Par Hassana Mbeirick, expert oil & gaz.
Derrière la transition énergétique, l’on assiste à une course effrénée des grandes puissances et des multinationales vers les métaux critiques. C’est ce que revèle le nouveau rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
En ce jour du 22 juin 2022, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a officiellement dévoilé son rapport sur l’Investissement énergétique mondial. Pour la première fois, le rapport de cette année comprend un examen détaillé des tendances d’investissement pour les minéraux et les métaux qui sont essentiels aux transitions énergétiques. Au-delà de la pertinence de la prise en compte de cette dimension, j’y trouve personnellement satisfaction car ayant inlassablement soulevé cette question dans plusieurs forums; et voilà qu’enfin elle est officiellement prise en considération dans cette perspective de course effrénée et frénétique vers la transition énergétique.
En effet, la hausse des prix des minéraux critiques provoque une réaction de l’offre ; l’investissement dans l’exploitation minière, le raffinage et la transformation apparaît comme un pilier majeur des transitions énergétiques. Les augmentations de prix de ces minéraux critiques depuis le début de 2021 – notamment pour le lithium, mais aussi pour le cobalt, le nickel, le cuivre et l’aluminium – ont été plus importantes qu’à tout moment dans les années 2010, en raison d’une combinaison d’une demande croissante et de chaînes d’approvisionnement perturbées et les inquiétudes concernant le resserrement de l’offre. Cette flambée des prix a été un facteur majeur pour inverser, au moins temporairement, la trajectoire de baisse des coûts de certaines technologies énergétiques propres. La part des coûts des matériaux cathodiques (incluant le lithium, le nickel, le cobalt et le manganèse) dans les coûts d’une batterie de VE est passée de 5 % au milieu des années 2010 à plus de 20 % aujourd’hui, à l’heure où quelque 300 nouvelles méga-usines voient le jour.
Les tensions sur les marchés sont exacerbées par les interrogations sur l’approvisionnement russe. La Russie est le premier producteur mondial de palladium (43 %), utilisé pour les pots catalytiques des voitures. C’est le plus grand producteur de nickel de classe 1 de qualité batterie, avec 20 % de l’approvisionnement mondial extrait. La Russie est le deuxième producteur mondial d’aluminium (6%), et respectivement le deuxième et le quatrième producteur de cobalt et de graphite. Contrairement aux combustibles fossiles, les prix élevés des minéraux critiques s’accompagnent d’anticipations d’une croissance rapide de la demande, ce qui contribue à étayer les plans d’investissement expansifs. Les bénéfices d’exploitation combinés de 18 grandes sociétés minières très présentes dans le développement des minéraux de la transition énergétique ont plus que doublé en 2021. Cela a contribué à soutenir une augmentation de 20 % de l’investissement global dans la production de métaux non ferreux en 2021, avec un rythme d’augmentation encore plus rapide parmi les entreprises se concentrant sur des minéraux spécifiques. Les entreprises axées sur le lithium ont augmenté leurs dépenses de 50 % pour atteindre des niveaux record.
La croissance de l’investissement devrait rester forte en 2022
De nombreux gouvernements encouragent les activités d’investissement dans le but d’assurer un approvisionnement sûr en minerais pour leurs chaînes d’approvisionnement nationales en énergie propre, tout en soutenant l’innovation et le recyclage. Il y a plus de financement gouvernemental pour les minéraux critiques dans le cadre des activités de recherche et de développement énergétiques. L’argent du capital-risque pour les véhicules électriques va de plus en plus aux conceptions de batteries et aux approches de recyclage qui cherchent à résoudre les problèmes critiques de minéraux, avec une part plus faible pour les constructeurs automobiles que par le passé. Il y a également des signes que le bassin d’investisseurs dans le secteur s’élargit, car les fabricants de véhicules et de batteries (dont Volkswagen, Tesla, CATL et LG Energy Solution) s’impliquent directement dans l’extraction et le traitement de minéraux critiques afin de protéger leurs pipelines de production. J’ai toujours soutenu l’idée que le contexte de la crise énergétique actuelle sur fond de course à la réduction des émissions de carbone aura des répercussions majeures sur l’industrie minière. Aujourd’hui, les chemins se sont croisés – fatalement – engendrant ainsi une révision des priorités d’investissements sur fond d’amplification des incertitudes. Contribution