L’Afrique toujours en quête de statistiques
Analystes financiers, experts des politiques publiques, conseillers politiques… autant de métiers nécessitant des statistiques et des données afin de prendre la meilleure décision. En effet, sans informations factuelles et tangibles, le danger est de rester au niveau des idées reçues et de s’enfermer dans une vision erronée des réalités socio-économiques. Comment appréhender les dynamiques démographiques, le pouvoir d’achat des consommateurs ou encore le taux de pauvreté sans données quantitatives et qualitatives ?
C’est bien là l’un des plus grands défis du continent africain. Sans parler de «tragédie statistique» comme cela a pu avoir lieu par le passé, il est clair que les pays africains souffrent d’une «indigence des données» pour reprendre les mots du philanthrope soudanais Mo Ibrahim. L’ampleur des révisions de certains PIB africains ou la grande difficulté à évaluer le nombre de chômeurs dans certains pays illustre amplement ce phénomène.
Si les instituts nationaux de statistiques ont vu leur autonomie, notamment budgétaire, progresser ces dernières années, cet effort doit être poursuivi. L’indépendance de l’expertise, notamment à travers son financement, est le meilleur moyen de renforcer nos capacités, notamment pour leur éviter le tiraillement entre les commandes des bailleurs de fonds et les autorités nationales.
Enfin, il faut aussi voir le problème de l’autre côté du miroir. On constate par exemple que beaucoup d’entreprises ne souhaitent pas partager leurs chiffres ou partagent des données incorrectes. Les entrepreneurs n’ont pas encore assez la culture du reporting et ne perçoivent pas toujours les bénéfices à long terme de ce partage de données. Car à la fin, il devient très difficile d’évaluer l’impact social, économique et environnemental d’une politique publique ou d’un investissement sans ces données. Pour une institution financière comme le groupe COFINA qui œuvre au quotidien pour le développement durable du continent, les données sont extrêmement importantes car non seulement elles participent de la prise de décisions stratégiques, mais également elles permettent de mesurer l’impact de nos financements sur nos cibles.
Plus que jamais, les États africains doivent considérer la production de données fiables comme une priorité stratégique et un impératif pour notre souveraineté. Au-delà de financer davantage et différemment les institutions nationales de statistiques, il est important d’expérimenter de nouveaux modèles institutionnels, tels que les partenariats entre les secteurs public et privé ou la mutualisation du savoir (« crowdsourcing ») pour recueillir des données difficiles à obtenir ou externaliser des activités de collecte de données. C’est ainsi que nous disposerons d’outils fiables pour bâtir une véritable croissance durable et inclusive.