Créée en novembre 2018, la Société d’Exploitation du Train Express Régional (SETER), filiale du groupe SNCF/KEOLIS, a pour mission d’assurer l’exploitation et la maintenance du Train Express Régional (TER). Elle assure la desserte de la ligne ferroviaire Dakar-Diamniadio sur une distance de 36 km autour de 13 gares avec pour objectif 115000 passagers/jours. Financial Afrik est allé à la rencontre du Directeur Général de la SETER, Frédéric Bardenet, pour un entretien exclusif.
Quel est l’accord qui lie la Société d’Exploitation du Train Express Régional( SETER) à l’Etat du Sénégal ?
Deux accords lient la SETER à l’Etat du Sénégal. Il y a un contrat signé début 2019 pour la préparation de l’exploitation. Il s’agit d’un contrat de préexploitation passé avec l’APIX, délégué d’ouvrage de la maitrise du projet, piloté par le ministère des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement. Le deuxième accord est un contrat d’exploitation de maintenance passé avec la Société Nationale de Gestion du Patrimoine du Train Express Régional (SENTER).
Comment la SETER a-t-elle été retenue par l’Etat du Sénégal pour piloter ce projet ?
Quand le président Macky Sall a lancé le projet de Train express régional à la fin 2014, il a demandé à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) de venir accompagner un exploitant local dans cette révolution ferroviaire qu’est le TER. Plusieurs discussions ont eu lieu, sur les prestations d’accompagnement d’un exploitant local. Finalement, début 2017, un constat a été fait qu’il serait difficile d’accompagner en un temps record la montée en compétence d’un opérateur local. Avec le Train Express régional, l’on est sur une vraie révolution, du matériel roulant différent de ce qui existait jusqu’à présent. Au printemps 2017, les autorités sénégalaise ont demandé à la SNCF de créer un opérateur local plutôt que d’accompagner un opérateur local existant. Ainsi, la SETER a été créée.
Pouvez-vous revenir sur le montage financier du TER ?
C’est un projet d’un coût de 780 milliards de francs CFA, pour la phase de construction. On entend souvent des critiques à travers les médias et les réseaux sociaux sur le coût de ce projet. Mais ce qu’il faut comprendre c’est que c’est une réalisation pour les générations futures. Ce sont 15 rames, dont celle à bord de laquelle nous nous trouvons, d’une durée de vie allant de 30 à 40 ans. C’est un montant élevé certes pour le Sénégal, mais qui offre deux systèmes de transport, l’amélioration de la mobilité, la réduction de la pollution, la décongestion de la ville de Dakar. C’est un projet réalisé en milieu urbain, sur 36 km. Il y a avait des réseaux ferroviaires certes, mais qui ont dû être réhabilités. Cela en plus des stations de pompage pour l’évacuation des eaux usées de toute la zone, depuis les HLM jusqu’à la mer. En somme, beaucoup de composantes qu’on ne voit pas forcément font partie de ce projet. Quand on voit le coût du projet, on se dit que c’est cher ! Mais ce n’est pas seulement l’achat des 7 rames, il y a aussi les 36 km de voie, une sous station à Mbao, un système de civilisation extrêmement moderne. C’est un projet qui est difficile à comparer avec d’autres projets à travers le monde. On est sur 200 km au Maroc certes et 36 km à Dakar exclusivement en zone urbaine, ce qui n’est pas le cas du Maroc. Ce sont deux systèmes complètement différents, on ne peut pas comparer le coût au km près entre ces deux investissements.
L’objectif de transporter 11500 personnes par jour est-il tenable ?
C’est un sacré défi qu’il va falloir relever jour après jour. Les études de trafic ont été réalisées en 2015, et tout le système a été construit autour de la capacité à accueillir 115 000 passagers par jour dans un premier temps. Le plan de transport a été conçu avec un premier départ à 5h 30, un dernier départ à 22h, dans les deux sens, un train toutes les 10 minutes, 20 minutes en soirée, du lundi au samedi identique, et un plan dégradé les dimanches. Ce plan permet d’accueillir en semaine plus de 100 000/jour. Avec l’extension vers l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD), des rames supplémentaires, on atteindra les 165 000 voyageurs par jour. C’est quelque chose qu’il faut intégrer quand on regarde le coût du projet.
Comment les tarifs ont-ils été fixés ? Certains Sénégalais les trouvent chers. Que répondez-vous à cela ?
La tarification est zonale: Dakar-Thiaroye, Yembeule- Bargny et la troisième zone Diamnadio. Plus tard, il y aura une quatrième zone pour AIBD. Le choix tarifaire a été porté par l’Etat et la SENTER. Dans le cadre de l’opération Sargal initié entre le 28 décembre et le 17 janvier, nous avons échangés avec plus de 542 000 voyageurs au sujet des tarifs. Globalement sur le tronçon Dakar-Diamnadio à 1500 fcfa, il n’y a pas eu beaucoup réactions négatives. Sur la zone1 (Dakar-Thiaroye) à 500 fcfa, les passagers le trouvent abordables. Là où c’est un peu mitigé c’est au niveau de la zone 2 (Yembeule- Bargny), on sent beaucoup de réticence et des critiques sur le tarif. On a des voyageurs qui nous disent « quelques mètres plus loin c’est 500 fcfa et pour moi c’est 1000 fcfa ». C’est malheureusement l’effet frontière avec une tarification zonale. C’est autour de cela qu’il va falloir discuter avec la SENTER et le ministère des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement. Au-delà des tarifs unitaires, il y a aussi plusieurs propositions tarifaires, notamment, des abonnements, qui permettent d’avoir plusieurs trajets avec un tarif réduit, des tarifs spéciaux pour les jeunes. Nous avons une forte demande pour les abonnements hebdomadaires, mensuels. Nous avons une forte demande de la part des entreprises des abonnements annuels. Il y a un fort potentiel autour de cela.
Quels sont vos effectifs ? Et quelle est la part des locaux ?
Nous avons 950 employés à date. On se dirige vers 1000 dans les prochains jours. Sur les 950 employés, 925 sont sénégalais, 10 de la sous-région et 15 expatriés, certains repartent dans les prochains jours. 34 ans de moyenne d’âge et un taux de féminisation de 40 %, ce qui est vraiment élevé dans le ferroviaire. Nombre d’entre elles se retrouvent sur des métiers techniques, des ressources de qualité, de très bons profils qu’on a pu recruter ici. Pour beaucoup, c’est un premier emploi stable, nombreux étaient soit dans l’informel, soit dans l’enchainement de contrat à durée déterminée, d’autres même au chômage. Donc c’est une opportunité pour eux d’apprendre de nouveaux métiers et continuer à apprendre.