Au terme d’une année 2021 époustouflante, record par le volume des transactions, la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières d’Abidjan (BRVM) présente des perspectives optimistes pour 2022. Dans cet entretien exclusif, le directeur général, Dr Edoh Kossi Amenounvé, estime que la place financière de l’UEMOA est encore bon marché, avec un PER moyen de 10 et un taux de rendement de 8,75% à la fin décembre 2020.
Monsieur le Directeur général, qu’est-ce qui explique sur l’année 2021 l’augmentation record des transactions et la hausse des indices à la BRVM ?
Après l’observation d’un cycle baissier sur une période d’environ cinq années, nous avons clôturé l’année 2021 dans le vert et avons enregistré une bonne progression du niveau des transactions. Nous avons identifié quelques facteurs pouvant expliquer cette évolution des indices notamment des facteurs macroéconomiques et monétaires, des facteurs liés aux fondamentaux des entreprises cotées et enfin ceux liés à la microstructure du marché. S’agissant des facteurs macroéconomiques et monétaires, on a notamment la résilience des économies de la région face à la pandémie de COVID-19 avec un taux de croissance du PIB de la région estimé à +6,1% en 2021 grâce aux mesures de stimulation des économies notamment la politique monétaire accommodante de la BCEAO en vue de soutenir les entreprises et les ménages, la baisse des taux directeurs, le report d’échéances des créances sur les entreprises affectées par la pandémie.
En ce qui concerne les facteurs liés aux fondamentaux des entreprises, on peut noter le niveau de valorisation faible avec un PER moyen de 10 et un taux de rendement de 8,75% à fin décembre 2020 ; les bons résultats financiers de la plupart des sociétés cotées malgré le contexte de COVID notamment les résultats de NESTLE CI, de la SONATEL, etc. avec de bons niveaux de dividendes et enfin l’évolution à la hausse des matières premières depuis le début de l’année : Huile de palme (+24 % ) et cours du pétrole BRENT (+52 %). Parmi les facteurs liés à la microstructure du marché, il y a les fractionnements et l’imposition des volumes minimums qui ont conduit à la réduction du prix moyen de l’action à la BRVM et l’accroissement des volumes ; le lancement de la Bourse en ligne ; la forte progression de l’activité du marché obligataire et l’augmentation du nombre d’acteurs.
Dans les volumes présentés, on voit que les transactions sur dossier représentent une part non négligeable. Qu’est ce qui explique cela ?
Effectivement, sur les 722 milliards de FCFA transigés, environ 196 milliards, soit 27 % du total, l’ont été via les Transactions Sur Dossier (TSD). Rappelons que les TSD, bien qu’étant des opérations spéciales réalisées sur dérogation de la BRVM, restent des opérations de marché répondant à des critères précis répertoriés dans les Règles de Négociation de la BRVM, et à ce titre sont comptabilisées dans les volumes et valeurs de transaction globaux. Les TSD peuvent se faire entre particuliers ou entre personnes morales. En général, les TSD entre personnes morales impliquent des volumes et valeurs de transactions plus importantes. C’est le cas pour l’année 2021 où l’on a enregistré, par exemple, des opérations importantes réalisées dans le cadre du transfert d’actifs entre les institutionnels de l’UEMOA.
Le fait de classer les SGI sans distinctions entre transactions sur dossiers et transactions normales ne fausse-t-il pas la donne ?
Absolument pas. Comme je l’ai rappelé plus haut, les TSD sont bien des transactions de marché puisqu’elles consistent en un échange de titres entre un acheteur et un vendeur. Nos statistiques annuelles ont toujours pris en compte les TSD, indépendamment des volumes et valeurs qu’elles représentent. D’ailleurs, je préfère parler de « transactions ordinaires » et non de « transaction normales », car les TSD sont aussi « normales » dans la mesure où elles se réalisent dans des conditions règlementaires bien précises. Parlant du classement des SGI, comme je l’ai indiqué précédemment, les TSD sont des opérations spéciales réalisées par dérogation selon un processus rigoureux. Elles impliquent un important travail de collecte des pièces requises et de mise en conformité des demandes qu’il nous semble opportun de valoriser pour le compte des SGI qui portent ces dossiers. Nous ne voyons donc aucune raison d’exclure ces transactions des statistiques globales.
Quelles sont les perspectives 2022 de la BRVM ?
En termes de perspectives, avec la dynamique qui a conduit aux performances du marché sur l’année 2021, nous espérons avoir une bonne année 2022. Nous envisageons de bonnes perspectives aussi bien pour l’admission de sociétés que l’évolution des transactions. Cette année nous permettra de faire la Certification des PME du Programme ELITE BRVM Lounge pour laquelle 23 entreprises sont pressenties. Nous envisageons également créer des produits et services innovants, hautement technologiques et digitaux, qui soient en adéquation avec les besoins d’investissement des investisseurs régionaux et internationaux et poursuivre le processus d’élaboration d’une Politique de Sécurité des Systèmes d’Information et le renforcement des actions de Promotion de la Bourse (Lancement de BRVM TV ; la poursuite des Webinaires en collaboration avec les acteurs du MFR; l’organisation de roadshow en présentiel ou digitaux, les Journées BRVM et BRVM Investors Tours). Enfin, la poursuite de l’intégration des marchés de capitaux de la CEDEAO avec le projet WACMIC et l’interconnexion des Bourses africaines (AELP).
Où en sont aujourd’hui les bourses africaines dans leur programme d’interconnexion ?
L’AELP est un projet majeur, structurant et extrêmement important pour la circulation des capitaux en Afrique. La phase pilote de l’AELP était prévue pour démarrer avec sept (7) bourses avant d’être ouverte à l’ensemble des Bourses du continent membre de l’ASEA. Ainsi, neuf (9) bourses sont désormais impliquées dans le projet à la phase pilote à savoir : la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), la Bourse de Johannesburg (JSE), la Bourse d’Egypte (EGX), la Bourse de Casablanca (CSE), Nigerian Stock Exchange (NgSE), Nairobi Stock Exchange (NSE), la Bourse de Maurice (SEM), la Bourse du Ghana (GSE) et celle du Botswana (BSE). Nous sommes actuellement au stade de l’implémentation de la plateforme technologique qui devra permettre le routage des ordres de bourses et les confirmations de transactions entre les courtiers des neufs bourses participant à cette phase pilote. Ces évolutions significatives permettent d’envisager le lancement de la phase pilote dans les prochains mois.
Source: Mensuel Financial Afrik numéro 88 du 15 mars au 14 avril 2022.