Pas moins de 17 délégations gouvernementales américaines ont participé du 18 au 21 juillet 2022 à Marrakech au sommet d’affaires avec l’Afrique (US-Africa Summit) sous le signe de la relance post-Covid et de la sécurité alimentaire.
Longtemps engoncée dans son “Trumpisne” réducteur symbolisé par le slogan marteau “America Firsrt”, l’Oncle Sam revient au galop dans un continent labouré du Nord au Sud par les conglomérats de l’Empire du Milieu, le neo-otthamanisme turc et la Russie de Vladimir Poutine. Le tout dans un contexte d’augmentation de 400% des coûts du fret et de la logistique maritime, de hausse de l’inflation et de la remontée des taux d’intérêt.
La délégation américaine conduite par la directrice du Millenium Challenge Corporation (MCC) Alice Albright, fille de Madeleine Albright, l’ex secrétaire d’Etat aux Affaires Étrangères de 1997 à 2001 sous l’administration Clinton, se voulait concrète et tournée vers le business et les partenariats entre secteurs privés. “Les USA sont déterminés à approfondir et élargir leurs rapports avec les États africains”, assure-t-elle en réponse aux questions des journalistes.
Cette conférence de Marrakech qui intervient au moment même où le président Biden annonçait un sommet US-Afrique (Africa Leaders Summit), du 13 au 15 décembre prochains, marque un nouveau point de départ.
Les différentes agences venues à Marrakech en tirent en tout cas un bilan prometteur. Par exemple, Prosper Africa, l’initiative pilotée par la Maison Blanche, fait état de 800 transactions d’une valeur de 50 milliards de dollars dans 45 pays conclus depuis son lancement. “Un grand début mais nous savons que nous devons faire plus selon les directives gouvernementales”, poursuit Alice Albright.
Le fait que le Maroc, seul pays africain lié par un accord de libre-échange avec Washington et premier pays au monde à reconnaître l’indépendance des USA, abrite cette importante rencontre , n’est certainement pas le seul fait du hasard comme le souligne Lawrence Randolph, secrétaire général du Consulat américain à Casablanca. “Le Maroc peut être une plateforme pour les entreprises américaines à la recherche de partenaires africains”. Le royaume reste l’un des premiers pays africains investisseurs en Afrique. Les américains entendent accompagner l’élan du Maroc vers le reste du continent et accompagner les pays africains en général dans le développement.
Pour Dana Banks, conseillère à la Maison Blanche en charge du prochain Africa Leader Summit, “la forte délégation américaine au sommet de Marrakech reflète l’engagement de l’administration Biden-Harris à accroître le commerce bilatéral avec le continent africain”. Marrakech reflète la stratégie que cette administration a définie depuis le tout début, en termes d’engagement mutuellement bénéfique avec les partenaires sur le continent pour relever les défis régionaux et mondiaux tels que, énumère Mme Banks, “la crise actuelle de la sécurité alimentaire provoquée par l’agression de la Russie en Ukraine, en plus des crises causées par le changement climatique et l’environnement”.
Présente aussi à Marrakech, Enoh Ebong, directrice de l’Agence USTDA (US Trade and Development Agency), qui a accordé un entretien à Financial Afrik (à lire dans nos prochaines éditions) a rappelé les perspectives de l’institution par rapport aux opportunités présentées à Marrakech. Au des déclarations des uns et des autres, le maître mot du partenariat americano-africain est l’accélération de la croissance économique et inclusive. Le partenariat entre les deux parties est basé sur le dialogue, le respect et les valeurs communes, rassure Mme Ebong.
Forte de 30 ans d’existence, l’USTDA fournit des financements sous forme de subventions pour les activités de préparation de projets, telles que les études de faisabilité, l’assistance technique et les projets pilotes. “Ce sont des outils essentiels pour structurer des accords d’infrastructure qui peuvent être financés, mis en œuvre et maintenus pendant des décennies”, poursuit Mme Enoh Ebong, qui développe un portefeuille allant de la technologie idéale, l’énergie renouvelable et les infrastructures de santé . “Ces secteurs ne doivent pas être développés en silo mais dans une approche holistique”.
Notons qu’en marge de la conférence, un accord portant sur l’octroi, par l’Agence américaine pour le commerce et le développement (USTDA), d’une subvention pour la réalisation d’une étude de faisabilité pour la transformation de l’infrastructure de distribution d’électricité de Marrakech en un réseau intelligent (smart grid) a été signé entre Enoh Ebong, directrice de l’USTDA, et Nadia El Hilali, directrice de la Régie autonome de distribution d’eau et d’électricité de Marrakech (RADEEMA).
“Je dois dire que l’engagement de la Radeema et l’accent mis sur le service aux personnes étaient vraiment évidents pour nous. Et il est important pour nous tous de nous rappeler quel est le but de tout cela, qui est de servir les gens”.
En outre, à l’USTDA, poursuit Mme Enoh, “nous nous sommes engagés à aider et à fournir des systèmes de santé résilients au Nigeria et sur tout le continent. Par exemple, un meilleur accès à Internet dans toute l’Afrique du Sud pour combler la fracture numérique et la décarbonation en Afrique du Sud grâce au partenariat “Just Energy Transition”.
Pour sa part, Travis Adkins, CEO ds la fondation US-Africa Development, a mis l’accent sur l’importance de la PME dans la reprise et la croissance. Une idée partagée par Akunna Cook, assistant adjoint au département d’Etat américain en charge des Affaires Africaines. “L’Afrique doit être au centre de notre politique étrangère. Le commerce et l’investissement sont prioritaires”. Et d’ajouter: “Il n’y a aucune raison pour que l’Afrique ne cultive pas seulement sa propre nourriture et ne transforme pas sa propre nourriture ici, sur le continent”. De nombreux institutionnels américains gérant des centaines de milliards de dollars qui ont fait le voyage de Marrakech veulent investir en Afrique et voudraient pour cela un environnement favorable. L’un des impératifs au changement de perception qu’on ces investisseurs sur l’Afrique est le changement de narratif sur le continent. Les médias mettent lacent beaucoup plus sur les problèmes et les troubles politiques que le dynamisme et l’innovation d’une zone en transformation rapide.
Les relations entre l’Afrique et les USA sont sur un nouveau départ, déclare Hazeen Ashby, directrice adjointe de Exim Bank America, institution créée il er intervenant dans les infrastructures, l’énergie, la Santé et, entre autres, l’aviation à travers des prêts directs, des garanties et des produits de couverture. Là aussi, la présidente de Eximbwnk, Reta Jo Lewis, qui n’était pas du voyage, s’est, avant même les 100 premiers jours de sa prise de fonction, engagée à augmenter son portefeuille sur l’Afrique. En ce moment, l’institution présente 15 milliards de dollars d’engagements dans 45 pays.
Les retrouvailles entre les États-Unis et l’Afrique se feront cette fois-ci dans un vrai esprit de partenariat, loin des erreurs d’appréciation de naguère. C’est ce qu’on a senti en tout cas derrière le message de la vice-présidente Kamala Harris en marge de ce forum record par l’audience et les initiatives. « Depuis octobre dernier, les États-Unis ont promis plus de 7 milliards de dollars d’aide humanitaire et de sécurité alimentaire à l’Afrique, avec pour objectif de promouvoir une croissance économique inclusive et durable, développer les flux de capitaux et promouvoir l’esprit d’entreprenariat et d’innovation, à travers le continent », a-t-elle souligné en visioconférence. Attention seulement à ne pas se cantonner dans l’humanitaire.