Il détient la seule fonderie de lingot d’or au Mali. Formé à Hongkong, Ismael Siby est le promoteur de la raffinerie d’or Marena Gold, société à capitaux 100% maliens. Entretien exclusif.
Interview réalisée par Rodrigue Fénelon Massala
Comment se portent la société Marena Golde et le secteur de l’or au Mali ?
Je voudrais tout d’abord vous remercier en premier lieu pour cette opportunité que vous m’offrez de m’exprimer pour la toute première fois dans les colonnes de Financial Afrik, un journal de référence régionale et panafricaine. Votre foi en l’intégration régionale et continentale doit être saluée et encouragée à sa juste valeur.
Ensuite, pour répondre à votre préoccupation, il sied de vous faire remarquer que Marena Gold est une entreprise relativement jeune, existant depuis une décennie, mais qui porte de grandes ambitions, tant sur le plan local que sur le plan l’international. En dépit des péripéties qui ont jalonné notre développement – je veux nommer la crise que traverse notre pays, les sanctions internationales contre le Mali qui limitent notre champ d’action et de prospection, sans oublier l’insécurité galopante liée au terrorisme qui n’encourage pas certains partenariats, entrainant en conséquence, un manque à gagner relativement important –, nous avons pu tirer notre épingle du jeu, en ressortant parmi les entreprises maliennes les plus résilientes et les plus dynamiques, grâce notamment à la qualité de notre capital humain, qui repose sur une intelligence collective éprouvée, mais aussi à la faveur de nos choix lucides et bien orientés, découlant de nos expériences dans le secteur de l’or et des métaux précieux.
Nous pouvons aujourd’hui affirmer sans ambages que Marena Gold s’inscrit dans une dynamique de profitabilité en sa qualité d’unique raffinerie aurifère opérationnelle au Mali, avec des installations de qualité, à la hauteur de nos ambitions, nous sommes aujourd’hui en mesure d’assurer de larges capacités de production.
Enfin pour terminer sur cet aspect de votre question, il faut retenir qu’en dix ans d’existence, dont sept années de plein exercice, Marena Gold a une moyenne (en volume) de production annuelle d’environ 6.000 kg d’or raffiné, pour une capacité de 28 tonnes annuelle. Ces performances fort appréciables expliquent la confiance de nos partenaires locaux et internationaux, convaincus par la qualité de notre produit, aux normes mondiales les plus élevées, et traduisent la résilience de notre modèle économique qui veut permettre au Mali de pouvoir transformer sur place son or en produit fini. Elles donnent par ailleurs un sens aux perspectives d’affaires intéressantes qui s’offrent à notre entreprise, notamment dans l’industrie minière sous régionale.
On dit de vous, Ismaël Siby, que vous êtes le Malien qui tient tête aux multinationales dans le secteur de l’or dans votre pays. Que répondez-vous ?
D’abord je voudrais souligner que le Mali, du haut de son million de km² de superficie, est immensément riche en minerais visibles par ailleurs sur toute l’étendue du territoire. A ce titre, le pays constitue un terreau fertile propice au développement des affaires et aiguise naturellement les appétits d’investisseurs internationaux qui sont les bienvenus. Je rappelle que le Mali est à la croisée des chemins menant à son émergence économique et se doit de s’ouvrir aux capitaux étrangers qui, à travers leurs investissements directs, nous assurent un transfert de technologie qui favorise un rattrapage de nos économies en matière de développement, mais aussi encouragent une concurrence saine sur le marché intérieur au profit exclusif de nos populations.
Par ailleurs, ce serait présomptueux de ma part de croire pouvoir tenir tête aux multinationales intervenant dans le secteur minier au Mali. Non, ce n’est pas mon ambition. Pour avoir été formé et servi pendant plus de 20 ans en Asie du sud-est en l’occurrence à Hongkong, je ne peux remettre en cause le bienfait du libre arbitre du marché qui est l’essence même de l’éclosion des talents, et donc de l’innovation et la concurrence au profit du développement économique.
En somme, les multinationales ont tout à fait leur place dans nos pays, tant qu’elles respectent les règles encadrant leur intervention dans notre espace.
Quant à nous à Maréna Gold, notre modèle c’est la production et la transformation à travers in fine la création de la valeur ajoutée au profit de nos concitoyens. Et nous escomptons qu’à terme, nos gouvernants s’inspireront des modèles obligeant les multinationales à transformer une partie de leur production avant l’exportation c’est ce que nous demandons.
En somme, il ne faut pas en déduire que Marena Gold est en conflit latent avec les multinationales qui opèrent dans le secteur extractif au mali. Il n’en est rien.
Voici pratiquement 10 ans que vous évoluez dans le secteur de l’exploitation de l’or. Pouvez-vous nous relater brièvement les différentes étapes qui vous ont conduit à monter une raffinerie d’or au Mali ?
En fait, mon expérience dans le domaine à la fois de l’exploitation et de la commercialisation est antérieure à la création et l’installation de Marena Gold au Mali. En effet, durant mes années en Asie, j’ai fait la rencontre d’investisseurs voulant développer des activités en Afrique.
J’ai ainsi eu le privilège de les accompagner à travers leurs activités de prospection et d’implantation sur le continent, et j’ai eu l’occasion de jauger l’immense potentiel du continent africain dans le secteur de l’économie extractive en général et aurifère en particulier.
Ce constat a suscité mon intéressement à ce secteur d’activités, et naturellement mon choix d’investissement s’est porté sur le Mali, mon pays, qui offrait à mon sens de meilleurs gages de profitabilité puisque l’environnement des affaires n’était pas un inconnu pour nous, aussi parce qu’elle regorge d’un potentiel aurifère que seul le Ghana pouvait challenger dans la sous-région.
Dès cette prise de conscience du potentiel de mon pays, dans un secteur que je maitrisais déjà, et à l’image de nos concitoyens issus de la diaspora, j’ai commencé à organiser mon retour au pays, avec une idée précise du business modèle et des mécanismes à mettre en place pour assurer le lancement et la pérennité de Merena Gold, etc.
2 milliards de francs CFA, c’est ce que vous avez investi pour créer Marena Gold Mali, la première raffinerie d’or d’un pays qui est le 3e producteur continental de ce métal précieux. Quelle stratégie managériale développez-vous au regard de la capacité de production en vue de vous positionner sur le marché pour les perspectives futures ?
Comme rappelé précédemment, Ismael Siby est la face visible de l’Iceberg en sa qualité de fondateur et directeur général de Maréna Gold. Il est vrai nous nous impliquons beaucoup sur la qualité du travail qui est rendu, compte tenu de la jeunesse de Maréna Gold et des fortes ambitions qu’elle porte en bandoulière. En cela, nous définissons la stratégie et l’orientation que nous souhaitons donner à l’activité. Nous nous appuyons par ailleurs sur l’expertise et le dévouement d’une équipe jeune et dynamique, mais surtout pluridisciplinaire, au fait des enjeux liés au secteur aurifère. Nos équipes sont mobilisées en permanence pour offrir un service de qualité au bénéfice de nos clients.
Bien entendu, nous continuerons à les accompagner à travers des formations de mise à niveau et de montée en compétence dans cette idée de mieux assurer notre résilience face aux défis.
La société a-t-elle dans son conseil d’administration des partenaires extérieurs ou est-elle juste constituée de capitaux maliens à 100% ?
Oui, nous sommes une société de droit malien, avec un conseil d’administration. L’actionnariat est exclusivement constitué de capitaux maliens.
Comment vous vous approvisionnez en métaux précieux ? Avez-vous une mine en exploitation industrielle ou alors vous travaillez avec les différentes coopératives qui exploitent les gisements artisanaux ?
Nous avons constitué un réseau de collecte d’or constitué des coopératives d’orpailleurs opérant dans diverses mines en local. Nous avons ensuite mis en place un centre de collecte où ces orpailleurs qui n’ont pas accès au marché international, nous cèdent leur or brut que nous raffinons et revendons par la suite sur le marché international. Ceci étant, avec la convention que nous venons de signer avec la Direction nationale de la géologie et des mines (DNGM) sous la direction du ministère des Mines, de l’Energie et de l’Eau, nous avons conçu un programme ambitieux d’expansion des petites mines à travers le Mali dont l’exécution est en cours. Et nous tablons sur la création effective de trois (3) mines par an. Dans ce programme, un investissement est consacré à la professionnalisation du secteur artisanal, avec la formation continue, etc.
Vous vendez environ plus de 2 tonnes d’or pur chaque année, vous êtes le plus grand raffineur d’or en Afrique de l’ouest. A ce titre, vous avez reçu plusieurs prix et distinctions pour votre engagement panafricain à la valorisation, et à la promotion du développement de l’or du Mali. Quel sentiment vous anime aujourd’hui quand vous voyez le chemin parcouru pour en arriver là ?
Nous rendons grâce à Allah de nous avoir orienté sur cette opportunité d’affaires qu’est l’or. Tout en remerciant aussi tous ceux – ils sont nombreux, y compris dans l’administration nationale – qui nous ont assisté durant toutes ces années pour arriver à ce niveau de développement apprécié par tous.
Vous êtes un acteur connu du secteur aurifère. L’on ne saurait poursuivre cette interview sans vous poser la question sur l’épineuse question de l’arnaque et de l’escroquerie dans le secteur de l’or dans la sous-région où le Mali est aussi présenté comme une plateforme. En tant qu’acteur, quelle stratégie mettez-vous en place pour combattre cette gangrène qui ternit l’image du secteur de l’or ?
C’est là tout le sens de notre approche depuis notre arrivée dans le secteur: aider l’Etat malien à conduire des reformes structurantes sur la chaîne de valeur aurifère et minière de manière générale. Car c’est de cela qu’il s’agit : de l’exploitation à l’exportation, l’absence d’une régulation optimale du secteur est constatable et constitue des pertes fiscales pour nos économies. Effectivement on peut parler d’existence d’arnaque voire de l’escroquerie dans le secteur. En revanche, il y a aussi hélas, des acheteurs non avertis qui ont tendance à croire que l’or peut être marchandé comme un produit manufacturier. Et ceux-là, en voulant obtenir des prix largement en deçà des cours mondiaux auprès de certains intervenant non professionnels pour ne pas dire douteux, se font très souvent avoir. Voilà toute l’histoire.
Et c’est là que Marena Gold intervient, en offrant un guichet unique aux acheteurs pour sécuriser les transactions avec le sceau de Marena Gold -dont la bonne réputation tant sur le plan national qu’international ne souffre d’aucune contestation possible. En garantissant l’exportation de leur or jusqu’à destination finale en partenariat avec des sociétés de renommée dans le secteur du logistique international comme Brinks ; Temis ou Ferrari. Par conséquent, nous invitons plutôt les acheteurs à davantage de vigilance en procédant toujours aux vérifications nécessaires y compris au auprès de nos autorités compétentes ; au préalable…
En guise de conclusion, quel message avez-vous à lancer aux professionnels du secteur de l’or et aux investisseurs étrangers ?
Mon mot de la fin sera un appel à la paix et à la reconstruction du Mali qui seront notre gage pour garantir un climat des affaires propice et une réorientation des investissements directs étrangers dans nos économies, ce qui pourra booster notre niveau d’industrialisation. Ces derniers devront bien entendu, concernant le secteur minier et celui de l’or en particulier, constituer de véritables leviers de développement en assurant une création de richesse au bénéfice du Mali et des maliens.
Nous appelons par ailleurs les acteurs locaux à mutualiser leur force en investissant ensemble pour créer un vrai secteur minier local avec davantage de professionnalisation pour une économie nationale prospère.