«Le monde entier avait prophétisé que l’Afrique allait être la victime du Covid. Ce fut finalement le continent le moins éprouvé». C’est par ces mots, en réponse à la question «où va l’Afrique? »que l’ancien premier ministre béninois Lionel Zinsou, ancien patron du fonds PAI Partners et co-fondateur de Southbridge Bank, a ouvert le 17 septembre 2022, le débat économique en marge de la célébration des dix ans de L’Economiste du Bénin, un journal parti du pays éponyme et aujourd’hui présent au Togo, au Niger et, entre autres, au Burkina Faso avec, insiste le fondateur, Léonard Dossou, “des ambitions panafricaines”.
D’emblée, Lionel Zinsou met à nu l’échec des prévisions pessimistes qui ont fleuri jusqu’au sein des institutions spécialisées (OMS) et financières les plus prestigieuses (Banque Mondiale, FMI) sur l’apocalypse africaine.
«Au final, les conséquences ont été beaucoup plus limitées que la prophétie» déclare le conférencier louant la réactivité rapide des gouvernements africains qui ont travaillé en étroite concertation. Aussi, ni le Bénin, hôte de la célébration des dix ans de l’Economiste, encore moins l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) n’est pas entré en récession. La raison ?
La résilience et l’ingéniosité africaine qui ont permis au monde d’aboutir à l’instrument des émissions budgétaires de 650 milliards de dollars à travers les droits de tirage spéciaux (DTS). Cet espace supplémentaire pour les budgets qui n’est pas de la dette a été âprement négocié au niveau du G20. Dans ces DTS, l’Afrique avait son quota de 33 milliards de dollars avec une extension possible à 100 milliards à travers le principe d’une reallocation des parts des pays n’ayant pas besoin de ces liquidités, soit 3% du PIB. «Aujourd’hui, précise le conférencier, nous sommes à 90 milliards de dollars d’engagements envers l’Afrique».
Par la suite, l’Union Africaine a mis en place un mécanisme d’achat d’équipements anti -Covid-19 et de vaccins avec le soutien d’une facilité de Afreximbank. À la pandémie s’est ajoutée le bouleversement géopolitique en Europe de l’Est.
La crise ukrainienne a montré que le continent ne peut pas dépendre de l’extérieur sur un certain nombre de denrées de base. L’envolée des cours du pétrole accélère la transition énergétique.
Grand hic cependant du renouvelable en Afrique aux yeux de Lionel Zinsou, la lenteur dans les montages financiers des projets solaires et renouvelables. Ce volet s’étale sur quatre ans alors que le déploiement technique se fait en 6 mois. Ces lenteurs réduisent l’avantage comparatif des prix relatifs des énergies renouvelables comparés aux importations des hydrocarbures.
Pour sûr, la hausse actuelle des prix de l’Energie est une aubaine pour les pays africains exportateurs nets de pétrole. Mais là aussi, il faut le dire, l’avantage brut est rogné par la faible capacité de raffinage des pays africains confrontés aux problèmes de financement des raffineries.
Le sous financement de l’économie
En fait, ajoutera Lionel Zinsou, les pays africains mr sont pas surendettés mais sont sous financés. Et de prendre l’exemple de son pays d’origine, hôte de la rencontre. «Le Bénin n’est pas surendetté en termes de dettes publiques. Quand on a une dette publique équivalent à 50% de PIB à des taux concessionnels sur des durées longues, on est sous endetté ». Depuis 2016, Cotonou est passée d’une dette en Franc CFA exigible en un an sur le marché financier de l’UEMOA à des horizons beaucoup plus long. L’exemple le plus parlant est l’eurobond à vocation sociale et environnementale émis en juillet 2021 avec une tranche à dix ans et une à trente ans. “Il s’est bien passé quelque chose entre un passif exigible à 10 ans et un à 30 ans. C’est une révolution financière”.
Bref, le vrai problème de l’Afrique réside dans le sous financement de l’économie. Les concours à l’économie du secteur bancaire et de la microfinance envers le secteur privé (qui représente 80% de la production des richesses ) et les ménages n’excède pas 37% du PIB en zone de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) contre 150% du PIB dans l’Union Européenne et plus de 200% aux Pays-Bas. “En Afrique, il y a trois pays convenablement financés au niveau du secteur privé. Le Maroc avec avec 110% du PIB, l’Egypte et l’Afrique du Sud pour 90% du PIB ont des niveaux de financement compatibles avec les besoins de base”, estime l’ancien premier ministre.
Partout dans le monde sauf en Afrique subsaharienne, le premier poste d’emploi des ressources des banques est le crédit logement aux ménages. Seule une pellicule de 2% des ménages en bénéficie en Afrique Subsaharienne. Le deuxième poste des banques est le financement du fonds de roulement des entreprises, inexistant chez nous. Le troisième poste est le financement de l’investissement des entreprises également inexistant chez nous. Ne pouvant compter ni sur le financement bancaire ni sur la dynamique des marchés financiers comme aux USA, l’économie africaine reste sous-financée et devra puiser dans les dynamiques de convergence et d’intégration pour doper la mobilisation de l’immense potentiel de l’épargne intérieure africaine en s’inspirant des systèmes anglo-saxons de fonds de pension dont les mastodontes ivoiriennes, la Caisse Nationale de la Prévoyance Sociale (CNPS) et l’ Institution de Prévoyance Sociale-Caisse Générale de Retraite des Agents de l’Etat (IPS-CGRAE) constituent les formes les plus abouties en zone francophone.