté économique. Cela dans le nouveau contexte de l’arrivée des recettes additionnelles attendues de l’exploitation du pétrole et du gaz dès 2023.
Le projet de loi relatif à la répartition et à l’encadrement de la gestion des recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures, après échanges en Conseil Présidentiel d’le mardi 21 décembre 2021, passera en Conseil des Ministres en cette fin d’année pour validation avant d’aller en votation à l’Assemblée Nationale. Il y est alors prévu d’abonder 90% des recettes attendues dans le budget général et 10% des recettes dans un fonds d’épargne pour les générations futures.
La Norvège n’est pas le Sénégal
Ce modèle sénégalais de fonds intergénérationnel est similaire à celui du fonds Norvégien. Mais faisons attention, la Norvège n’est pas le Sénégal. Notre niveau d’endettement actuel même s’il est soutenable ne nous permet pas de copier aveuglement le modèle norvégien car le plus grand cadeau qu’on pourra offrir aux générations futures d’ici 30 à 40 ans ce sera de leur laisser un pays sans dettes ou du moins avec une dette qui n’entachera pas leur souveraineté économique.
Dans la théorie économique classique, l’on s’accorde à démontrer qu’un endettement entre 10 et 20% du PIB est garant de la souveraineté du Pays endetté. La crise de la covid 19 a démontré la vulnérabilité des économies africaines. Durant cette crise, les pays riches comme la France et les États-Unis ont tout de suite actionné leur «Planches à Billets» en trillions de dollars pour faire face aux conséquences de la pandémie.
Pendant ce temps,, les pays Africains dont le Sénégal ont bâti une bonne partie de leur plan de résilience et de relance sur la dette publique et les réaménagements budgétaires. D’où l’augmentation de leurs ratios dette sur PIB et de leurs déficits budgétaires au-delà de la norme communautaire admise par l’UEMOA.
La cause principale de cette stratégie économique réside dans l’encadrement prudentiel de notre économie par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO): nous ne pouvons pas utiliser ‘’la Planche à Billets ‘’comme l’ont fait la France et les Usa qui atteignent ainsi des ratios d’endettement dépassant souvent 120 % de leurs PIB.
Alors soutenir que ‘’ Tout le Monde s’endette pour financer l’économie donc pourquoi pas le Sénégal ?…‘’ est une théorie économique risquée, capable de générer une vulnérabilité économique des générations futures alors qu’avec les recettes additionnelles attendues de l’exploitation des hydrocarbures, il est possible d’inverser la tendance de la dette tout en continuant notre politique infrastructurelle et en même temps léguer une souveraineté économique à ces générations futures par l’allègement la dette publique.
Donc, le Président Macky Sall et son gouvernement gagneraient dans ce projet de loi en gestation à se donner pour objectif d’avoir une dette publique autour de 20% du PIB à l’horizon 2050 :telle était l’économie des propos développés sur la dette publique de nôtre Pays durant mon intervention au Conseil Présidentiel sur les revenus du pétrole et du gaz.
Donc, il est possible avec une meilleure gestion de la répartition des revenus issus de l’exploitation du Pétrole et du Gaz, d’investir dans des actifs nationaux et internationauxainsi que dans le budget général tout en désendettant le Sénégal en vue d’assurer la souveraineté économique aux générations futures.
À propos de l’auteur
Modibo Diop est Ingénieur Polytechnicien, Ancien Auditeur du Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS) de Paris (Option Diplomatie & Économie). Il est actuellement Vice-Président du Mouvement des Entreprises du Sénégal (MEDS).
Un commentaire
Tres bonne analyse de la soutenabilité de la dette sénégalaise. Il ne faut pas avoir peur de l’endettement tant qu’il reste soutenable. Pourquoi vouloir sortir de l’endettement (soutenable) alors qu’il peut-être un puissant levier de développement ? Pourquoi vouloir sortir de l’endettement alors les pays les plus nantis continuent de s’endetter ?