« Nous voulons une confédération plus dynamique, plus forte et plus inclusive »
Elu nouveau président de la Confédération Patronale Gabonaise (CPG) en août 2022, Henri-Claude OYIMA, par ailleurs président du Groupe BGFIBank, veut rapidement insuffler de la dynamique et passer d’une confédération patronale à une fédération des entreprises plus inclusive. Entretien.
Propos recueillis par Adama Wade
Vous êtes le nouveau patron de la Confédération Patronale Gabonaise (CPG). Que comptez-vous apporter en termes de réformes et d’innovations ?
Au préalable, permettez-moi de vous remercier de l’opportunité que m’offre présentement votre tribune pour parler de la Confédération Patronale Gabonaise (CPG), à la suite de mon élection à la tête de cette institution.
En tant qu’organisation des entreprises, nous souhaitons d’abord donner de la clarté, de la conviction, de la concentration et de la cohérence à notre structure, ce qui rendra notre discours plus audible pour y faire adhérer l’ensemble des entreprises du Gabon, au travers des différentes fédérations métiers. Comme je l’ai dit lors de mon premier discours en tant que président de la CPG, le 9 août 2022, je souhaiterai que tous les syndicats, les entreprises et les organisations d’entreprises rejoignent notre confédération. Je suis donc heureux de vous annoncer qu’au lendemain de cette déclaration, beaucoup de syndicats ont rejoint la CPG. Ces adhésions massives traduisent ainsi notre volonté d’une confédération plus dynamique, plus forte et plus inclusive.
Notre ambition est aussi d’œuvrer pour le renforcement de la dynamique entrepreneuriale dans notre environnement socio-économique.
Parmi nos premières réformes, il y a la refonte des statuts et du règlement intérieur de la CPG ainsi que la mise en place d’un code d’éthique et de déontologie. Notre agenda prévoit également l’amélioration des structures de gouvernance de la confédération avec un bureau exécutif constitué d’un président et de huit (8) vice-présidents désignés sans ordre protocolaire, étant entendu que chaque vice-président sera autonome et responsable de son domaine de compétence. Le nouveau conseil d’administration quant à lui sera composé au maximum de quinze (15) membres responsables chacun d’une fédération d’entreprises.
Là aussi, nous avons pensé à assouplir le fonctionnement de la structure en instituant douze (12) commissions, dont onze (11) permanentes en charge respectivement du juridique et de la fiscalité, de la transformation du marché du travail et de l’emploi, de la gouvernance des entreprises, de l’éthique et de la déontologie des affaires, de l’Economie et Compétitivité, de la transition écologique, de l’éducation, formation et compétences, de la santé et développement des mécanismes de protection sociale, des relations internationales, du développement des PME-PMI et sous-traitants, et de la création d’entreprises. La 12ème commission quant à elle est un organe ad hoc, appelé à procéder la révision de l’ensemble des textes organiques de la CPG.
Ces commissions constitueront en réalité des laboratoires opérationnels qui devront suivre et évaluer les activités.
Telles sont globalement les principales réformes que nous entendons mener pour donner de la crédibilité et redonner de la confiance à notre organisation.
Donc, vous vous présentez en président rassembleur ?
Je vous le confirme, Président rassembleur, c’est le devoir qui m’habitera durant l’exercice du mandat qui m’a été confié par consensus. En effet, c’est à la suite des difficultés rencontrées par la CPG que les entreprises ont, de manière consensuelle, convenu de me solliciter pour les accompagner.
J’en mesure donc la responsabilité et les attentes qui m’obligent à fédérer l’ensemble des acteurs autour de nos objectifs communs en termes d’assainissement de notre environnement des affaires et de contribution au développement socio-économique de notre pays.
Quelles sont vos principales doléances vis-à-vis de l’Etat gabonais ?
Nous ne parlerons pas de doléances, mais plutôt de problèmes que rencontrent les entreprises dans leur démarche de création de la richesse. Fort de cela, la CPG voit donc l’Etat gabonais comme un partenaire essentiel.
Parmi les principales problématiques que nous relevons, il y a d’abord le traitement discriminatoire de la dette. Le règlement de la dette intérieure ne devrait pas souffrir au détriment de la dette extérieure.
Ensuite, nous souhaitons plus de flexibilité du code du travail pour favoriser la dynamisation du marché du travail, donc des embauches.
Nous voulons mettre l’accent sur l’adéquation formation-emploi pour renforcer la productivité des entreprises.
Nous souhaitons aussi insérer le secteur informel afin d’élargir l’assiette fiscale.
Nous voulons régler la problématique de l’iniquité fiscale pour un traitement de l’ensemble des opérateurs sur le même pied d’égalité.
En outre, nous voulons régler la problématique de l’inclusion financière afin de privilégier de manière systématique les acteurs financiers locaux tout en réformant le secteur financier local à l’effet de garantir les financements innovants de l’économie gabonaise. Cela parce que nous avons remarqué que l’Etat et les opérateurs économiques ont souvent tendance à solliciter des financements extérieurs là où les acteurs financiers locaux sont capables de subvenir à ces besoins.
L’accent sera aussi mis sur la compétitivité et la gouvernance des entreprises, en veillant à la conformité et à la régularité du fonctionnement des structures de prévoyance sociale (la Caisse Nationale de Sécurité Sociale et la Caisse d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale), institutions où les entreprises, premières pourvoyeuses, devraient avoir un regard appuyé sur la gouvernance.
Un autre aspect de notre action porte sur la protection juridique des entreprises, point essentiel pour attirer et garantir les investissements : nous souhaitons la promotion des champions nationaux tous secteurs confondus.
Quand vous parlez des réformes du code du travail, vous appelez à plus de souplesse dans les contrats ?
La souplesse à notre sens concerne l’ensemble du dispositif : les conditions d’embauche, les types de contrats de travail, les modalités de fin de la relation contractuelle, etc.…
En effet, l’on a souvent pensé protéger l’employé en faisant peser sur l’employeur des conditions rigides et contraignantes.
Cette conception de la relation employeur-employé n’est pas très optimale en réalité car, avec un code de travail rigide, les entreprises sont réticentes à embaucher, tandis qu’un code de travail flexible favorise l’embauche.
L’objectif principal sur ce point consiste à motiver les entreprises à embaucher massivement pour booster leur productivité, or aucun employeur n’aurait une telle motivation avec des conditions d’embauche et de séparation rigides et contraignantes, qui pèsent sur lui comme ‟une épée de Damoclès”.
En tout état de cause, les nombreux pays qui ont mené des réformes dans ce sens ont pu faire repartir l’embauche assez rapidement et résorber plus aisément la problématique du chômage surtout chez les jeunes.
Vous avez évoqué tantôt la problématique des arriérés de la dette extérieure. A combien s’élèvent-ils aujourd’hui ?
Justement, nous ne connaissons pas avec exactitude le montant de ces arriérés de la dette intérieure. Nous allons nous approcher du ministère de l’Economie et de la Relance pour évaluer le montant et mettre en place des mécanismes de remboursement. Certes, il y a eu des audits et une task force dédiée, mais les entreprises n’ont pas, précisément à ce jour, le calendrier de règlement de ces dettes.
C’est donc un sujet que nous entendons évoquer prioritairement avec le gouvernement, car en réglant ce problème majeur, la confiance entre l’Etat et les entreprises sera recréer, ce qui favorisera plus d’investissements de la part des entreprises et de croissance post-covid, nécessaires à la promotion indispensable de la relance économique du pays.
Vous mettez aussi l’accent sur les champions nationaux. Doit-on étendre la définition aux entreprises de la CEMAC ?
Nous parlons d’abord des champions nationaux. Il faut d’abord être fort, dynamique et donc champion chez soi avant de s’imposer dans la région et au-delà, au niveau continental et mondial…
Dans cette configuration, l’Etat a un rôle de protecteur et de garant de l’application du droit et de la protection juridique de l’entreprise : l’exécutif définit et garantit les orientations stratégiques.
Nous ne parlons donc pas de protéger les patrons mais de protéger les entreprises en tant que personnes morales. La CPG concerne toutes les parties prenantes de l’entreprise, notamment les actionnaires, les dirigeants, les salariés et l’Etat. La réussite de l’entreprise garantit les salaires, les dividendes, les impôts, etc…. Pour nous, les syndicats ont un rôle à jouer en défendant l’entreprise car ils ont les mêmes intérêts que les dirigeants des entreprises.
Voilà le nouveau langage que nous voulons adresser à tous les partenaires du dialogue social. C’est d’ailleurs en cela que nous envisageons de faire évoluer la dénomination de notre organisation, en passant de la Confédération Patronale Gabonaise (qui évoque souvent une association des seuls patrons) à la Fédération des Entreprises du Gabon, faisant ainsi ressortir une prise en compte intégrée de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.
Monsieur le Président, y aura-t-il des actions pour inciter vos membres à solliciter la Bourse (BVMAC) dont vous êtes l’un des acteurs ?
En effet, la Bourse est souvent considérée comme quelque chose de compliqué par les entreprises. Le fait d’être ensemble et d’avoir créé une vice-présidence en charge de l’inclusion financière va permettre de renforcer l’éducation et la formation des acteurs en promouvant le financement des entreprises suivant les mécanismes de financements innovants.
Au-delà des financements classiques, nous allons montrer à nos membres que l’on peut aller en Bourse par le compartiment actions ou le compartiment obligataires.
Comme vous le savez, les chefs d’Etat de la zone CEMAC ont pris un acte additionnel stipulant que chaque Etat côte quatre (4) entreprises au minimum à la BVMAC. C’est un élan important et nous allons en tant que CPG considérer toutes ces opportunités nouvelles au bénéfice de nos adhérents.
Monsieur le président, un mot sur BGFIBank. Quelles sont vos perspectives 2022 -2023 ?
Le Groupe BGFIBank a démarré en 2021 son nouveau Projet d’Entreprise «Dynamique 2025», axé autour de cinq (5) piliers stratégiques : le renforcement de la gouvernance, la transformation du capital humain, la garantie des ressources, la maîtrise des risques et le développement du Groupe.
Les ambitions de ce projet quinquennal sont de converger vers la trajectoire financière de dépasser un total de bilan de 5.000 milliards de FCFA à l’horizon 2025 en confortant notre statut de leader dans nos différents métiers : la Banque Commerciale, la Banque de Financement des Entreprises, la Banque Privée et la Gestion d’Actifs ainsi que les Services Financiers Spécialisés et l’Assurance.
Nous confirmons que le développement du Groupe BGFIBank continuera de s’appuyer sur son idéal, la recherche perpétuelle de l’excellence au service du financement des économies africaines. Pour ce faire, nous allons renforcer et consolider notre leadership et notre ancrage en zone CEEAC tout en renforçant nos investissements en zone CEDEAO, avec un regard bienveillant aux pays anglophones.