La musique africaine a le vent en poupe et s’exporte très bien hors du continent depuis une dizaine d’années. Les nombreuses collaborations entre les artistes africains et les plus grandes stars de la musique américaine et européenne ou encore le troisième sacre de la Béninoise Angélique Kidjo aux Grammy Award, finissent de convaincre de la qualité des productions continentales. Cependant, aussi paradoxale que cela puisse paraître, l’industrie musicale africaine, spécialement celle d’Afrique Francophone, dans l’ensemble, est encore moribonde. La digitalisation de cette industrie est une piste de solutions à envisager.
La musique africaine souffre de la piraterie
Les 17 et 18 Novembre prochains, Abidjan accueillera la 1ère édition du Salon des Industries Musicales d’Afrique Francophone (SIMA). L’idée du lancement de cet événement, est d’approfondir les réflexions autour du développement industriel de la musique made in Africa et surtout de faciliter les actions en sa faveur. Il vient à point nommé, parce que l’industrie musicale du continent a des problèmes, la piraterie notamment.
Les données statistiques sur la musique africaine sont insuffisantes et cela rend difficile de dresser un bilan assez clair de sa situation. Mais une chose apparaît clairement, la piraterie des œuvres musicales gangrène le secteur et la gestion informelle est à pointer du doigt. Selon une étude de l’UNESCO, la piraterie représente plus de 50% de la musique produite sur le continent. Conséquence, l’industrie locale perd d’énormes gains financiers et voit ses illustres acteurs, les grands artistes notamment, signer avec des labels français ou anglais pour y être produits.
À l’instar de tous les pays africains ayant des industries créatives dynamiques, le Kenya souffre de cette ‘’hémorragie’’. Selon l’organisation panafricaine Partners Against Piracy (PAP), le piratage y fait perdre aux industries créatives plus de 794 millions de dollars, par an. En Côte d’Ivoire, à Abidjan, plus précisément, la consommation de la musique via les clés USB s’est définitivement ancrée dans les habitudes des populations. Des points de téléchargement illicite d’œuvre musicale sont grossièrement installés dans plusieurs endroits publics, comme les marchés.
Ces pratiques, de toute évidence, ne contribuent nullement au développement économique de l’Afrique. La digitalisation est une solution.
La digitalisation, une panacée
La digitalisation a changé radicalement les habitudes de consommation de la musique dans le monde. Avec un smartphone et une connexion, on peut écouter toutes les musiques possibles en un seul clic. Les revenus de l’industrie musicale mondiale dûs à la digitalisation représentent 46% de l’ensemble des revenus du monde. En effet, le streaming domine le marché musical international. Ce service novateur apporte une diffusion de la musique plus accessible et rapide. De plus, le coût de distribution est moindre.
Le gain financier généré par la consommation payante de musique en ligne augmente en moyenne de 39% chaque année. Spotify, le géant Suédois de streaming musical, fait figure de leader dans le secteur et revendique désormais 406 millions d’utilisateurs, dont 180 millions d’abonnés payants. Il a réalisé un chiffre d’affaires de 10,9 milliards de dollars sur l’ensemble de l’année 2021. Des entreprises comme Deezer, Apple Music ou Napster contribuent également à cette accessibilité de la musique sur Internet.
En Afrique, ce n’est que maintenant que les lignes bougent. On estime que 40% des Africains utilisent leurs téléphones pour écouter de la musique. Ceci n’est pas étonnant quand on sait que le taux de pénétration d’Internet s’améliore au fil des années. Dans un communiqué émanant des organisateurs du Salon des Industries musicales d’Afrique Francophone (SIMA), qui se tiendra les 17 et 18 novembre 2022 à Abidjan, il est mentionné qu’un rapport annuel de la fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), publié le 23 mars dernier, présente que les revenus générés en Afrique subsaharienne par l’industrie musicale ont augmenté de 9,6% en 2021. Le rapport déclare également que cette croissance a été essentiellement produite grâce à l’explosion des recettes du streaming musical dans la région.
Cependant, il reste encore beaucoup d’efforts à faire, surtout en ce qui concerne la professionnalisation et la structuration du secteur. Le SIMA, conçu et pensé par des aficionados de la musique africaine, vient apporter des pistes de solutions à cette problématique. « Nous avons, d’un côté, une industrie musicale africaine qui doit se structurer et se professionnaliser et, de l’autre côté, un écosystème local, régional et international qui a besoin de comprendre les modes de fonctionnement de cette industrie musicale africaine émergente », déclare Pit Baccardi, célèbre rappeur franco-camerounais et co-fondateur du SIMA.
Pendant cet événement, dont le thème principal porte sur les enjeux de la digitalisation de l’industrie musicale africaine, des maisons de production internationale, les distributeurs de musique, les médias sociaux, les artistes, les producteurs internationaux et africains, les professionnels du métier, le grand public et tous les secteurs du privé, seront invités à s’exprimer. « Mobile money, nouveaux modèles de streaming, régulation, nouveaux modes de consommation média, production de concert, gestion de l’image des artistes : les contenus et formats du SIMA ont été minutieusement pensés pour répondre aux enjeux de cette industrie fortement impactée par le digital », mentionne Mamby Diomande, fondateur et commissaire général du SIMA.
Les géants mondiaux du marché musical tels que Universal, Sony, Spotify ou encore Deezer se lancent à la conquête de l’Afrique, mais ceux-ci doivent désormais composer avec les acteurs locaux qui ont l’avantage d’avoir une parfaite maîtrise du terrain et des modes de consommation africains.