Les dernières crises, économiques, politiques et sanitaires, n’ont pas été sans séquelles pour les économies africaines. Entre la pandémie du covid-19 et la guerre russo-ukrainienne, le continent a accusé le coup, enregistrant une flambée des prix des produits de grande consommation. Chaque gouvernement tente depuis d’adopter une batterie de mesures pour soulager sa population. Au Bénin, les autorités ont décidé d’investir plus de 68 millions $ dans la réduction des prix de produits de grande consommation.
Par Fidèle Djimadja.
Ces derniers mois, les Béninois, à l’instar de leurs voisins, ont dû faire face à une augmentation du coût d’achat des denrées de grande consommation dans un contexte de stagnation du pouvoir d’achat.
A Cotonou, diverses explications au phénomène se côtoient mais l’opinion majoritaire consiste souvent à rejeter le tort sur les autorités. Ces dernières se devaient de reprendre la parole dans un exercice de pédagogie. C’est Romuald Wadagni, le ministre béninois des Finances, qui s’y est collé lors d’un débat public organisé par la chaîne de télévision nationale en collaboration avec la chaîne privée Canal 3.
Le responsable a d’abord tenu à rappeler que la situation actuelle n’est pas spécifique au Bénin, mais concerne tout le continent. Il a ensuite identifié la principale cause de la cherté de la vie qui est liée à une augmentation de la demande face à une offre insuffisante sur le marché mondial. En effet, le prix des denrées grimpe en flèche en raison du recul de leur production. Cette baisse a commencé il y a déjà cela deux ans avec l’imposition des restrictions covid.
Les secteurs d’activités prioritaires tels que l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’extraction pétrolière et autres ont tous reçu un violent choc suite à l’apparition de la pandémie. Ce choc était nécessaire pour contenir la propagation du virus. « Les prix évoluent en fonction de l’offre et de la demande. Ce premier principe est donc le décalage entre une demande importante et l’offre qui ne l’est pas forcément » a expliqué le ministre béninois des Finances.
Avec la levée des mesures restrictives, la demande a connu une forte croissance alors que la production qui garantit l’offre tarde encore à retrouver son niveau d’avant-covid. Une lenteur qui va empirer quelques mois plus tard suite au début de la crise en Ukraine.
Le poids de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur
L’incapacité des pays comme le Bénin à approvisionner leur marché à partir de leurs propres ressources accentue les effets de la cherté chez les consommateurs locaux. Les principaux produits importés par le Bénin sont : le riz, le pétrole, les engrais, les viandes et les poissons congelés. Des denrées dont les prix ont explosé sur le marché mondial, générantplus de dépenses pour les consommateurs béninois.
Le pays dépend à 100% du blé russe, rapporte l’Agence Anadolu. Cette céréale entre dans la production du pain, l’un des aliments de base au Bénin. La hausse de ses prix sur le marché international a aussitôt entraîné une augmentation du coût d’achat du pain qui se négocie désormais entre 150 FCFA (0,25$) et 200 FCFA (0,34$) contre 125 FCFA (0,21$)habituellement.
Le sac d’engrais de 50 kg est quant à lui passé de 20,07$ à 66,90$. « Quel paysan a les capacités d’acheter le sac d’engrais qui passe de 12 000 FCFA à 40 000 FCFA ?» Ce questionnement du ministre d’Etat lors d’un débat télévisé vise à montrer l’importance des mesures prises par le gouvernement. « Nous avons anticipé sur la mise à disposition d’intrants d’engrais pour nos paysans pour la campagne 2022-2023. Nous avons le produit disponible» a rassuré Wadagni.
Qu’en-est-il des produits locaux ?
Pourquoi les denrées produites localement sont-elles concernées par la hausse des prix ? Cette situation relève également de la dynamique de la demande face à l’offre. Le Bénin produit suffisamment de maïs pour satisfaire son marché local. Le pays a par exemple récolté plus de 1,6 million de tonnes de cette céréale en 2021, selon le ministre. Mais l’augmentation de ses prix au niveau local est due à l’approvisionnement des marchés voisins. En 2021, le Niger et le Nigéria ont enregistré un déficit de production dans la filière maïs.
La récolte céréalière nigérienne est de 40% inférieure à la demande nationale. Ce qui oblige Niamey à recourir au marché béninois pour s’approvisionner. Cette situation entraîne mécaniquement une hausse des prix des produits locaux. Les commerçants nigérians, eux, viennent « surpayer le maïs parce qu’en se retournant au Nigéria, (ils peuvent) gagner encore bien plus » a expliqué Wadagni. Les revendeurs béninois se retrouvent donc en compétition avec leurs voisins pour l’approvisionnement en produits vivriers.
Les impôts n’ont pas augmenté, les contribuables si
Le ministre de l’Economie n’a pas manqué d’aborder la question des impôts. Pour leBéninois lambda, ce sont les taxes qui ont augmenté. Une rumeur que dément Romuald Wadagni. « Le nombre d’impôts a été réduit. Aucun impôt n’a connu une hausse en termes de montant» explique le responsable. « En 2016,poursuit-il, nous avions à peu près 52 prélèvements. Aujourd’hui, nous avons à peu près 34 prélèvements. Ça veut dire qu’en nombre, nous avons supprimé, réorganisé nos prélèvements qui existent au niveau du Bénin ».
Ce qui a augmenté, c’est le nombre de contribuables. Il y a désormais plus de personnes (physiques et morales) qui s’acquittent de leur devoir fiscal. Des personnes qui devaient payer leurs impôts mais ne le faisaient pas. Les réformes prises pour formaliser l’administration fiscale les contraignent maintenant à respecter la loi. En 2016, il n’y avait que 16 000 sociétés qui payaient leurs impôts.
En 2021, cet effectif a cru de 56% à 25 000 sociétés environ. Les contribuables régularisés et responsabilisés pensent alors que les prélèvements ont augmenté. « Ils le présentent comme une pression nouvelle, de taxes nouvelles » révèle Wadagni. Le ministre des Finances a rappelé à ses concitoyens que l’objectif du gouvernement est de « limiter le nombre de prélèvement, élargir le nombre de contributeurs et ensuite baisser le montant des taxes ».
Améliorer le pouvoir d’achat pour s’adapter à la situation…
Outre la subvention accordée par le gouvernement béninois pour réduire les prix de produits de grande consommation, les autorités comptent œuvrer à l’amélioration du pouvoir d’achat de leurs populations. Ceci passe par l’augmentation du Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig). Des procédures ont été entamées depuis plusieurs mois pour régler le problème. « (…) Très rapidement, nous allons (…) aller vers une conclusion qui sera favorable aux travailleurs »a annoncé l’argentier national. Pour rappel, le Smig béninois est actuellement estimé à 40 000 FCFA (66,90$).