Envoyé spécial.
Le Centre mondial pour l’adaptation climatique (CGA) entend mobiliser 25 milliards de dollars d’ici 2025 au service du financement de l’adaptation climatique en Afrique. C’est, rappelle Patrick Verkooijen, président du CGA, l’objectif du sommet africain sur le financement de l’adaptation qui a démarré ses travaux le 5 septembre 2022 à Rotterdam, aux Pays-Bas, à l’intérieur du plus grand bâtiment flottant au monde, exemple réussi de l’adaptation.
Nombre de dirigeants africains dont Macky Sall, président du Sénégal et président en exercice de l’Union Africaine, Nana Akufo-Addo, président du Ghana parlant au nom des 55 pays les plus vulnérables au monde, Félix Thisekedi, président de la République Démocratique du Congo ainsi que Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union Africaine, sont venus à Rotterdam présenter le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (AAAP), une initiative conjointe du Centre mondial sur l’adaptation et de la Banque africaine de développement.
Le paradoxe africain
Seulement responsable de 3% de la pollution mondiale comme l’a rappelé Ban Ki-moon, ancien Secrétaire Général de l’ONU, qui dira que chaque dollar investi dans l’adaptation génère un impact de 100 dollars, l’Afrique est la zone la plus vulnérable face à ces changements climatiques. Un paradoxe d’autant plus significatif que le continent peine à capter les fonds de la finance climat et les besoins du financement sont importants face aux défis du changement climatique. En effet, alors que les contributions déterminées au niveau national (CDN) de 51 pays africains montrent cumulativement un besoin d’environ 579 milliards de dollars d’investissements pour l’adaptation jusqu’en 2030, le continent n’a mobilisé que 11,4 milliards de dollars de financement d’adaptation suivi en moyenne annuelle de 2019 à 2020.
Si cette tendance devait se poursuivre jusqu’en 2030, le financement cumulé de l’adaptation serait seulement de 125,4 milliards de dollars, soit moins d’un quart des besoins estimés indiqués dans les CDN. Le déficit d’investissement dans l’adaptation en Afrique doit être comblé par une action concertée entre les groupes de parties prenantes. Pour aider les institutions financières à intégrer la résilience dans leurs investissements en Afrique, le Centre mondial sur l’adaptation climatique estime essentiel «une augmentation de l’accès à des données climatiques solides pour éclairer les décisions d’intégration ».
A noter qu’au cours des années 2019 et 2020, une moyenne annuelle de 29,5 milliards de dollars de financement climatique a été engagée en Afrique et environ 39 % de ces engagements, soit 11,4 milliards de dollars, ont ciblé des activités d’adaptation. Sur les 11,4 milliards de dollars d’engagements d’adaptation suivis de 2019 à 2020, plus de 97 % provenaient d’acteurs publics, tandis que moins de 3 % provenaient du secteur privé.
Appel à l’engagement concret
Plus de la moitié des engagements de financement de l’adaptation suivis en Afrique étaient des prêts entre 2019 et 2020 dont 30 % sous forme de dette concessionnelle et 23 % sous forme de dette commerciale. D’autre part, plus de 45 % supplémentaires des engagements de financement de l’adaptation suivis au cours de cette période étaient des subventions, les 2 % restants étant un mélange de fonds propres commerciaux et de types de financement non spécifiés.
Sortir de l’échec de Glasgow
La rencontre de Rotterdam en prélude de la COP 27 prévue en novembre prochain en Egypte, serait-elle plus concluante dans ses promesses que celle de Gasglow où le monde développé s’était engagé mais presque sans suite à ce jour ? Il faudrait certainement, dans cet élan vers la mobilisation de la finance climat, impliquer le secteur privé comme a insisté Feike Sijbesma, président honoraire du Groupe néerlandais DSM, ancien co-président de l’Assemblée de haut-niveau de la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone (CPLC) et distingué par la Banque Mondiale du titre de Global Climate Leader.
L’Afrique face aux 3 F (Adesina)
«L’Afrique fait face à trois crises : crise de la Covid, crise alimentaire et crise du fait du climat et leur réponse est en trois F: financement, financement et financement », déclare Akinwumi Adesina, président de la Banque Africaine de Développement, à l’entame de son propos. Le continent peut perdre jusqu’à 16 % de son PIB à cause du changement climatique. Quelque 9 des 10 pays les plus vulnérables faxe au changement climatique se trouvent en Afrique Subsaharienne, a précisé Adesina appelant les partenaires à s’impliquer dans le programme d’accélération AAAP mis en place par l’Union Africaine. Dans son propos, le président Macky Sall a marqué son désappointement devant l’absence des industriels, premiers responsables de la pollution, et du secteur privé en général. Revenant en profondeur sur les grandes initiatives du continent comme entre autres, la Grande muraille verte, le président Macky Sall a insisté sur l’engagement concret pour financer des projets concrets à fort impact. “Le coût de l’adaptation doit être équitablement partagé selon le principe des responsabilités communes mais différentiées”.
Abondant dans le même sens, Nana Akufo-Addo du Ghana a rappelé les conséquences économiques et sociales de la Covid-19 en Afrique. Plus de 26 millions de personnes ont basculé dans l’extrême pauvreté. À Glasgow l’année dernière, les pays développés s’étaient engagés à doubler le financement de l’adaptation. La COP de Sharm El Sheikh devrait être l’heure de vérité, a souhaité le ghanéen considérant le programme AAAP comme une vision solidaire africaine du financement de l’adaptation. Même positon affichée par le président Felix Thisekedi de la RDC qui a détaillé l’impact négatif du changement climatique dans son pays et en Afrique en général, félicitant la BAD pour le lancement de sa fenêtre dédiée à la finance verte et mettant l’action sur l’engagement de son pays à préserver la forêt.
Reste à convaincre les partenaires à joindre le geste à la parole. “L’Afrique, a rappelé le congolais, a besoin de 45 milliards de dollars par an” pour faire face à ces changements climatiques. Dans tous les cas, comme a estimé Moussa Faki Mahamat, “nous ne pourrons pas parler du “net zéro” quand 54% des africains n’ont pas accès à l’électricité”. Les leaders africains préconisent une vision conjointe de l’adaptation et du développement. Cette vision passe par un engagement concret.
“Ce qui est sûr est que le pacte de Glosgow, négocié avec beaucoup de dextérité, a échoué “, conclue Amina Mohammed, secrétaire général adjoint de l’ONU, appelant à un sursaut lors de la COP 27. Présente à Rotterdam, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, qui endosse le programme AAAP, a rappelé aux uns et aux autres que le besoin porte, au delà du financement, sur une société inclusive et résiliente.