La 8ème édition du forum « Makutano » est prévue du 24 au 25 octobre 2022 à Mbuji-Mayi et Kinshasa sur le thème : « Infiniment territoires». En prélude de cet événement, Financial Afrik a rencontré Nicole Sulu, l’initiatrice du forum, et sans conteste, l’une des femmes les plus influentes en Afrique par la puissance du réseau.
Présentez-nous le Makutano
Nicole Sulu : Makutano veut dire « rencontre » en swahili, qui est l’une des quatre langues nationales de la République Démocratique du Congo (RDC). C’est l’un des principaux réseaux d’affaires congolais et panafricain, mais aussi un Think Tank qui se propose de contribuer à la montée en puissance des économies nationales et continentales, via la réappropriation de leurs économies respectives par les Africains notamment. Le réseau est né en 2014 d’un constat sans équivoque : les interactions limitées entre les différents acteurs de l’écosystème économique local sclérosaient le potentiel de croissance exceptionnel de la RD Congo. Il fallait que les gens se rencontrent dans un cadre nouveau, dépoussiéré des postures d’un autre âge. Il leur fallait identifier leurs expertises mutuelles, et faire du business en confiance. Le forum annuel du Makutano constitue aujourd’hui l’un des rendez-vous économiques incontournables de la sous-région et, très certainement, du continent. Chefs d’État, CEO, investisseurs et décideurs publics de premier plan, médias et influenceurs africains et internationaux y associent leur nom et surtout… y reviennent !
Après sept éditions, quel bilan faites-vous du Makutano ?
De l’avis du nombre de décideurs privés ou publics qui nous sont fidèles, ou de ceux qui viennent de nous rejoindre, l’expérience Makutano est unique en Afrique. La promesse d’offrir un espace de dialogue rénové, basé sur le franc-parler entre décideurs du secteur privé africain et acteurs extracontinentaux ou avec le décideur public africain a été vraiment tenue depuis le départ. C’est ce qui fait la force du projet.
Mais Makutano est avant tout un réseau d’affaires qui a permis la création de partenariats dans tous les secteurs de l’activité économique. C’est aujourd’hui plus de 500 membres actifs en République Démocratique du Congo ou à l’international, un Forum annuel, un Institut Makutano et des rencontres dédiées aux femmes et aux jeunes entrepreneurs, « Level Up ».
Que nous réserve la huitième édition ?
Déjà, un format différent : nous serons à Kinshasa comme à l’accoutumée, puis, par avion spécial, à Mbuji-Mayi, au centre du pays, dans la province du Kasaï Oriental, pour la 2ème journée du forum. Mbuji-Mayi est le cœur économique de l’espace géographique du Grand Kasaï et la capitale politique de la Province du Kasaï Oriental. C’est la deuxième ville du pays avec 4 millions d’habitants et l’une des zones pilotes du Plan national de développement de la RDC, dit des « 145 territoires ».
Comme à chaque édition, nous attendons des intervenants de qualité : S.E. Jean-Michel Sama Lukonde, Premier ministre de la RDC, S.E. Nicolas Kazadi, ministre des Finances, ainsi que d’autres membres du gouvernement, plusieurs invités du continent tels que Gagan Gupta, patron d’Arise, Ayuk NJ, fondateur du cabinet juridique panafricain Centurion Law Group, Maria do Carmo Trovoada, Première ministre honoraire et gouverneure de la Banque centrale de Sao Tome-et-Principe, Samba Bathily, CEO d’ADS Group ou encore Kristine Ngiriye, de la Fondation Entreprenarium Dakar, René Awambeng, Global Head/Client relations de Afreximbank, Henri Claude Oyima, président directeur général du groupe BGFIbank et président de la CPG, S.E. Jean-Marc Châtaigner, ambassadeur, chef de la Délégation de l’Union européenne, S.E. Bruno Aubert, ambassadeur de France en RDC, Jean-Yves Le Gall, président du conseil d’orientation stratégique de l’Université Paris-Saclay, H.E. Gabriel Mbaga Obiang Lima, ministre des Mines et des Hydrocarbures de la Guinée Equatoriale, Firoz Ladak, directeur général de la Fondation Edmond de Rothschild, Rosine Sori-Coulibaly, ancienne ministre des Affaires étrangères et ancienne ministre de l’Economie, des Finances et du Développement du Burkina Faso, pour ne citer qu’eux.
Nous attendons également Maram Kaire, astrophysicien, directeur de AfricaSpace, premier Sénégalais dont le nom est attribué à un astéroïde du Système Solaire, et Martin Bakole, boxeur poids lourd congolais, qui figure désormais dans le top 10 des poids lourds mondiaux de toutes les fédérations.
Enfin, cette édition réservera une place particulière à la culture et notamment aux écrivains congolais. Le Makutano soutient les artistes nationaux et promeut la création d’un marché de l’art congolais depuis plusieurs éditons.
Le Makutano 8 est placé sous le thème « Infiniment Territoires ». Pourquoi ce choix ?
Effectivement, plusieurs centaines d’investisseurs de calibre national ou international sont invités à une journée d’échanges autour de la thématique avec le décideur public à Kinshasa le 24 octobre puis sur le terrain, à Mbuji-Mayi, le 25. L’objectif est de concevoir avec les autorités et les entrepreneurs locaux une chaîne production-acheminement-transformation ou production-transformation-acheminement visant à garantir la sécurité alimentaire à courte échéance. Les secteurs de l’ago-industrie, de l’énergie, de l’iindustrie aérospaciale (satellite), infrastructures portuaires, transport, stockage, supply chain, HORECA… etc.
La RDC a officiellement lancé, le 19 mars, un vaste programme autour des 145 territoires que compte le pays, programme auquel le gouvernement et ses partenaires prévoient d’allouer 1,6 milliard de dollars.
A l’heure où une crise économique mondiale risque de fragiliser violemment l’essor des pays émergents, il est plus qu’urgent de garantir l’indépendance alimentaire des peuples africains.
Quelle est votre appréciation du climat des affaires en RDC ?
C’est un sujet qui nous intéresse énormément au Makutano – et nous en parlons sans tabou. Le réseau était d’ailleurs partenaire de la première édition de la conférence Risque pays-RDC initiée par le ministère des Finances dans l’objectif de permettre aux opérateurs techniques et financiers d’avoir accès aux informations nécessaires à la prise de décisions d’investissements dans le pays. Les observateurs internationaux notent une amélioration sensible du climat des affaires en RDC. C’est positif ! Mais de nombreux défis perdurent, sécuritaires notamment, mais comme j’aime le dire, nous n’allons pas nous limiter à ces constats et baisser les bras. Il y a du chemin à faire : des infrastructures durables à mettre en place, un cadre légal à améliorer, des procédures à simplifier, des institutions – notamment les douanes et l’administration fiscale – à optimiser, les banques et des mécanismes de soutien aux investisseurs à repenser.
Vous êtes l’une des femmes de réseau les plus influentes du continent. Quel est le secret de votre succès ?
J’aime me répéter et répéter à mon entourage cette phrase de Jean Bodin : « Il n’y a de richesse que d’hommes ». Au fil des années, j’ai compris que le relationnel est la plus grande richesse que l’on puisse posséder, et c’est la force du réseau Makutano aujourd’hui.
Propos recueillis par Daniel Djagoué