A quelques semaines d’une assemblée générale décisive, l’ancien président du conseil d’administration lance le bazooka
Un récent mémorandum soumis par l’ancien président et présentement membre indépendant du conseil d’administration de Shelter Afrique (SHAF), le docteur Steve Mainda, à l’ensemble des actionnaires de l’institution financière internationale dénonce une gouvernance calamiteuse.
Intitulé «Mémorandum sur la mauvaise gouvernance du conseil d’administration de Shelter Afrique», le document daté du 11 avril 2022 révèle des dysfonctionnements graves. L’ancien
président du conseil d’administration en appelle aux actionnaires pour sauver l’institution “capturée” selon lui par un groupe d’administrateurs qui l’ont mis en coupe réglée. La missive fait cas de plusieurs faits graves et violations flagrantes des normes internationales d’éthique et de gouvernance chez Shelter Afrique.
En effet, le docteur Mainda affirme que la dynamique au sein de l’institution indique clairement que son conseil d’administration a été pris en otage par un groupe composé de 6 administrateurs qui agissent en fonction de leurs intérêts personnels et non de ceux de l’institution financière ou de ses actionnaires. D’après lui, ce groupe est constitué de 3 nigérians qui votent toujours en bloc et qui sont soutenus par le président actuel du conseil d’administration ainsi que l’administrateur kenyan et malien. Il estime que c’est ce groupe qui a orchestré son limogeage du poste de président du conseil d’administration au mois de décembre 2021 ainsi que celui de l’ancien directeur-général en février 2022.
Face à cette situation chaotique et à ces guerres intestines, le Docteur Mainda demande la dissolution du conseil d’administration dans son ensemble pour neutraliser ce groupe.
- Crise qui perdure
Depuis plus d’une année, Shelter Afrique est engluée dans une crise institutionnelle qui a commencée en mars 2021 avec les complaintes d’un lanceur d’alerte qui a fait part de cas de corruptions et de violations des standards d’éthique et de conformité dans plusieurs transactions et investissements menés par l’ancien directeur-général.
Après moult hésitations et manœuvres, le conseil d’administration avait finalement lancé une enquête indépendante menée par le cabinet PKF dont le rapport a fini par adopter la décision suivante :
– Dernier avertissement écrit pour le directeur-général
– Dernier avertissement écrit et non-renouvellement du contrat du directeur financier
– Dernier avertissement écrit et non-renouvellement du contrat du chef, gestion risque d’Entreprise
– Dernier avertissement écrit et non-renouvellement du contrat du chef, audit interne
Le docteur Mainda trouve qu’il est très inhabituel voire en violation de toutes les pratiques normales que le même conseil d’administration mené par le groupe en question qui a limogé le directeur-général ait choisi le directeur financier comme directeur-général par intérim en dépit de sa mise en cause par le cabinet PKF.
Il note également que la sanction de non-renouvellement du contrat du directeur de gestion des risques d’entreprise a été levée par le même conseil d’administration et que son contrat a été renouvelé. L’administrateur indépendant estime qu’il bénéficie de la protection du groupe ayant pris en otage l’institution et ce malgré son incompétence relevée par le rapport du cabinet PKF.
Analyse de la composition du conseil d’administration
Le mémorandum fait par ailleurs état de la composition irrégulière des comités du conseil d’administration dans lesquels les membres du groupe ayant pris en otage l’institution se retrouvent au sein de 3 comités chacun favorisant ainsi les conflits d’intérêt. De même cette présence au sein de plusieurs comités devient une source de revenus supplémentaires pour les dit administrateurs à travers l’attribution de jetons de présence multiples. Ainsi ces administrateurs reçoivent 3 fois le montant des jetons de présence.
Déséquilibres régionaux et représentation des actionnaires
Il convient de noter qu’avec un actionnariat compose de 44 pays, le conseil d’administration de 11 membres tel que présentement constituée inclus :
– 2 pays (Kenya et Nigeria) ont des nationaux qui représentent près de 50% du conseil à savoir 3 nigérians et 2 kenyans (5/11)
– Plus de la moitié de administrateurs sont des personnes privées sans attaches professionnelles avec les actionnaires et donc sans responsabilités ou obligations directes vis-à-vis des actionnaires ou groupes d’actionnaires (6/11)
De tels déséquilibres dans la composition ainsi que la présence d’un nombre inhabituel de personnes privées au sein d’un conseil d’administration d’une institution financière internationale sans compte à rendre à personne sont de nature à créer les dysfonctionnements graves au sein de l’institution et de ne pas refléter ou défendre les intérêts des actionnaires.
Explosion du montant des honoraires des administrateurs
Avec la multiplication des réunions des comités du conseil et leur présence sur plusieurs de ces comités, ces administrateurs cherchent à maximiser leurs honoraires. Ainsi au lieu des 4 réunions statutaires prévus, le conseil d’administration sous l’instigation de ce groupe, le comité ARF a tenu rien qu’en 2021 plus de 22 réunions. Le résultat de cette multiplication des réunions du conseil et de ces comités a été en un dépassement budgétaire de $300,000 rien que pour l’année fiscale dernière d’après le docteur Mainda.
Implications du conseil d’administration dans la gestion opérationnelle
Le docteur Mainda dénonce également l’implication de ce groupe dans la gestion opérationnelle de l’institution. Cela a conduit d’après lui en l’attribution de financements sous leur influence à des clients qui seraient leurs amis ou associés sans déclarer leur conflit d’intérêts. Cela concerne notamment des transactions au Kenya et au Nigeria.
Face à ces disfonctionnements graves, ces entorses nombreuses et multiples aux principes d’éthique et de probité et aux standards internationaux de gouvernance, il apparait clairement que le conseil d’administration dans sa composition actuelle, a non seulement failli à ses obligations et responsabilités, mais aussi est incapable de piloter la restructuration qui s’impose au sein de l’institution pour qu’elle puisse accomplir son mandat et apporter des solutions véritables au besoin aigus en matière de logements abordables et de développement urbain.
Qui plus est, la multiplication des réunions du conseil d’administration et de ses comités ainsi que les dépassements budgétaires massifs qui en découlent et l’implication dans la gestion opérationnelle des administrateurs sont des indicateurs d’un système de gouvernance en faillite.
Finalement, les déséquilibres au sein du conseil d’administration ainsi que le manque de responsabilité et d’obligations de la majorité des administrateurs vis-à-vis des actionnaires qui ont abouti à la prise de contrôle de l’institution par un petit groupe qui l’utilise pour son profit se doivent d’être corrigés par les actionnaires à travers une restructuration profonde.
Le docteur Mainda conclu en reconnaissant qu’après mûre réflexion, il a pris conscience de ses propres manquements et du rôle qu’il a pu jouer directement ou indirectement dans la situation actuelle. C’est pourquoi il s’est adressé aux actionnaires pour attirer leur attention sur la situation catastrophique qui prévaut, afin de remettre de l’ordre dans cette institution, ô combien importante pour l’Afrique et les africains, et demande la dissolution de ce conseil d’administration.
Assemblée Générale du mois de juillet 2022 au Zimbabwe
Compte tenu des faibles performances de Shelter Afrique au court des 40 dernières années, de ses problèmes de gouvernance profonds et récurrents, des choix préjudiciables de dirigeants depuis plusieurs années et du contrôle exercé par un petit groupe d’individus qui ne sont redevables à personne, l’assemblée générale prévue à la fin de ce mois de juillet 2022 offre l’opportunité aux états membres et actionnaires de reprendre la main et de dissoudre le conseil d’administration et d’en nommer un nouveau chargé de remettre les choses à plat.
Il est de fait, une aberration, que les états actionnaires n’assument pas leurs responsabilités fiduciaires et prennent le contrôle de l’institution financière internationale à travers des représentants dument accrédités de par la loi, c’est-à-dire les autorités des ministères des finances, comme c’est le cas dans toutes les autres banques multilatérales de développement.
Ce vice de forme fondamental est peut-être le péché originel dont souffre Shelter Afrique, cette banque chargée d’un secteur hautement stratégique et dont l’Afrique a tellement besoin.
Quid du role et de la responsabilite de l’Assemblee Generale Annuelle?
Du fait de status de banque multilaterale de developpement, Shelter Afrique est une institution financiere internationale auto-régulée .
En l’abscense d’une autorité de tutelle telle que une banque centrale dotée des organes de supervision, il revient à l’Assemblee Generale Annuelle et aux actionnaires de jouer le role ultime de supervision et de prendre les mesures idoines en cas de déficiences graves telles que celles mises en exergue par le docteur Mainda, un membre prominent du conseil d’administration en tant qu’ancien président.
Il revient donc a l’Assemblee Generale et aux actionnaires de prendre leurs responsabilités. Le statut quo n’est pas tenable et serait un fardeau supplémentaire pour les africains..