« Notre portefeuille actif est évalué à 87 milliards de dollars USD à la fin 2021 »
La directrice senior de l’Africa Investment Forum (AIF), Chinelo Anohu, s’est entretenue avec Financial Afrik sur les perspectives de cette structure d’investissement soutenue par la Banque Africaine de Développement (BAD) pour favoriser l’investissement dans les projets PPP. Devenue en l’espace de quatre ans la première plateforme d’investissement en Afrique, l’AIF est chargée de jouer le rôle de mobilisateur des fonds et de catalyseur des closing du financement des projets PPP. Avant de rejoindre la BAD, Chinelo Anohu a été notamment Directrice Générale de la National Pension Commission au Nigeria, jouant un rôle de premier plan dans la réforme du système de pensions dans son pays et dans la mobilisation des ressources domestiques. Titulaire d’une licence en droit de l’Université du Nigeria, à Nsukka, en 1996, d’un master en droit de l’informatique et des communications de la London School of Economics en 2000, Mme Chinelo Anohu a suivi une formation pour hauts cadres de la Kennedy School of Government, Harvard University, aux Etats-Unis et de l’Insead Business School, en France. Membre du Conseil consultatif international de l’Université d’Edinbourg Business School en Ecosse et membre du Conseil consultatif de la London Stock Exchange Africa, Chinelo Anohu est l’une des africaines les plus influentes dans la planète finance. Entretien.
Le Forum pour l’investissement en Afrique (AIF) a été lancé depuis 2018. Aujourd’hui, quel bilan faites-vous sur cette initiative ?
Le Forum pour l’investissement en Afrique est en train de s’imposer solidement comme la plate-forme de négociation de l’Afrique. Depuis sa création, l’AIF s’est attaché à surmonter certains des plus grands obstacles auxquels le continent africain est confronté pour attirer des investissements. L’AIF a dressé un éventail de projets transformateurs, a mis ces projets en relation avec des investisseurs, a convoqué les parties prenantes des projets et a fourni des outils de réduction de risques.
La première édition des journées transactionnelles de l’AIF en 2018 (AIF2018), qui a mobilisé des intérêts d’investissement sur 49 transactions d’une valeur de 38,7 milliards USD, a été saluée mondialement pour avoir dépassé les attentes des parties prenantes. L’édition de 2019 (AIF2019) a placé la barre encore plus haut en attirant des intérêts d’investissement sur 52 transactions d’une valeur de 40,1 milliards USD. Lors des salles de transactions virtuelles de l’édition 2021(AIF2021) qui se sont tenues en mars 2022, l’AIF a attiré 32,8 milliards USD d’intérêts d’investissement dans 31 projets bancables.
Dix transactions du portefeuille 2018 et 2019 évaluées à 3,1 milliards USD ont été conclues à la fin de l’année 2021. Six de ces transactions sont partiellement financées par la BAD, contribuant à hauteur de 225,7 millions USD. Les dix transactions conclues sont les suivantes :
• le fonds multinational d’investissement dans les infrastructures en Afrique
• le fonds multinational africain de garantie pour les PME
• Gabiro Agri-Business Hub Phase 1 du Rwanda
• le Projet d’agro-transformation de la viande bovine en Afrique du Sud
• la Nouvelle Centrale Thermique de Lomé, au Togo
• Ghana COCOBOD
• le fonds multinational Alitheia IDF
• le Mécanisme multinational pour l’inclusion énergétique
• la Multinationale AfriInvest IV
• Nigeria Infrastructure Credit Guarantee Company Limited (« InfraCredit »)
Depuis sa création, l’AIF a :
• augmenté sa base d’investisseurs de 420 en 2019 à 682 en 2021
• mis en œuvre son mécanisme de suivi des transactions
• a fait des progrès dans ses efforts pour faire avancer les transactions jusqu’à la clôture
• affiné son processus d’intégration et ses critères de sélection des transactions, et
• élaboré une nouvelle stratégie de partenariat et de parrainage.
• lancé un effort unifié de Covid-19 avec ses partenaires en réponse à la pandémie.
Le continent africain, comme plusieurs autres parties du monde traverse une situation économique difficile en raison de la pandémie et des guerres. Comment votre plateforme peut-elle aider le secteur privé africain à se restructurer et quel type de projet devrait être mis en avant pour une reprise économique post-pandémique rapide et efficace ?
Malgré l’environnement difficile de la Covid-19, l’AIF a également pris plusieurs mesures importantes pour innover et renforcer ses processus institutionnels. Ces mesures sont guidées par les trois objectifs stratégiques de l’AIF : (i) faire progresser les transactions vers la bancabilité, (ii) lever des capitaux et (iii) accélérer la conclusion des transactions.
Les salles de transactions virtuelles de l’AIF qui ont eu lieu en mars 2022 ont attiré 32,8 milliards USD d’intérêts d’investissement sur 31 projets bancables. Lesdites salles de transactions ont présenté 41 projets évalués à 57,7 milliards USD. Ceux-ci couvraient un éventail de projets à la fois nationaux et régionaux dans les secteurs tels que les soins de santé, l’agriculture, les TIC et les télécommunications, l’éducation, l’énergie, les médias et le divertissement, le développement urbain, les infrastructures et les transports. Plusieurs transactions organisées présentées lors des salles de transactions, étaient détenues par des femmes, dirigées par des femmes et influencées par le genre.
Certains des projets phares qui ont été présentés pour discussion lors des salles de transactions virtuelles du mois de mars, relèvent du pipeline de transactions de la réponse unifiée de l’AIF contre la Covid-19.
Il s’agit notamment des transactions suivantes :
• un Centre biomédical et pharmaceutique d’une valeur de 79 millions USD
• une Centrale à biomasse d’une valeur de 348 millions USD
• un Hôpital d’oncologie d’une valeur de 140 millions USD
• un Projet de fibre optique d’une valeur de 454 millions USD
• une Académie de film et des arts de la scène, d’une valeur de 140 millions USD
• un Projet novateur de télémédecine d’une valeur de 65 millions USD
• un Village technologique d’une valeur de 450 millions USD
• un Projet de chemin de fer pour les marchandises, d’une valeur de 4,2 milliards USD
• un Projet de combustible de raffinerie de l’Afrique de l’Est, d’une valeur de 4,5 milliards USD.
L’AIF se réjouit à la perspective de convertir ce niveau extrêmement élevé d’intérêts d’investissement en investissements réels, lors de l’édition de l’édition de 2022 (AIF 2022) qui se tiendra à Abidjan du 2 au 4 novembre.
L’AIF est également en train d’organiser des projets en ce moment dans les secteurs phares suivants, qui suscitent un intérêt important de la part d’investisseurs locaux et mondiaux :
• Les femmes en tant que championnes de l’investissement : Investir dans des entreprises dirigées par des femmes a été identifié comme l’un des principaux piliers de l’AIF. 8 projets présentés lors des salles de transactions virtuelles tenues récemment, sont dirigés par des femmes et ont une valeur potentielle d’environ 4,93 milliards USD. L’objectif est de combler le déficit de financement qui s’élève à 42 milliards USD pour les femmes entrepreneurs en Afrique.
• Industries créatives : Ces industries sont des multiplicateurs d’emplois potentiels qui génèrent plus de 4,2 milliards USD de revenus par an, à travers le continent. Les secteurs du cinéma, de la musique et de l’artisanat font partie des industries les plus dynamiques de l’Afrique, avec une audience mondiale en croissance exponentielle. Il y a actuellement trois projets de ce type dans le pipeline de l’AIF, d’une valeur de 713,8 millions USD.
• Le sport en tant que catalyseur économique : Le secteur du sport offre des opportunités croissantes de franchisage, de déploiement de marque, ainsi que de transactions dans le milieu des médias. L’industrie offre des opportunités lucratives permettant de tirer parti de l’écosystème sportif, et sert de passerelle vers d’autres investissements sur le continent.
L’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’économie mondiale a été sans précédent par sa nature et par son ampleur. La pandémie a mis en évidence le besoin urgent de l’Afrique en meilleurs soins de santé. L’inégalité d’accès aux vaccins, ainsi que les perturbations des chaînes d’approvisionnement causées par les fermetures économiques mondiales ont souligné la dépendance excessive du continent aux importations médicales et pharmaceutiques.
Néanmoins, la pandémie a ouvert de nouvelles opportunités d’investissement, soulignant la nécessité d’accélérer les investissements dans les infrastructures sanitaires essentielles du continent afin de construire des économies plus résilientes et mieux protégées des chocs exogènes mondiaux.
Les opportunités d’investissement dans les secteurs de soins de santé et de produits pharmaceutiques figuraient parmi les secteurs qui ont été discutés lors des sessions virtuelles de l’AIF, où plusieurs transactions prêtes à l’investissement ont été organisées.
Il s’agissait notamment d’une transaction d’une valeur de 79 millions USD impliquant la construction d’un centre pharmaceutique et biomédical en Afrique de l’Ouest. Le centre comprendra une plate-forme logistique, des installations de recherche et de développement ainsi qu’une institution universitaire qui pourrait servir la région et le continent au sens large dans la fabrication de vaccins, de médicaments y compris le développement du secteur médical.
L’Organisation mondiale de la santé a récemment annoncé que le Kenya, le Sénégal, la Tunisie, l’Afrique du Sud, l’Égypte et le Nigeria seraient les premiers participants à son initiative de centre de transfert de technologie ARNm. Cette initiative ouvre la voie à la fabrication et à l’octroi de licences pour une série de produits pharmaceutiques dans ces six pays. Elle devrait susciter un vif intérêt des investisseurs pour le secteur pharmaceutique africain en plein essor.
Les promoteurs sont également à la recherche d’un investissement d’une valeur de 96 millions USD pour un projet de développement d’un centre médical d’excellence, d’une capacité de 250 lits, dans un pays de l’Afrique de l’Ouest. Ce centre fournira des soins de santé spécialisés et privés.
Bien que le renforcement des soins de santé primaires en Afrique soit au centre des investissements dans le secteur des soins de santé, une autre transaction présentée lors des salles de transactions permettra de faire face à une augmentation anticipée des taux de cancer en Afrique. En raison de la croissance démographique et du vieillissement démographique, les experts prévoient une augmentation de 70% de nouveaux cas de cancer sur le continent d’ici 2030. Le centre d’excellence sur le cancer, qui sera mis en place en Afrique australe, nécessitera un investissement d’une valeur de 140 millions USD.
Outre les investissements dans les infrastructures de soins de santé et de fabrication de produits pharmaceutiques, d’autres éléments sont nécessaires pour renforcer le système de santé africain. L’intégration économique intra-africaine est essentielle pour ouvrir de nouveaux marchés aux médicaments produits localement. Un cadre réglementaire permettant aux produits pharmaceutiques fabriqués dans un pays d’être vendus légalement dans d’autres pays est également important.
L’AIF et le Groupe de la Banque africaine de développement ont défendu deux initiatives qui stimulent l’intégration commerciale et l’harmonisation réglementaire à l’échelle du continent. Il s’agit de l’Agence médicale africaine et de la Zone de libre-échange continentale africaine.
L’Agence africaine des médicaments harmonise les exigences réglementaires pour faciliter l’accès aux médicaments. En partenariat avec son homologue l’Union européenne, l’Agence africaine des médicaments fournit un soutien aux autorités réglementaires nationales de plusieurs pays afin d’atteindre les exigences minimales de l’Organisation mondiale de la santé en matière de surveillance réglementaire efficace pour produire des vaccins locaux de qualité.
La zone de libre-échange continentale africaine devrait également faire progresser l’intégration des marchés africains et des normes relatives aux produits pharmaceutiques et autres marchandises.
Pouvez-vous nous donner une idée du volume d’investissements des différents projets retenus au sein de l’AIF depuis son lancement ?
En ce qui concerne les transactions de l’AIF, 10 transactions du portefeuille 2018 et 2019 évaluées à 3,1 milliards USD ont été conclues à la fin de l’année 2021. 6 de ces transactions sont en partie financées par la BAD, contribuant à hauteur de 225,7 millions USD. Grâce à cela, l’AIF démontre sa valeur envers ses partenaires fondateurs, et en particulier la BAD, car la plate-forme apporte de nouvelles transactions dans le portefeuille de la Banque et augmente le cofinancement des projets existants de la Banque, renforçant ainsi le positionnement de la Banque par rapport au secteur privé africain.
Les 10 transactions clôturées sont les suivantes :
• Le fonds multinational d’investissement dans les infrastructures en Afrique
• Le fonds multinational africain de garantie pour les PME
• Gabiro Agri-Business Hub Phase 1 au Rwanda
• Projet d’agro-transformation de la viande bovine en Afrique du Sud
• Nouvelle Centrale Thermique à Lomé au Togo
• Ghana COCOBOD
• Le fonds multinational Alitheia IDF
• Mécanisme multinational pour l’inclusion énergétique
• Multinationale AfriInvest IV
• Nigeria Infrastructure Credit Guarantee Company Limited (« InfraCredit »)
À la fin de 2021, le portefeuille actif de l’AIF comprenait 78 transactions évaluées à 79,4 milliards USD. Les salles de transactions virtuelles de l’AIF, qui ont eu lieu en mars 2022 ont attiré 32,8 milliards USD d’intérêts d’investissement dans 31 projets bancables. Les sessions virtuelles des salles de transactions de trois jours ont présenté 41 projets évalués à 57,7 milliards USD. Ceux-ci couvraient un éventail de projets à la fois nationaux et régionaux dans les secteurs tels que les soins de santé, l’agriculture, les TIC et les télécommunications, l’éducation, l’énergie, les médias et le divertissement, le développement urbain, les infrastructures et les transports. Plusieurs transactions organisées présentées, étaient détenues par des femmes, dirigées par des femmes et influencées par le genre.
Par secteur, l’infrastructure est la plus importante en termes de taille et de valeur. Il y a eu 4 projets liés au secteur de l’infrastructure d’une valeur totale de 23,5 milliards USD discutés lors des salles de transactions. Parmi ceux-ci, figure le projet phare de l’autoroute Abidjan-Lagos. L’énergie est le secteur le plus important en termes de nombre de transactions et le deuxième en termes de taille et de valeur. 13 projets liés à l’énergie d’une valeur totale de 18,2 milliards USD ont été présentés lors des salles de transactions. Par région, l’Afrique de l’Ouest compte la plupart des projets en termes de nombre de cas et de valeur.
Grâce à ces transactions transformatrices, l’AIF continue de démontrer sa valeur envers ses partenaires fondateurs, et en particulier la BAD, alors que la plateforme apporte de nouvelles transactions dans le portefeuille de la Banque et augmente le cofinancement des projets existants de la Banque, renforçant ainsi le positionnement de la Banque par rapport au secteur privé africain.
Nous sommes à la 48e réunion annuelle de la BAD qui coïncide avec la reprise des activités économiques. Quels messages avez-vous pour les promoteurs du secteur privé africain, les décideurs politiques et lespartenaires de développement ?
L’AIF occupe une position unique sur le continent avec sa capacité à mobiliser des financements du secteur privé pour des projets transformateurs ayant un impact significatif sur le développement. En tant qu’initiative transformationnelle, défendue par la BAD et ses principaux partenaires, l’objectif est d’accélérer les investissements sur le continent d’une manière sans précédent.
La plateforme AIF facilite l’origination, la structuration et la clôture de transactions à fort impact dans les secteurs critiques de l’Afrique. Elle facilite le financement de la préparation de projets et des services de conseil directement ou par l’intermédiaire de son réseau de conseillers. Il comprend également une plate-forme numérique permettant aux investisseurs et aux promoteurs de projets de présenter leurs intérêts d’investissement et leurs transactions respectivement.
La place de marché implique une gamme d’engagements productifs et de tables rondes avec les parties prenantes existantes et nouvelles visant à approfondir la collaboration et à diversifier la base de sponsors, d’investisseurs et de partenaires. Plus précisément, l’AIF engage diverses catégories d’investisseurs pour faciliter les efforts de jumelage avec des transactions organisées et organise des tables rondes sur l’investissement pour façonner les perceptions sur les opportunités d’investissement en Afrique.
L’AIF a mis en place des processus pour nous aider à renforcer la confiance des investisseurs. Il s’agit notamment d’un processus d’intégration, qui impliquait une communication avec les sponsors, mais vise à filtrer les transactions qui dépassent clairement les niveaux acceptables d’exposition juridique, politique et de réputation. Les transactions qui passent par cette étape sont ensuite examinées dans l’ensemble de la préparation du projet; Impact transformateur et économique, impact environnemental et social; Classement de la gestion et du KYC; et antécédents en matière d’investissement ou de gestion. La liste finale des deux processus porte sur des transactions étroitement alignées sur les niveaux mondiaux d’appétit pour le risque des investisseurs.
L’AIF est en train de changer le discours du paysage de l’investissement en Afrique en attirant des investissements privés pour accélérer la transformation du continent et, en fin de compte, soutenir la réalisation des objectifs de développement mondiaux et continentaux. La vision de l’AIF est d’être une plate-forme transactionnelle à effet de levier qui fera pencher la balance des capitaux vers les secteurs critiques de l’Afrique dans le but de réaliser l’Agenda 2063, les ODD et les High 5 de la BAD.
En tant que marché de l’investissement en Afrique, défendu par les partenaires fondateurs, l’AIF vise à accélérer la réduction des déficits d’investissement du continent. Les partenaires sont tous des institutions clés de financement du développement et des banques multilatérales de développement. Depuis la création de l’AIF, les partenaires fondateurs ont fait preuve d’un engagement ferme envers cette vision, démontrant un leadership collaboratif de la part des principales institutions de financement du développement.