La parution récente d’une publication intitulée «RDC/Dossier Afriland First Bank : les Autorités congolaises pas concernées, ni de loin ni de près» ramène la réflexion sur les responsabilités de certaines administrations congolaises dans la dégradation de l’environnement des affaires en RDC en général, le cas particulier cité en étant une illustration parfaite et d’actualité.
On en est à s’interroger sur les intentions réelles des initiateurs d’une telle parution qui se singularise par le contrepied des positions officielles de plusieurs autorités congolaises, de la plupart des contenus publiés par les organismes internationaux bien introduits et des médias de presse crédibles. Ce qu’il convient d’appeler «L’affaire Afriland First Bank CD» est un bel exemple pour éclairer le lecteur, à la lumière des faits, afin de lui permettre, sinon de tirer ses propres conclusions, au moins de se poser les bonnes questions.
L’article précise d’entrée de jeu : «l’opinion doit savoir que les questions de l’administration bancaire ne relèvent pas de la compétence de cours et tribunaux». Cette phrase soulève deux questions : pourquoi cette précision ? Et surtout, qui a porté l’affaire devant les tribunaux ? Patrick Kafindo bien évidemment, accompagné du cabinet d’avocat Taylor Lubanga & Associés. Il convient de préciser que la demande exprimée par le cabinet Taylor Lubanga & Associés, conseil de Patrick Kafindo, comportait plusieurs exigences: la nomination d’un mandataire et d’un administrateur provisoire, l’ouverture du capital, l’évaluation des capitaux sociaux des actionnaires, le remplacement d’un associé décédé, la nomination d’un président du conseil d’administration, le règlement des droits d’un associé décédé… La question de fond, c’est de savoir comment un avocat assermenté, inscrit au barreau, a pu exprimer des demandes qui violent fondamentalement la loi ? Toujours est-il que le juge a clairement souligné que Patrick Kafindo n’a aucune qualité pour ester en justice au nom d’Afriland First Bank, en lieu et place de l’actionnaire majoritaire, du conseil d’administration ou du président de conseil. Soit dit en passant, Taylor Lubanga, propriétaire de ce cabinet qui porte d’ailleurs son nom, est chargé de mission à la Présidence de la République !
L’affaire a été jugée en instance au Tribunal du Commerce. Le 22 avril, le juge Ondimba Osepe Jean Robert a rendu sa décision par ordonnance MU1777, refusant de donner suite favorable à la demande de Kafindo de désignation d’un mandataire ou d’un administrateur provisoire, toute chose qui montre que le juge était suffisamment éclairé et averti pour déjouer le piège tendu, car la loi bancaire autorise une seule instance à nommer un administrateur provisoire : la Banque centrale. Le juge a fait ce que la justice lui donne la prérogative de faire : nommer des administrateurs ad hoc.
Portée en rétraction par Patrick Kafindo au sein de la même instance, l’affaire a été jugée une deuxième fois et, sous ordonnance RMUA 1026, un mandataire a été désigné en la personne de Nkulufa Ilebe Yves. Après cette rétractation, les administrateurs ad hoc ont fait appel de l’ordonnance RMUA 1026. Suite à cela, le juge de la Cour d’appel du tribunal de commerce a désavoué Patrick Kafindo, confirmé les administrateurs ad hoc désignés en instance. Prononcée pour être exécutée sur minute nonobstant toutes les voies de recours, cette ordonnance n’a pas été appliquée à ce jour, du fait d’un procureur qui a excipé le fallacieux prétexte d’une enquête ouverte.
Ce qui soulève une question : un procureur a-t-il qualité pour suspendre une ordonnance prononcée pour être exécuté sur minute nonobstant toutes les voies de recours ?
Dans ces circonstances, comment ne pas s’intéresser aux ramifications du cabinet Taylor & Associés, chargé de la défense de Patrick Kafindo ? Comment ne pas se rappeler les actes remarquables de Taylor Lubanga, chargé de mission à la présidence de la république ? Déjà, dans une parution du 27 septembre 2021, Le journal Lejecos titrait : «Trois collaborateurs de Tshisekedi dont Taylor Lubanga» accusés de vouloir faire exécuter un jugement contre Huawei pour 50 millions de dollars » …
L’article poursuivait ainsi : « Selon nos sources, trois collaborateurs de Félix Tshisekedi dont Taylor Lubanga sont accusés de trafic d’influence en voulant faire exécuter un jugement déjà annulé contre Huawei. Cette immixtion dans les affaires judiciaires des proches du président de la République se passe au tribunal de commerce de la Gombe, dans l’affaire qui a opposé l’entreprise chinoise Huawei et la société GTCC. »
Taylor Lubanga n’est pas seul à profiter de sa situation privilégiée à la présidence de la république pour multiplier pareils actes. En janvier 2022, le magazine Africa Intelligence a défrayé la chronique avec un papier intitulé «Les minerais du sérail : comment un conflit minier affole le premier cercle de Félix Tshisekedi ». L’article cite le conseiller privé du chef de l’Etat Fortunat Biselele comme étant au cœur d’une opération de détournement de 35 millions de dollar des caisses d’Afriland First Bank CD au prétexte du rachat d’une concession minière dont la valeur est de 2 milliards en réalité.
Les exemples cités sont assez édifiants sur l’ambiance qui règne en RDC et les potentielles collusions et implications de certaines administrations. La parution récente poursuit en ces termes : «C’est la loi bancaire du 2 février 2002 en ses articles 41 et suivants servent de fondement à cette question. Une loi spéciale déroge à la loi générale.» Nous rappelons pour la gouverne de celui qui a écrit ces lignes qu’en janvier 2022, le gouverneur de la BCC avait agréé un conseil d’administration d’Afriland First Bank CD et pris acte de la désignation par cette instance des dirigeants provisoires en attendant les agréments.
Le Conseil d’Etat s’est arrogé, à la surprise de tous les observateurs avertis, le pouvoir de suspendre les décisions du régulateur bancaire, pourtant souveraine sur ces questions. On peut se poser la question de savoir si le Conseil d’Etat n’a pas violé la Constitution, et même la loi spéciale sur la régulation bancaire car son rôle c’est de s’occuper des décisions administratives. Or, si on peut admettre que la BCC a une délégation de pouvoir de l’Etat et qu’elle fait partie de l’administration, il est difficile de comprendre qu’une institution judiciaire constitutionnellement appelée à connaître uniquement des actes administratifs suspende une décision du Conseil d’administration d’une entreprise commerciale privée, toutes choses qui relèvent exclusivement de la compétence des tribunaux civils ( tribunal de commerce ou tribunal de paix).
De plus, M. Patrick Kafindo a utilisé des hommes en tenue pour empêcher l’exécution des décisions des instances judiciaires exécutables sur minute et nonobstant toutes voies de recours. Dès lors, il est difficile de comprendre le silence et l’absence de réaction des organes compétents de l’administration pour faire respecter la loi et faire exécuter les décisions de justice. Jusqu’à la date d’aujourd’hui, Patrick Kafindo règne en maître des lieux à Afriland First Bank CD, en bafouant les décisions de justice et en violant toutes les règles élémentaires de bonne gouvernance prescrites par le droit OHADA ou édictées par la Banque Centrale du Congo.
De quel droit Patrick Kafindo peut-il agir de la sorte, au vu et au su de l’administration ? Comment expliquer le silence des administrations ? A qui profite tous ces silences et manœuvres de blocage qui paralysent la bonne marche de la 5ème banque de RDC et du système bancaire en général au Congo? L’Etat peut-il continuer à accepter une telle situation de non droit dans une économie qui a besoin des investisseurs nationaux et internationaux dont la garantie est la protection des biens et personnes?
Un commentaire
Afriland first bank ou Ccei doit apprendre les leçons du Congo et de la Guinée equatoriale pour désormais savoir quoi faire avec des investissements multilatérales. la Mafia réside au sein de nos états et éviter d’être leur bras seculiers