Le mot d’ordre de Macky Sall en tant que président en exercice de l’Union Africaine (UA) pourrait se résumer en une expression qu’il a lui même choisi: “leadership transformationnel”. Ces 5 et 6 février, le président sénégalais prend les rênes de l’organisation continentale des mains de son homologue congolais (RDC) Felix Thisekedi dans un contexte de montée des risques politiques dans la corne de l’Afrique, de tensions latentes entre les pays riverains du Nil et de retour des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest.
Cette présidence sénégalaise, validée le 2 février 2021 par les Chefs d’Etat de la CEDEAO, intervient 30 ans après la présidence de l’Organisation de l’Unité africaine par le Président Abdou DIOUF, son devancier socialiste avec lequel il a en partage une certaine idée de la démocratie et de la culture du consensus. Toutefois, la vision économique du président Macky Sall est plutôt d’inspiration libérale plus proche de celle du président Abdoulaye Wade qu’il a gagné en 2012 au terme du deuxième tour des présidentielles avec 65,8% des suffrages.
Réélu en 2019 avec 58,26% des voix, Macky Sall est lancé depuis son arrivée au pouvoir dans un programme sans précédent de développement des infrastructures pour une transformation socio-économique du Sénégal. Les grands travaux initiés depuis 2012 sur le plan infrastructurel avec des autoroutes et des moyens de transport de masse sont accompagnés aussi des projets de désenclavement des villages, d’électrification et des filets de sécurité à l’instar du Programme national des Bourses de Sécurité familiale (PNBSF) et de la Couverture Maladie universelle CMU. En 2020, quelque 316 903 ménages bénéficiaient d’un cash transfert de 25 000 F.CFA par trimestre. La Couverture Maladie Universelle (CMU) vise quant à lui 75% de la population d’ici à 2025.
Au 31 décembre 2020, le taux de couverture du risque maladie (tous régimes confondus) se situait autour de 50% et devrait passer à 53% en 2021, permettant ainsi, à plus de 8 millions de personnes de bénéficier d’une couverture du risque maladie.
Faire bouger les lignes
A la tête de l’Union Africaine, le président sénégalais devra poursuivre le dialogue pragmatique avec les partenaires et s’impliquer dans la recherche et la consolidation de la paix. Souvent invité à représenter le continent au sommet du G7 ou encore à plaider les causes du continent à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, le Président Macky SALL arrivera-t-il à faire bouger les lignes ?
En 2020, au tout début de la pandémie, il avait appelé contre l’avis de certaines agences de notation et au déplaisir des jeunes panafricanistes à l’annulation de la dette africaine. Au terme d’un débat fécond, le FMI a mis en branle son programme historique de 650 milliards de dollars de DTS, le premier depuis 2009, pour les États membres. Ce geste du FMI s’accompagne des mécanismes de transfert de DTS des pays riches vers ceux en développement qu’on n’a certes peu vu mais qui n’en constituent pas moins une innovation financière internationale.
Les parts revenues aux pays africains (1,5 milliard de dollars pour la RDC, 650 millions de dollars pour le Sénégal pour ne citer que ces deux exemples) leur ont permis de consolider leur bilan, de soigner leurs réserves de change et, si besoin, de se réserver la possibilité de solliciter le marché financier international à de meilleures conditions.
Fort de sa longue politique de recherche du consensus, le Sénégal est à la diplomatie ce que le Nigéria est à l’économie africaine. C’est quasiment la première puissance diplomatique du continent, escale africaine inévitable de tous les présidents américains élus et au centre des stratégies des puissances émergentes comme la Turquie qui a détrôné la France en devenant le premier partenaire sénégalais aux côtés de la Chine.
Îlot de stabilité dans une sous région ouest africaine tendue, Macky Sall devrait en 2022 combiner dialogue et principes pour un retour de la démocratie au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, trois pays aux mains des juntes qui justifient leurs coups de force pour l’essentiel par la “faillite de la démocratie” et les tripatouillages constitutionnels en vue d’un troisième mandat contre lequel les dispositifs de l’Union Africaine comme ceux de la CEDEAO sont muets.
La bataille de l’opinion publique
Invité d’honneur au Sommet du G5 Sahel de février 2021, le Président Macky SALL est associé à la recherche de solutions durables à la situation sécuritaire des pays membres de cette organisation au front de la lutte contre le terrorisme. Au delà de trouver des solutions idoines à autant de crises, le chef d’Etat sénégalais devrait tenter de redorer le blason de l’Union Africaine traitée à tort et à raison de “syndicat” dans les réseaux sociaux et la rue africaine. L’Union Africaine devrait remporter la bataille de l’opinion publique et se rapprocher du quotidien des populations qui envoient chaque année 15 millions de jeunes dans un marché du travail proposant à peine 5 millions d’emplois. Rompre avec cette dynamique de l’échec passe, nous en sommes convaincus, par la somme des forces, l’accélération du processus de la zone de libre-échange continental (ZLECA), la création d’un open Sky, d’un visa africain unique à l’instar de Shengen pour l’UE, la mise en place d’un marché unique de travail et, entre autres, la libre concurrence des coûts de facteurs. Plutôt qu’une vaine posture anti-occidentale ou un désir de revanche sur l’histoire, sentiments qui polluent en ce moment les réseaux sociaux, l’Afrique devrait puiser dans ses valeurs et parachever son unité en imposant sa logique horizontale d’intégration et d’industrialisation contre des logiques verticales et d’exportation des matières premières qui ont montré leurs limites.