Depuis le 20 décembre, le cours du titre ECOBANK a quitté sa valeur plancher de 13 F CFA, sur laquelle il était figé depuis 18 mois. L’action a depuis évolué de manière très volatile. En l’espace de deux mois, le titre a connu des variations allant jusqu’à +100% (passant de 13 F CFA à 27 F CFA), puis des baisses toute aussi marquées, jusqu’à revenir ces derniers jours à des niveaux proches du cours plancher, avec un dernier cours côté à 15 F CFA ce lundi 7 mars au soir.
Ces variations erratiques montrent la fébrilité des investisseurs et leur difficulté à approcher la valeur du premier groupe bancaire ouest-africain, jusqu’à aboutir à une valorisation irrationnelle et déconnectée des valeurs attribuées aux groupes bancaires similaires.
Si l’on se réfère en effet au rendement offert par le titre ECOBANK ETI, il est par exemple 3 fois plus élevé que celui des deux autres groupes bancaires (CORIS et ORAGROUP) côtés à Abidjan. Le dividende de 0,9 F CFA que le Conseil d’Administration a proposé de distribuer dans les prochains mois aux actionnaires d’ECOBANK ETI représente ainsi un rendement de 6,00%, équivalent au rendement offert par un coupon servi par un titre d’Etat à 10 ans de l’un pays de l’UEMOA.
Rendement (Dividende/cours action) | |
CORIS HOLDING | 1,78% |
ECOBANK ETI | 6,00% |
ORAGROUP | 1,52% |
En changeant de point de vue et en se rapportant au multiple de résultat net, le même constat peut être fait quant à la forte sous-valorisation du titre ECOBANK ETI par rapport à ses « consoeurs ». ECOBANK ETI ne se paie en effet que 1,5 fois le bénéfice de l’année 2021, ce qui est dans l’absolu très peu, alors que le titre CORIS se paie 10 fois son bénéfice de l’année 2020 et ORAGROUP plus de 28 fois son bénéfice de l’année 2020.
PER (Multiple du Résultat Net ) | |
CORIS HOLDING | 10,01 |
ECOBANK ETI | 1,49 |
ORAGROUP | 28,75 |
Dans l’absolu, et indépendamment des comparaisons avec les autres groupes bancaires, le même constat d’une valorisation décorrélée de la situation financière d’ECOBANK ETI peut être fait. Deux éléments sont particulièrement notables :
- ECOBANK Côte d’Ivoire, soit une seule des 33 filiales pays du groupe ECOBANK, a une valeur en bourse de 247 milliards de F CFA ce lundi 7 mars, soit quasiment autant que son groupe propriétaire, dont la valeur est elle de 271 milliards de F CFA, au cours de 15 F CFA. Ce qui signifie que les 32 autres filiales pays n’auraient qu’une valeur de 24 milliards à elles toutes, alors qu’on y compte des filiales comme le Ghana ou le Nigéria, dont les tailles dépassent largement ensemble la seule filiale de Côte d’Ivoire.
- En rapprochant la valeur boursière des fonds propres nets du groupe ECOBANK, on s’aperçoit alors que le groupe n’est valorisé qu’à hauteur de 23,4% de ses fonds propres nets calculés au 31 décembre 2022.
La déconnection de la valeur boursière du groupe ECOBANK de sa valeur fondamentale est donc recoupée par plusieurs aspects majeurs, tant par comparaison que de manière intrinsèque. La question se pose donc se savoir pourquoi une telle déconnection a lieu ? Deux explications majeures peuvent être données.
- La première tient au fait qu’il existe probablement pour une partie des investisseurs la crainte que ce versement de dividendes en 2022 ne soit qu’une exception. Avant le versement qui aura lieu dans quelques mois, les actionnaires du groupe ECOBANK avaient en effet été « sevrés » de dividendes depuis 2016. Les résultats des années précédentes avaient en effet été notamment mobilisés pour « éponger » des non-valeurs importantes constatées au fur à mesure des exercices après l’acquisition d’Oceanic BANK au Nigéria. Aujourd’hui, le portefeuille de créances douteuses de la filiale nigériane est correctement provisionné et l’agence de notation Fitch s’attend même à un retour à meilleure fortune plusieurs créances d’entreprises évoluant dans le secteur pétrolier nigérian à la faveur de l’augmentation du cours du pétrole. La principale conséquence en est dans tous les cas que le groupe ECOBANK est appelé à reprendre sa politique de distribution de dividende.
- La seconde raison est liée aux effets différés de la décision de la BRVM de fixer un plancher de cours à 13 F CFA, au motif réglementaire assez étonnant qu’une variation de 1 F CFA supplémentaire à la baisse nécessitait une dérogation au principe d’une variation quotidienne limitée à +/- 7,5%. Le résultat est que le cours a été figé à 13 F CFA durant 18 mois et que les investisseurs ont donc été « collés » avec leur titres pour ceux qui voulaient les vendre lorsque les performances financières d’ECOBANK étaient moindres que celle constatées sur l’année 2021. La mémoire de cette situation persiste quand bien même la situation financière du groupe bancaire est devenue bien meilleure.
Au total, la conjonction d’évènements non récurrents ainsi qu’une décision réglementaire exceptionnelle sur le titre ECOBANK a conduit à une déconnexion de la valeur du titre par rapport aux fondamentaux de l’entreprise. Le retour d’une rentabilité structurelle importante du groupe bancaire (Pour chaque F CFA d’activité réalisé, ECOBANK a en effet dégagé environ 0,25 F de bénéfice net après impôt en 2021) devrait heureusement offrir au titre ECOBANK ETI de belles perspectives et lui permettre de recouvrer son statut de seconde capitalisation de la BRVM.