Dans cette chronique dédiée au droit des affaires en Afrique, les experts du cabinet Exco GHA Mauritanie, membre des réseaux Exco Afrique et Kreston international et leader de l’audit, du commissariat aux comptes, de l’expertise comptable et du conseil juridique et fiscal en Mauritanie, présentent le régime fiscal et douanier applicable aux sous-traitants intervenant dans la construction du pont de Rosso.
A l’instar de la signature de l’Acte Additionnel sur le projet GTA, le Sénégal et la Mauritanie ont signé à nouveau, le 18 février 2020, une convention régissant le régime fiscal et douanier applicable aux sous-traitants intervenant dans le Projet de construction du pont de Rosso.
Cette convention se substitue aux dispositions fiscales et douanières qui seraient normalement applicables dans les deux Etats, notamment les conventions internationales, lois ou règlements. En effet, les administrations fiscales des deux Etats sont chargées «de la liquidation, du contrôle, du contentieux et du recouvrement des impôts et taxes» dus par les sous-traitants qui interviennent dans l’exécution du projet de construction du pont. Les impôts, droits et taxes, dont sont redevables les sous-traitants du projet, font, par la suite, l’objet d’une répartition, à hauteur de 50%, pour chaque Etat.
Ainsi, chaque Etat notifie à l’organe d’exécution du projet, qui est l’unité de gestion commune du projet mise en place par les Etats, à travers son administration fiscale, le service habilité à recevoir les déclarations fiscales et les paiements y afférents.
Cadre juridique de la sous-traitance-Formalités
Cadre juridique
Les dispositions de la présente convention s’appliquent aux entreprises chargées de l’exécution des marchés communs du projet de construction du pont de Rosso ainsi qu’aux sous-traitants du premier et second degré.
Par sous-traitant de premier degré, on entend les entreprises autorisées par l’organe d’exécution à signer un contrat avec le titulaire pour l’exécution d’une partie d’un marché commun. Par contre, les sous-traitants du second degré désignent toute personne physique, morale ou établissement stable qui signe un contrat avec le sous-traitant du premier degré pour la fourniture des biens ou services pour les opérations destinées au projet.
I-Formalités
Les personnes morales de droit sénégalais et mauritanien ou les établissements stables au Sénégal et en Mauritanie, titulaires d’un marché commun et les sous-traitants du premier degré doivent être immatriculées auprès des administrations fiscales des deux pays.
Les marchés communs du projet doivent être soumis à la formalité d’enregistrement dans chaque pays, en 5 exemplaires, et dans un délais d’un mois à compter de la date d’approbation du contrat par l’unité de gestion commune du projet.
Par ailleurs, les factures établies par les fournisseurs sont obligatoirement soumises à la formalité du visa auprès de l’administration fiscales des deux Etats.
Les demandes de titres d’exonérations doivent, préalablement à leur dépôt aux services des douanes, être approuvées par l’Organe d’exécution du projet.
II. Le régime fiscal
La convention a prévu les différents impôts, droits et taxes auxquels sont assujetties les entreprises qui sont dans le champ d’application de ladite convention, et, qui sont listés comme suit :
Impôt sur les sociétés ;
Imposition forfaitaire sur les sommes versées à des tiers ;
Droits d’enregistrement.
Toutefois, la convention a prévu des avantages fiscaux qui sont accordés aux sous-traitants qui interviennent dans le cadre du projet de construction du pont.
Impôt sur les sociétés
Les personnes morales de droit Mauritanien et sénégalais ou les établissements stables au Sénégal et en Mauritanie, titulaires d’un marché de droit commun ainsi que leurs sous-traitants du premier degré sont assujetties à l’impôt sur les sociétés au taux de 3.5% du chiffre d’affaires réalisé. La déclaration de l’impôt sur les sociétés doit être souscrite, au plus tard, le 31 janvier de l’année suivant la réalisation du chiffre d’affaires imposable. Cette déclaration est déposée en trois exemplaires dans chaque pays contre décharge des services des impôts. Ces entreprises sont, aussi, astreintes à toutes les obligations comptables, documentaires et déclaratives, conformément aux normes de droit commun applicables en Mauritanie ou au Sénégal. Par conséquent, elles peuvent faire l’objet d’un contrôle fiscal sous tous les formats prévus par le droit commun respectif des deux Etats.
Par ailleurs, les employés des entreprises, visées ci-dessus, sont assujettis à l’impôt sur les traitements et salaires conformément à la réglementation en vigueur dans les deux Etats. Cependant, les personnes physiques assujetties à l’impôt sur les traitements et salaires et résidents en Mauritanie ou au Sénégal, sont affranchies de cet impôt pour les sommes dues sur leurs traitements et salaires hors du projet dans ces deux pays.
Ainsi, une liste du personnel de ces entreprises doit être déposée et visée par l’unité de gestion du projet pour les déclarations de l’impôt sur les salaires.
Imposition forfaitaire sur les sommes versées à des tiers
Les personnes morales de droit Mauritanien et sénégalais ou les établissements stables au Sénégal et en Mauritanie, titulaires d’un marché de droit commun ainsi que leurs sous-traitants du premier degré sont tenus d’opérer une retenue à la source sur les versements effectués au profit de toute personne physique, morale ou un établissement en rémunération de prestations de toute nature fournies ou utilisées pour l’exécution du projet.
Cependant, la retenue ne s’applique pas aux sommes versées aux sous-traitants de premier degré. Sont également dispensées de ce prélèvement, les sous-traitants du second degré qui signent des contrats portant exclusivement sur des livraisons ou des fournitures.
Le taux de la retenue sur les sommes versées aux sous-traitants de droit étranger ainsi que ceux de droit mauritanien ou sénégalais immatriculés après le 31 décembre 2018 est fixé à 20% du montant des rémunérations dues au prestataire.
Ce taux est fixé à 5% du chiffre d’affaires pour les sous-traitants de droit mauritanien et sénégalais immatriculés avant le 1er janvier 2019.
La retenue à la source n’est applicable qu’aux prestations de services, à l’exclusion des livraisons de biens, si elles sont facturées séparément.
Droits d’enregistrement
Les marchés communs de l’exécution du projet de construction du pont sont soumis à l’enregistrement au taux de 0.5% sur le prix hors taxe du marché dans chaque pays. Toutefois, il est exclu de la base d’imposition les parts des marchés communs financés sous forme de dons.
Les avantages fiscaux et douaniers
Les opérations financières nécessaires à l’exécution du projet sont exonérées de la taxe sur les opérations financières (TOF), en Mauritanie, et de la taxe sur les activités financières (TAF) au Sénégal.
Les contrats d’assurance spécifiques au projet sont, aussi, exonérés de la taxe sur les conventions d’assurance au Sénégal et de la taxe sur les assurances en Mauritanie. Les livraisons de biens et les prestations de services réalisées au profit des entreprises visées, ci-dessus, au point II.1, dans la mesure où elles portent directement et exclusivement sur la réalisation de l’ouvrage, sont exonérées de la TVA dans les deux Etats.
Par ailleurs, les matériaux et équipements importés en Mauritanie ou au Sénégal et destinés exclusivement à la réalisation des ouvrages, objet des marchés communs, sont exonérés des droits et taxes à l’importation. Cette exonération couvre également les carburants, véhicule utilitaires, engins et autre équipements destinés aux opérations du projet.