Par Gedeon Kalombo Ntambwe*
Après avoir organisé le premier transfert de pouvoir pacifique de son histoire en 2019, la République Démocratique du Congo (RDC), le plus grand pays subsaharien, a réalisé l’un des plus grands pas démocratiques de son histoire et s’est engagé dans une nouvelle direction. Le système bancaire congolais a toujours été fortement secoué par les événements politiques et un conflit continu à l’Est du pays, provoquant un ralentissement du développement du secteur dans tout le pays. De plus, le pays a vu son secteur bancaire supplanté par les banques étrangères (liste des banques ci-dessous). Bien que cela puisse être perçu négativement à première vue, il y a plusieurs avantages économiques à long terme à tirer d’une telle situation lorsqu’une analyse profonde est menée.
Liste des banques en RDC
Banque | Actionnaire majoritaire | Pays d’origine de l’actionnaire | Banque locale/étrangère |
Equity Banque Commercial Du Congo (Equity BCDC) | Equity Group | Kenya | Etrangère |
FBN Bank DRC SA | First Bank of Nigeria | Nigeria | Etrangère |
Citibank | Groupe Citi | USA | Etrangère |
Standard Bank Congo | Groupe Standard Bank | RSA | Etrangère |
Rawbank | Groupe de sociétés Rawji | Congo | Locale |
Ecobank RDC | Ecobank Transnational Inc. | Togo | Etrangère |
Trust Merchant Bank | Robert Levy | Belgique | Locale |
Afriland First Bank | Afriland First Bank | Cameroun | Etrangère |
Access Bank RDC | Access Bank Plc | Nigeria | Etrangère |
Solidaire Banque SA | Akram Mourad | Portugal | Locale |
SofiBanque | Abdallah Wazni | Grande Bretagne | Locale |
Advans Banque Congo | Advans SA Sicar | Luxembourg | Etrangère |
Bank of Africa RDC | BMCE | Maroc | Etrangère |
United Bank for Africa RDC | Groupe UBA | Nigeria | Etrangère |
BGFIBank RDC | Groupe BGFI | Gabon | Etrangère |
11 banques étrangères contre 4 banques locales. Source : Banque Centrale du Congo.
Amélioration de l’accès aux capitaux internationaux
Les banques étrangères sont connues pour être de grands catalyseurs des entrées d’investissements étrangers. Ceci est principalement dû à leur rôle dans la réduction de l’asymétrie de l’information, diminuant ainsi les obstacles à l’investissement à l’étranger. Dans ce cas, un système bancaire dominé par les banques étrangères implique que les banques étrangères disposent d’informations financières sur la plupart des entreprises et des individus. Cette position donne à ces banques un avantage en termes de conseil. Les banques étrangères disposant d’une branche de banque d’investissement peuvent même pourvoir des conseils aux investisseurs sur les questions liées à l’investissement dans leurs différents pays d’accueil. Par exemple, nous avons assisté à la foire commerciale entre le Kenya et la RDC, une tentative d’établir des liens commerciaux entre la RDC et le Kenya, sous l’impulsion d’Equity BCDC. On devrait également s’attendre à voir des efforts pour renforcer les liens commerciaux entre la RDC et d’autres pays dont les banques sont actives en RDC. Cependant, la plus grande banque en termes d’actifs bancaires est une banque locale, la Rawbank, devant deux plus grandes banques étrangères opérant dans le pays, Equity BCDC et FBNBank, respectivement deuxième et troisième. Cette structure implique que la plupart des banques étrangères dans le pays ne ciblent pas des marchés de niche mais visent à dominer le secteur bancaire en RDC. Par conséquent, on devrait s’attendre à ce que les banques étrangères créent des liens commerciaux plus forts entre leur pays d’accueil et leur pays d’origine, mettant ainsi les entreprises congolaises à la portée des capitaux étrangers.
Développement de la supervision bancaire et du cadre juridique
Le système bancaire congolais a longtemps été à la traîne en termes de cadre juridique et de supervision bancaire. Ceci est principalement dû à la capacité limitée de la banque centrale congolaise à mener à bien son mandat. Par exemple, en raison du niveau élevé de dollarisation dans le pays, la politique monétaire de la banque centrale a souvent été inefficace. En outre, le pays n’a pas été en mesure d’adopter les normes internationales de réglementation et de supervision telles que celles de Bâle, en raison d’une infrastructure financière très déficiente. Afin d’améliorer la banque centrale du pays, le gouvernement a décidé d’appliquer les recommandations du FMI en matière de restructuration. Compte tenu des nouveautés et des pratiques bancaires avancées que les banques étrangères pourraient apporter à l’économie, la banque centrale congolaise devra également améliorer sa capacité de réglementation afin de pouvoir superviser et réglementer efficacement les banques étrangères, qui représentent plus de la moitié de ses systèmes bancaires. Par exemple, les grands acteurs du secteur bancaire sont pour la plupart originaires de pays ayant partiellement adopté Bâle II ou III. Par conséquent, le secteur bancaire congolais devrait envisager de se tourner vers le Bâle comme norme pour renforcer sa capacité de supervision. Cela implique qu’un cadre juridique efficace devra être mis en place à la fois : en termes de mise à niveau des textes juridiques pour tenir compte des nouveautés et de la profondeur financière ; et en termes d’interprétation et d’application du texte juridique.
Amélioration de la qualité des services financiers
L’entrée des banques étrangères dans une économie devrait avoir un impact sur la qualité des services financiers à différents niveaux. L’amélioration de la qualité des services financiers peut être envisagée à trois niveaux principaux :
– L’effet de la concurrence incitera les banques locales à réduire les coûts et à accélérer les opérations bancaires.
– Efficacité de l’allocation de crédit, car l’évaluation du crédit passe par plusieurs niveaux d’examen.
– L’introduction des techniques et des produits financiers avancés.
Alors que les banques étrangères tentent de calquer les produits et techniques au niveau du groupe pour harmoniser les services, elles introduisent des couches de filtrage des prêts comme moyen d’améliorer l’allocation des crédits. En outre, les banques nationales tenteront d’améliorer leurs services, car la pression de la concurrence les poussera à innover. Le système bancaire congolais devrait voir se développer le réseau des agents bancaires et d’autres innovations d’inclusion financière comme moyen d’accès à la population non bancarisée de la RD Congo et d’autres innovations pour libérer le grand potentiel du pays.
Solidité et stabilité des banques
La solidité et la stabilité bancaires de la RDC peuvent être renforcées par le nombre élevé de banques étrangères, car leurs prêts ne sont pas toujours basés sur l’adéquation du capital de la filiale locale. Les banques étrangères peuvent facilement mobiliser des fonds auprès de la société mère. Cela permet aux banques étrangères de réduire le schéma de resserrement et d’assouplissement des prêts dans le secteur bancaire local. En outre, elles sont plus susceptibles de tenir compte de la réputation globale du groupe avant d’envisager le retrait du capital investi d’un marché. Pour les raisons susmentionnées, les banques étrangères ont tendance à susciter la confiance dans le secteur bancaire et à l’empêcher d’être victime d’une panique bancaire. Cela peut être observé quand il y’a eu détérioration de la situation financière de la BGFIBank, où l’implication du groupe a su stabiliser la filiale et éviter toute forme de détresse financière.
Efficacité du système bancaire
Les banques étrangères sont associées à l’efficacité du système bancaire dans les économies émergentes. En RD Congo, le pourcentage élevé de banques étrangères devrait donc se refléter dans le transfert de technologie et de compétences. La plupart des banques étrangères ont tendance à investir massivement dans la technologie afin d’atteindre une grande efficacité dans l’offre de services, ce qui apporte de nouvelles compétences et de nouvelles aptitudes. Dans une économie où l’interaction entre le marché du travail et le système éducatif est élevée, les nouvelles compétences et technologies peuvent améliorer le programme éducatif. Par exemple, ces dernières années, la plupart des institutions financières étrangères ont privilégié les professionnels agréés et la promotion récente de l’institution française appelée Ecole Supérieure de la Banque. Les établissements d’enseignement locaux pourraient donc tenter de familiariser les étudiants avec ce type de contenu afin de renforcer leur compétitivité sur le marché. Les banques étrangères pourront alors facilement augmenter le nombre de locaux adéquatement formés afin de pouvoir réduire leurs dépenses liées aux embauches d’expatriés que l’on trouve actuellement dans leur filiale locale.
Intégration avec les marchés financiers régionaux et internationaux
L’intégration des marchés se produit lorsqu’il existe un lien entre deux ou plusieurs marchés. La RDC tente actuellement d’accéder aux marchés financiers régionaux et internationaux et sa situation actuelle s’avère être la meilleure opportunité pour réaliser l’intégration du marché financier. Les banques étrangères, comme nous l’avons vu plus haut, ont tendance à apporter les meilleures pratiques, une technologie de pointe et un accès ouvert aux entreprises locales pour accéder aux finances régionales et internationales. Cela donne lieu à l’ingénierie de produits étrangers nouvellement créés ou adaptés. Par exemple, les produits de prêts agricoles Equity BCDC sont un tel type de produit adapté. Le produit FBNMonie est un exemple d’adaptation de produit et de transfert de technologie. Cependant, pour que la RDC puisse exploiter pleinement le potentiel de la structuration de son secteur bancaire, il est urgent d’investir dans le développement des institutions fiables et l’amélioration de la qualité des infrastructures.
D’où la nécessité impérieuse de renforcer les institutions nécessaires, d’élaborer une feuille de route pour le développement d’infrastructures clair et de mettre fin aux incohérences des politiques publiques. La RDC a fortement besoin d’investissements à long terme alors que le secteur bancaire est principalement axé sur les prêts à court terme. Ceci exprime le peu de confiance que le secteur bancaire a envers la qualité des institutions locales et leurs attentes en termes de mises à niveau. La libéralisation du marché de l’assurance est l’une des améliorations dans l’industrie financière qui a ouvert les portes d’un nouveau marché que les banques n’ont pas encore envisagé. Ce dernier permet aux banques locales et étrangères de s’engager dans la bancassurance. Bien que le marché soit nouveau dans le pays, certaines banques étrangères ont une expertise en la matière et pourraient bientôt faire partie de celles qui introduiront ces nouvelles lignes de produits financiers dans le secteur.
A propos de l’auteur
Gedeon Kalombo Ntambwe est agent de réconciliation au département d’Import-Export de la FBNBank RDC. Analyste accompli, il est diplômé du Great Zimbabwe University en 2017 avec une licence de commerce en banque et finance. En mars 2020, il a obtenu un certificat en sciences actuarielles auprès de l’Australian National University.
2 commentaires
Bien que la globalisation et la mondialisation sont le deux mamelles de la néocolonialisme, ces deux concepts mise en pratique sont les vecteurs stabilisateurs de l’économie des pays plus industrialisés aux moins, dont les échanges s’effectuent à travers les banques, or ces banques sont nationales, les dividendes sont réinvestis dans le même système économique de la nation, donc les banques des nationaux sont plus importants que ceux des entrangés.
Belle réflexion! En revanche, il appartient à l’état (et à la Banque Centrale) de veiller à la montée progressive en capitaux nationaux et compétences nationales, sans quoi les petits et moyens acteurs locaux n’arrêteront jamais de se faire cannibaliser par leur (trop) puissants concurrents étrangers. Pour tous ces avantages indéniables que présentent les banques étrangères, il n’en demeure pas moins regrettable qu’elles ont pour effet induit d’étouffer l’industrie locale, alors que c’est l’inverse qui devrait se produire… Exemple: Essayez, en tant qu’opérateur local, de vendre le moindre produit ou service à valeur plus ou moins ajoutée à n’importe laquelle de ces banques étrangères (hormis les services basiques à faible valeur ajoutée tel que le nettoyage), et vous vous ferez dire que les achats sont décidés et exécutés de manière centralisée au niveau du siège (à l’étranger)! A ce rythme, la précarité de nos opérateurs économiques locaux n’est pas prêt de s’arrêter… Dr. JPM