En marge du séminaire organisé par le Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques (FGIS) qui s’est tenu au siège de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA) à Libreville et qui avait pour objet la préparation de l’introduction en bourse de sa la filiale, la Société Commerciale Gabonaise de Réassurance (SCG-RE), le Secrétaire Général de la CIMA et le Directeur Général de la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Central (BVMAC) ont exploré les possibilités d’un partenariat entre ces deux institutions, au regard de leurs objectifs et missions respectifs. Au terme de leur séance de travail, ils ont constaté que les compagnies d’assurances peuvent et doivent, plus que par le passé, jouer leur rôle d’investisseurs institutionnels à même de soutenir le financement des économies de la sous-région et bénéficier eux-mêmes des possibilités qu’offrent les marchés financiers, notamment la BVMAC pour renforcer leurs assises financières propres. Les deux managers se sont ensuite laissés aller aux jeux des questions/réponses de la presse. Leurs regards croisés analysent l’opportunité constituée par les organes de structuration et d’encadrement mis en place par les Etats pour susciter et accompagner le secteur productif, créateur de richesse et de développement.
Monsieur le Secrétaire Général,Vous venez de prendre part au séminaire organisé par la FGIS et la SCG-RE et modéré par la BVMAC. Pouvez-vous nous décrypter le sens de cette formation ?
La Société Commerciale Gabonaise de Réassurance (SCG-RE) a décidé d’entrer en bourse pour lever les financements nécessaires à son développement à travers une opération d’augmentation de son capital. Nous avons été sollicités en tant que régulateur du secteur des assurances à l’effet de suivre la régularité de cette opération qui doit se faire en respect non seulement des dispositions du Code des Assurances, mais également des textes qui régissent les marchés financiers. La formation que vous évoquez avait pour objet de préparer le personnel de ladite société à cette opération ; au rang des intervenants, on peut citer la COSUMAF, la BVMAC et les sociétés d’intermédiation boursière. Cette opportunité a par ailleurs permis à la CIMA de conforter ses compétences et d’optimiser les diligences nécessaires à l’appréciation de l’opération en cours et celles futures.
La Société Commerciale Gabonaise de Réassurance (SCG-RE) se propose donc d’entrer en bourse. Quelle est la position du régulateur du secteur des assurances sur cette opération ?
Cette entreprise entend renforcer son assise financière et sa solvabilité, au-delà des minima réglementaires. Par principe, nous soutenons de telles initiatives qui confortent les intérêts des cédantes et partant, ceux des assurés et bénéficiaires de contrats d’assurances. Toutefois, il est opportun de rappeler la démarche prudentielle qui nous interpelle, surtout pour cette première expérience en Afrique Centrale. L’introduction de la SCG-RE en bourse et le fonctionnement ultérieur de cette société de réassurance sera certainement suivie de prêt par la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA).
Les assureurs collectent sous la dénomination ‘‘primes d’assurances’’, une part importante de l’épargne en circulation, pourtant on ne sent pas vraiment leurs concours dans le financement subséquent de leur espace économique. Qu’en est –il en réalité et peut-on escompter une attitude plus participative à l’avenir ?
Les assureurs sont en effet de grands collecteurs de primes. Après avoir rassemblé cette épargne atomisée, et en attendant le règlement des sinistres qui intervient après quelques diligences préalables, ils doivent la placer, voir la rentabiliser. L’essence de leur métier est ainsi constituée d’une part, des engagements de cœur de métier (payer les sinistres) et d’autre part, de l’engagement adjacent de contribuer au financement des économies. C’est donc à juste titre, par rapport à ce dernier engagement, qu’ils sont appelés ‘’investisseurs institutionnels’’.
Bien que les dispositions réglementaires qui fixent la nomenclature des placements soient contraignantes, en pratique on observe un regroupement autour de 3 pôles majeurs : les DAT, l’immobilier et les titres d’Etat.
La raison historique habituellement évoquée est l’indisponibilité des instruments de placement. Le marché financier, dans ses compartiments primaire et secondaire, se présente dès lors comme une option complétive significative. Ils offrent en effet au moins le triple avantage de la sécurité, de la rentabilité et de la liquidité. Ils permettent aux sociétés d’assurance de respecter les règles de dispersion dont l’exigibilité s’impose de plus en plus.
La Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale est-elle selon vous, à mesure de jouer ce rôle de catalyseur de la mobilisation des ressources pour le financement des économies de la zone ?
La BVMAC est jeune, mais elle doit jouer son rôle. Le secteur des assurances attend d’elle une offre de possibilités de placements suffisante et diversifiée, en capacité et en qualité. Sans être expert en la matière, je crois que les conditionnalités qui président à une entrée en bourse sont parfois dissuasives pour les entreprises dont la qualité de l’information financière n’est pas avérée. C’est dire que certains paramètres exogènes à la BVMAC peuvent constituer un frein à ses activités. Je suis convaincu, tout au moins en ce qui concerne le secteur des assurances, que les avancées significatives enregistrées au niveau de l’assainissement des compagnies depuis la mise en place de la CIMA augurent de perspectives optimistes pour une dynamisation des activités de la Bourse. Les dispositions du code des assurances relatives à la réglementation des placements sont une contrainte légale porteuse dans ce sens.
Il reste aux assureurs et à la BVMAC à développer ce partenariat gagnant-gagnant.
Pour terminer, quelles relations entretenez-vous avec la COSUMAF, régulateur des marchés financiers ?
La COSUMAF, régulateur du marché financier dans la zone CEMAC, couvre un périmètre de compétence d’attribution différent de celui de la CIMA qui supervise le secteur des assurances dans les 14 Etats de la CEMAC et de l’UEMOA.
Cependant, les entreprises assujetties aux deux législations sont demanderesses, soit de ressources financières pour soutenir leur développement, soit d’instruments de placement pour investir leurs avoirs.
Dans un tel espace la CIMA et la COSUMAF aspirent à densifier leurs relations et à resserrer davantage les liens d’échanges et de collaboration. La matérialisation de cette collaboration est en cours.
Monsieur le Directeur Général, vous venez d’animer un séminaire sur invitation du Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques (FGIS), sous quelle perspective placez-vous cette formation ?
Louis BANGA NTOLO Directeur Général de la BVMAC
Cette formation s’inscrit en droite ligne des missions statutaires de la BVMAC que sont notamment, la promotion et l’animation du marché boursier de la CEMAC. Nous sommes venus ici à Libreville pour entretenir les entreprises du portefeuille de l’Etat Gabonais devant être introduites en Bourse sur les bons réflexes à avoir en amont du processus, pendant les discussions avec les arrangeurs et le Régulateur, pendant la période de placement des titres et après l’introduction en Bourse des titres. Nous avons ainsi particulièrement, sensibilisé les responsables de SCG Ré, future société cotée, sur les prérequis tant juridiques, réglementaires, qu’organisationnels à satisfaire en vue d’une introduction réussie en Bourse et la gestion de la vie du titre coté. Aussi, avons-nous abordé des sujets tels que les accords préalables des actionnaires historiques et des Administrateurs à recueillir en amont du processus ; la nécessité de procéder à une valorisation de l’entreprise ; d’avoir deux commissaires aux comptes ; l’obligation de se conformer aux exigences réglementaires post introduction et particulièrement, les reportings réglementaires, la publication des résultats, l’information permanente du marché (COSUMAF et BVMAC) et des actionnaires de tout fait nouveau pouvant survenir et susceptible d’influencer la vie du titre coté, etc.
Le choix du lieu de cet évènement (dans les locaux de la CIMA) avait-il un sens particulier pour vous ?
Vous me donnez là l’occasion de remercier le Directeur Général de SCG Ré Dr Andrew GWODOG et le Secrétaire Général de la CIMA Monsieur Blaise Abel EZO’O ENGOLO qui ont eu cette idée fabuleuse d’organiser cette rencontre au siège du Régulateur des assurances. Oui, SCG Ré est une compagnie de réassurance et donc régie par le code CIMA instance de régulation du secteur des assurances et cela a été un réel plaisir de profiter de la présence effective de Monsieur le Secrétaire Général à nos travaux qui se sont déroulés sur deux journées. En effet, comme venait de le souligner son Secrétaire Général, la réglementation de la CIMA positionne les marchés financiers comme le credo de prédilection naturel du secteur des assurances. Qualifiés de zinzins (investisseurs institutionnels) par excellence, les assurances demeurent en quête permanente des actifs financiers dans lesquels elles doivent placer leurs provisions techniques pour se conformer à leur réglementation de branche. D’un autre côté, les évolutions réglementaires récentes du secteur visant notamment le renforcement des fonds propres des compagnies d’assurances dans un contexte d’essoufflement des actionnaires historiques de ces compagnies, positionne le marché financier comme source alternative de financement du haut de bilan de ces compagnies. La réglementation CIMA se positionne ainsi clairement comme tributaire et promotrice du commerce des actifs financiers et donc des marchés financiers.
Nous avons compris que vous envisagez un partenariat BVMAC/CIMA, quels pourraient être les axes stratégiques d’un tel partenariat ?
Nous avons eu en effet une réflexion exploratoire avec le SG de la CIMA sur des pistes de partenariat à tisser entre nos deux institutions dont les destins se croisent comme nous venons de le démontrer. Aussi, quelques pistes ont été évoquées :
1. Mettre sur pied une stratégie de sensibilisation et de promotion des compagnies d’assurances sur les opportunités qu’offre le marché financier régional de sorte à susciter le réflexe ‘’marché financier’’ tant pour les besoins d’investissement ou de placement, que pour les besoins de financement des assurances (haut de bilan, cycle d’exploitation) ;
2. Susciter des réformes à l’échelle de la CIMA en vue d’une meilleure adéquation investissements/rendements via probablement l’ajustement de certains ratios réglementaires jugés contraignants ;
3. Faire bénéficier les compagnies d’assurances de procédures d’admission à la cote simplifiées et d’une tarification attractive des opérations sur tous les compartiments de la BVMAC ;
4. Prendre en compte de manière globale, certaines doléances du secteur des assurances dans le cadre de l’élaboration des politiques fiscales communautaires du secteur boursier.
Pour terminer, avez-vous des exigences préalables à la mise en place d’un tel partenariat ?
Côté BVMAC absolument pas. Nous pensons néanmoins que le Régulateur du marché des assurances voudrait d’abord apprécier l’accueil que le marché financier va réserver à un de ses Champions SCG Ré qui va se soumettre à son verdict dans les prochaines semaines, avant d’avancer dans les discussions. Cela nous paraît d’ailleurs tout à fait normal de vérifier, à travers une première opération, la réaction du marché avant d’aller plus loin. Nous avons bon espoir que le projet d’IPO (Initial Public Offering ou d ‘introduction en Bourse) de SCG Ré sera une réussite qui va ouvrir la voie à plusieurs autres opérations de ce secteur sur notre marché financier et sait-on jamais, devenir le catalyseur de la dynamisation du marché financier régional tant espérée par les plus Hautes Autorités de la CEMAC.