Depuis sa nomination, c’est la première interview de Delphine TRAORE, CEO d’Allianz Africa à la presse. Dans l’analyse qu’elle fait du secteur des assurances sur le continent, elle voit l’assurance-vie continuer son ascension et l’émergence des produits de couverture santé internationale haut de gamme. Les branches Automobile et Transport devraient par ailleurs retrouver leur trajectoire d’avant la pandémie du covid-19.
Quelle appréciation faites-vous de l’année 2021 des marchés dans lesquels vous opérez ?
Comme partout ailleurs, le secteur des assurances en Afrique a subi les effets du ralentissement de l’activité économique dû à la pandémie, mais aussi en raison des difficultés rencontrées par certains clients, pour les mêmes raisons.
Pour Allianz Africa, les branches les plus touchées sont l’Automobile, le Transport et les Risques de Construction. L’Automobile étant la plus touchée dans la mesure où certains assurés en flotte ont considérablement réduit leurs couvertures à la Responsabilité Civile minimum obligatoire, réalisant ainsi des économies sur les garanties facultatives.
Quelles branches ont-elles résisté à la crise sanitaire et comment voyez-vous 2022 ?
L’assurance-maladie et l’assurance-vie continueront à se développer de manière significative dans les années à venir, mais également certaines niches de couverture santé internationale individuelle haut de gamme. Pour une très grande majorité des populations, la micro-assurance santé demeure inaccessible et des solutions alternatives telles que les forfaits hospitaliers sont désormais de plus en plus proposés par le marché. En matière d’assurance-Vie, le principal axe de développement devrait également passer par les contrats d’entreprise. Bien que la bancassurance demeure un canal de distribution important, en particulier pour les solutions d’assurance associées aux prêts, sa croissance sera néanmoins limitée à la croissance de l’activité bancaire.
Comme pour la santé, la micro-assurance Vie est un axe de développement à condition d’être proposée à travers des produits simples, compétitifs et numériques.
L’assurance-Vie reste une niche alors qu’a priori, les besoins sont immenses sur le continent. A quoi tient ce paradoxe ?
Le taux de pénétration de l’assurance-vie en Afrique francophone est effectivement de l’ordre de 0,15%. Ce taux passe à 2,5% pour l’ensemble du continent, en particulier grâce à l’Afrique du Sud qui représentait 82% du chiffre d’affaires de l’assurance-vie de tous les marchés africains en 2019 (46 milliards de dollars). Pour l’écrasante majorité de la population, les produits d’assurance restent des produits peu accessibles. Plusieurs facteurs expliquent cette faible pénétration: une culture de l’assurance encore peu développée, des assurances-vie non obligatoires et la domination du secteur informel. A ces éléments, il faut ajouter un accès limité à l’assurance et un taux de bancarisation encore faible, des produits souvent lourdement chargés en termes de frais, mais aussi la concurrence par des modes de protection alternatifs comme les tontines. Ces systèmes d’assurance communautaires basés sur la relation familiale ou amicale représentent une partie importante du marché.
Les clients se plaignent souvent de la lourdeur du processus d’indemnisation des sinistres automobiles. Quelle est votre stratégie dans ce domaine ?
C’est un point extrêmement sensible de l’expérience-client et sur lequel nous veillons particulièrement. La stratégie d’Allianz Africa est composée de plusieurs axes. D’abord, nous nous engageons à respecter les délais imposés par le législateur local a maxima, mais nous avons l’ambition d’avancer encore plus rapidement en adoptant plusieurs mesures : Digitalisation du processus d’indemnisation de bout en bout (communication en temps réel par mail et/ou sms) ; mise à disposition d’un point de contact unique tout au long du processus et des solutions d’indemnisation rapide permettant à nos clients un remboursement en moins de 3 heures ou en moins d’une heure (30 minutes en moyenne) via nos centres d’indemnisation rapide (sur place). Ce paquet de mesures s’appuie sur un réseau de prestataires – garages agréés et experts référencés- ainsi que sur l’expertise à distance.
A combien estimez-vous le manque à gagner dû à la fraude à l’assurance automobile ?
Selon l’Association « Certified Fraud Examiners » et le Rapport « 2020 Global Study on Occupational Fraud & Abuse », les organisations du monde entier perdent environ 5% de leurs revenus annuels à cause de la fraude. Le manque à gagner est difficile à estimer et dépend des marchés. Au Maroc où nous sommes implantés par exemple, le marché des assurances estime qu’un sinistre indemnisé sur cinq serait frauduleux. La fraude y représente ainsi plus de 21% des débours des assureurs.Les fraudes représentent un risque majeur pour les différents acteurs de l’assurance. Nous adoptons pour une politique de tolérance zéro qui demeure la même pour l’ensemble des entités du groupe Allianz dans le monde. A cet effet, nous avons notamment entrepris les mesures suivantes : formation des collaborateurs à la détection et à la prévention de la fraude, désignation d’une équipe dédiée à la gestion et à l’investigation autour des cas de fraudes détectés, mise en service d’un outil automatisé d’aide à la détection de la fraude et d’un système de Whistleblowing pour alerter sur les éventuels manquements et/ou cas avérés. Je dois vous avouer que les résultats sont bien au-delà de nos espérances.
Quelle est votre lecture du report de l’exigence réglementaire d’un capital minimum de 5 milliards FCFA pour les assureurs opérant dans la zone CIMA ?
Il convient tout d’abord de préciser que le Conseil des Ministres de la CIMA a effectivement décidé du report de 3 ans de l’échéance relative à la seconde phase de l’augmentation du capital social minimum (5 milliards FCFA) pour les sociétés d’assurances non-Vie mais il a suspendu sine die cette seconde phase pour les sociétés d’assurance Vie.
Nous avions pris acte de ces décisions adaptant les exigences réglementaires au contexte actuel. La CIMA est résolue à agir en régulateur conscient des réalités économiques et juridiques dans lesquelles évoluent les sociétés d’assurance. Ces décisions sont en phase avec cette volonté.
Avant que ces décisions ne soient prises, nous entendions nous conformer en temps et en heure aux nouvelles exigences. Nous avions pris les dispositions nécessaires afin de mobiliser les capitaux à injecter et finaliser l’ensemble des étapes juridiques avant l’échéance. Nous étions donc confiants et résolus à tenir les délais.
La première phase d’augmentation de capital (3 milliards FCFA) avait été mise en œuvre et finalisée dans chacune de nos sociétés d’assurance avant la date butoir fixée par le règlement d’application.