Par Aaron Akinocho
La République démocratique du Congo est un pays de paradoxes. Si le plus connu est relatif à sa richesse minière, dont le pays tire finalement peu de bénéfices, son agriculture n’est pas en reste. En effet, l’ex-Zaïre, qui fait plus de quatre fois la superficie de la France, dispose de 80 millions d’hectares de terres arables. Néanmoins, il importe la quasi-totalité des aliments que sa population consomme au quotidien. Riz, poissons, oignons, et autres denrées viennent d’horizon divers et pèsent lourdement dans la balance commerciale.
Ainsi, le pays injecte annuellement 2 milliards de dollars dans l’importation de quelque 2 millions de tonnes de nourriture. Outre le fait que cette dépendance l’expose à des crises en cas de perturbation des flux de marchandises, elle fragilise sa sécurité alimentaire. La pandémie du coronavirus et le conflit russo-ukrainien viennent encore le rappeler cruellement aux autorités de Kinshasa.
Mais en République démocratique du Congo, tout le monde n’a pas abdiqué dans le combat pour la sécurité alimentaire. Un entrepreneur comme George Forrest se bat depuis des années pour trouver une solution au problème. Si “le vice-roi du Katanga”, ainsi qu’il est surnommé est surtout connu pour ses activités dans le BTP, l’énergie et les transports, il imprime une présence de plus en plus marquée dans le secteur agro-alimentaire. Via sa compagnie les Grands Élevages de Katongola (Grelka), il possède un cheptel de 30 000 bovins qui paissent sur 450 000 hectares. Celui qui a passé sa vie et construit sa fortune au Congo est foncièrement convaincu du potentiel du secteur agricole congolais. «L’agriculture pourrait même dépasser bientôt l’exploitation minière en tant qu’industrie dominante en RDC» a affirmé le magnat au quotidien belge L’Echo.
Désireux de renforcer son leadership dans ce secteur, il s’est récemment associé à l’entrepreneur d’origine iranienne Aziz Khabirpour et à l’allemand Kirsten Pucks pour créer le holding GoCongo. Outre les actifs de Grelka, GoCongo inclut 3000 hectares de cultures, une biscuiterie et des activités de transformation et de commercialisation de viande. Le groupe annonçait le 21 mars dernier la finalisation du rachat de la Pastorale du Haut-Lomami (PHL), autre poids lourd de l’élevage congolais, portant à 56 000 têtes son troupeau de bovins.
Pour la République démocratique du Congo, la création de ce holding constitue une chance. Alors que le pays se démène pour nourrir 80 millions d’habitants et maitriser la progression des prix des denrées alimentaires, il doit également lutter contre la déforestation. La forêt du bassin du Congo est, avec l’Amazonie, le poumon vert de la planète. Les enjeux liés à sa préservation viennent particulièrement compliquer l’équation de dirigeants déjà aux prises avec l’insécurité alimentaire. Or, dans ses activités, George Forrest mise sur la reforestation. « Nous voulons déployer GoCongo en appliquant les principes du développement durable. Il y aura notamment un volet consacré à la reforestation. On devra trouver des financements pour certains investissements futurs et dans ce cadre, on pourra faire appel à des fonds à impact » explique Pierre Chevalier, associé de George Forrest et administrateur de GoCongo.
Cette orientation vient renforcer la pertinence de la vision porté par l’homme d’affaires, surtout dans un contexte où beaucoup de terres arables sont cédées à des entreprises étrangères peu soucieuses de préservation ou des besoins des populations locales. Né lui-même à Lubumbashi et ayant grandi à Kolwezi, George Forrest n’est peut-être pas Congolais par la nationalité mais par l’Histoire. Resté dans le pays, alors même que ce dernier traversait les pires crises, il est réputé pour offrir d’excellentes conditions de travail à ses employés. En cas de succès, l’expérience menée par « le vice-roi du Katanga » pourrait faire des émules et aider la République démocratique du Congo à révéler son potentiel agricole et tourner la page de l’insécurité alimentaire.