Par Alioune Sao*
Déjà affaibli par la crise sécuritaire et la pandémie de la COVID-19, la situation du Mali inquiète plus d’un investisseur à la suite des sanctions de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La CEDEAO a sanctionné le Mali à travers un embargo sur les échanges commerciaux et les transactions financières, afin de s’opposer au projet de la junte de continuer à diriger le pays pendant cinq (5) années au lieu d’organiser des élections dans un peu moins d’un (1) an. Les conséquences de cette décision ont commencé à se faire ressentir aussitôt sur le Marché des Capitaux, soulevant ainsi des inquiétudes notamment sur la confiance des investisseurs et l’avenir des titres en circulation du Mali.
Sur le Marché des actions, la Bank Of Africa Mali, filiale du Groupe BOA, est la seule société malienne cotée sur le Marché actions de la BRVM. Dès l’annonce des sanctions, le titre a entamé sa chute sur les séances de bourse qui ont suivi. Cette situation traduit la crainte des investisseurs face aux conséquences des sanctions financières et commerciales sur les activités de la BOA Mali.
Par ailleurs, le Groupe Sonatel, dont l’une des filiales les plus importantes se trouve au Mali, devrait également subir les conséquences de la suspension de toutes les transactions financières entre les pays de la CEDEAO et le Mali à travers sa plateforme de transfert d’argent et de paiement mobile «Orange Money». Orange Money fait partie des relais de croissance du Groupe Sonatel notamment grâce aux différentes offres de services et de partenariats avec les institutions financières du pays.
Sur le Marché des Titres Publics, l’entrée en vigueur des sanctions a eu un effet immédiat sur le calendrier des émissions. L’opération du trésor public du Mali qui était prévu le 12 janvier 2022 à travers une émission par voie d’adjudication de Bons Assimilés du Trésor (BAT) sur douze (12) mois pour un montant de trente (30) milliards de francs CFA, a été annulée.
Sur le Marché secondaire des Titres Obligataires, la dernière opération sur des titres du Mali remonte au 31 décembre 2021. Cette situation traduit la crainte des investisseurs par rapport au respect du calendrier de remboursement des emprunts contractés dont l’échéance la plus proche est attendue le 28 janvier 2022 pour le paiement des intérêts des titres ML0000001577 et ML0000001585, suivi trois jours après (le 31-janvier 2022), du remboursement du titre ML0000001080.
Historiquement, cette situation n’est pas nouvelle sur le Marché. La Côte d’Ivoire a connu le même scénario au début de l’année 2011 par la reconduction de toutes les échéances avec le même taux d’intérêt jusqu’à ce que le pays retrouve sa stabilité. Rappelons que le Fonds de Stabilité Financière a été mis en place au lendemain de la crise ivoirienne pour apporter une garantie supplémentaire au concours étatique sur le Marché Financier. Sera-t-il activé pour l’échéance du 28 Janvier 2022 ?
Pour reprendre in extenso la décision N° CM/UMOA/007/05/2012 du 10 Mai 2012 portant création du Fonds de Stabilité Financière (FSF), le FSF a pour objet de prévenir le défaut de paiement d’un État sur ses engagements contractés sur les marchés financiers. L’assistance financière du Fonds consiste exclusivement en la prise en charge du service de la dette publique émise sous la forme de bons ou d’obligations sur le Marché Régional ou International. L’intervention du FSF est limitée aux engagements sur un horizon à court terme. Le remboursement des ressources mises à disposition est effectué sur une durée maximale de cinq (5) ans. Les modalités de remboursement sont arrêtées en fonction de chaque situation nationale avec, toutefois, une forte contrainte de reconstitution des ressources.
Au vu du contexte qui prévaut, l’État du Mali devra conjuguer beaucoup plus d’efforts pour être en mesure d’honorer ses engagements financiers sur le court et moyen terme à moins que les sanctions imposées par la CEDEAO ne soient levées dans les meilleurs délais. «Le Marché a besoin du Mali et le Mali a besoin du Marché». Sur les précédentes années, le pays a fréquemment utilisé ce levier pour financer son déficit budgétaire.
Il semble plus qu’urgent pour la junte malienne d’engager des négociations avec la CEDEAO afin de trouver les solutions d’une sortie de crise et rassurer ainsi les investisseurs. Tout en espérant ne pas vivre cette même pression pour les prochaines échéances du Burkina Faso.
*A propos de l’auteur
Diplômé en Finance Quantitative et analyse de politiques économiques à l’université de Dakar, Alioune SAO capitalise plus de 10 ans d’expérience en finance marché dans des Sociétés de Gestion et d’intermédiation au Sénégal. Directeur marché des capitaux chez EVEREST Finance, Alioune a participé à plusieurs missions d’évaluations et de conseil en financement dans le cadre de levées de capitaux, d’acquisition et de restructurations de dettes, des opérations d’émissions et de placements de titres, de mise en place de Fonds Commun de Placement d’Entreprise dans la zone UEMOA et celle de CEMAC.
Un commentaire
Pertinente analyse Sao , la CEDEAO devrait reflechir mille fois avant de decider de telles sactions , elle pouvait utiliser des mecanismes selectives qui vise directement la junte et non la popolation. Ces sactions vont ouvrir la boite a pandore et destabiliser davantage la region. Il urge de renouveller le dialogue avec la junte avant que cette situation ne perdure