Homme des médias et de la communication, Abderrazzaïk Sitaïl estime que le rôle du communicant est fondamental dans la bonne conduite des politiques publiques. Plutôt que de jouer le griot dans une cour mandingue ou l’influenceur à la légitimité accrochée sur le nombre de followers, le communicant est une passerelle dynamique entre le leader et le peuple. Plus qu’un influenceur ou un community manager, le communicant peut l’emporter sur les fake news et les trolls mais pas sur la réalité des faits. Entretien.
Après 20 ans de réalisation des infrastructures et des grands travaux, le royaume du Maroc a triplé son PIB mais n’a pas encore réduit, significativement s’entend, la courbe de la pauvreté. Comment expliquer ce paradoxe ?
C’est vous qui parlez du paradoxe. La question nous ramène aux enjeux du développement et aux urgences de différents ordres qu’il fallait résoudre il y a vingt ans. Il fallait fournir un toit à chaque famille marocaine. D’où le grand programme du logement social et d’élimination des bidonvilles qui a commencé à la fin du règne de Hassan II. L’on est passé de 50 000 logements par an à 200 000. Tous les trois mois, l’on annonçait une ville sans bidonvilles. Concernant le PIB, son évolution a été répercuté avec des logements subventionnés à 150 000 dirhams à l’époque (15 000 euros) contre 250 000 de dirhams aujourd’hui. C’était le plus grand défi qu’on avait à relever.
En fait, on a l’impression que le taux de pauvreté n’a pas diminué de beaucoup en dépit des efforts ?
Certes, au-delà du défi du logement, il y avait celui de la réforme de l’économie marocaine à la sortie des programmes d’ajustement structurels. D’où la politique des grands champions à travers des orientations sectorielles stratégiques. La priorité reste la création de la richesse. Les retombées sociales suivent. En tant qu’observateur de la vie politique, économique et sociale du Maroc, je pense qu’il y a eu beaucoup d’acquis sociaux obtenus sur les performances économiques.
Après 20 ans de grands travaux d’infrastructure, le Roi Mohammed VI vient de lancer le nouveau modèle économique et social fondé sur la protection sociale. S’agit-il, entre autres, de mettre en place la protection sociale et un mécanisme de l’assurance chômage à l’européenne ?
Vous voyez bien que la conséquence de cette économie devenue solide et compétitive emmène à une meilleure collecte aujourd’hui au cœur du nouveau chantier de protection sociale. Nous sommes au cœur et au résultat de 20 ans de travail en assurant une indemnité chômage d’au moins 6 mois pour le travailleur marocain, une protection pour les populations à revenus variables comme les artisans, la généralisation des contrats d’embauche et une assurance retraite. Ce chantier social va engendrer des ressources supplémentaires pour l’Etat et donner un levier d’augmentation de pouvoir d’achat pour les marocains. L’on ne pouvait pas arriver à ce chantier si l’économie n’était pas performante. Nous sommes dans une conséquence logique d’un parcours sans faute. Je regrette qu’il y ait eu peu de communication à ce sujet.
Comment dans ce chantier assurer à long terme l’équilibre des institutions de prévoyance sociale pour un système de protection sociale pérenne ?
Je crois qu’il y a des prérequis qu’il fallait remplir. Le système social marocain est solide, allant des caisses de prévoyance, aux assurances et aux banques. Derrière ces pré-requis, les systèmes d’information doivent suivre. L’assurance chômage, l’assurance maladie et la retraite vont aspirer les populations de l’informel vers le formel. Je pense à la catégorie des chauffeurs de petits taxis, aux travailleurs domestiques et aux employés des PME.
Le phénomène de progrès économique découplé avec le progrès social s’observe un peu partout dans les pays émergents. Est-ce à dire que l’argent ne ruisselle pas beaucoup des classes riches vers les classes moyennes ?
Les situations ne sont pas homogènes d’un pays à un autre. Le Maroc n’est pas l’Inde. Il est évident que dans tous les cas, l’Etat doit jouer un rôle de législateur et de régulateur. Dans un système libéral, il se peut que le ruissellement ne soit pas parfait mais c’est à l’Etat d’agir pour garantir l’intérêt général et les équilibres entre toutes les catégories.
Face au chômage et à la pauvreté, les élites sont de plus en plus décriées. Quelle serait la meilleure stratégie de communication à l’ère des réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux ont permis une ouverture extraordinaire dans le monde. L’internet donne accès à la plus grande bibliothèque dans le monde et à l’information en temps réel. La parole du citoyen a trouvé un écho extraordinaire. Nous assistons à l’éclosion des influenceurs, des coachs du développement personnel et à divers métiers. Les gens qui ont le confort de l’anonymat se croient investis de juger et prennent de cours l’arsenal juridique permettant de protéger les uns et les autres contre l’insulte, l’outrage et la diffamation. Il y a un travail de fond à mener par le législateur pour que nos sociétés retrouvent les règles normales de l’information avec le recoupement et la vérification.
Pour le cas de ces personnalités exposées dans les réseaux sociaux, il faut que ceux qui les conseillent reviennent aux valeurs sûres de ce qui fait l’image. Les membres d’un gouvernement ont l’obligation d’informer en vertu des politiques publiques dont ils sont investis. Le citoyen a le droit d’être informé. Or ce n’est pas toujours le cas. En Afrique, les budgets de communication n’existent pas ou sont mal utilisés. Les décideurs publics n’ont pas encore compris que la communication est une obligation et doit se faire avec des compétences humaines éprouvées et des capacités techniques et financières. Si la communication n’est pas structurée, elle se réduit à du buzz ou à de la réaction, ce qui ne conduit pas à la consolidation de l’image. Il y aura toujours des haters sur le net, des insulteurs, clients désignés des parquets. L’objet de la communication c’est de transmettre des messages de communication à des cibles identifiées selon un canal défini.
L’on voit des chefs d’Etat et des ministres vilipendés dans les réseaux sociaux. Certains parlent de campagnes menées par des trolls. Est-ce toujours le cas ?
La contestation a toujours existé selon les enjeux. A l’époque, elle était dans la rue et était incontrôlable. Aujourd’hui elle est dans les réseaux sociaux et il faut en prendre en acte. «Troller» existe mais ce n’est pas le problème. Le chargé de la communication doit être à jour de la complexité de la communication, de ses ramifications réelles et artificielles.
A l’heure d e la post-vérité, devrait-on revoir les fondamentaux de la communication publique ?
Je pense que vous désignez par post-vérité le contexte très actuel de notre monde où il est donné plus d’importance aux émotions et à l’opinion qu’à la réalité des faits. Et dans ce contexte historique, plus c’est gros plus ça passe. Cette vieille théorie de Goebbels a toujours été observée lors des grandes crises. De l’Irak et de ses armes de destruction massives à l’Ukraine et à la guérilla cybernétique en cours. Les canaux de communication ont peut-être changé mais les stratégies sont toujours les mêmes. Le conditionnement des opinions publiques ou propagande ont toujours fait partie des enjeux de pouvoir. Dans cette ère de la société de l’information, les dirigeants doivent comprendre qu’ils ont une obligation de communication pour réussir leur politique. Ils doivent communiquer sans toutefois accepter la dictature des réseaux sociaux. La réactivité fébrile n’est pas bonne conseillère. La com reste une stratégie et un objectif et non une réaction épidermique. Les dirigeants doivent être eux-mêmes des communicants professionnels.
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Un leader peut-il tolérer une impopularité passagère sur les réseaux sociaux ?
Le leadership d’un dirigeant est de conduire son programme et non d’être otage des marketeurs ou des réseaux sociaux. Si l’on est convenu que l’idée est bonne et que l’action politique évolue, l’on doit rester focus. L’opinion publique instantanée par les moyens des sondages ou des likes réduit le programme étalé sur le moyen et long terme à du court-terme et donc, si l’on n’y prend garde, à de la réaction épidermique pernicieuse pour l’image. Il faut poursuivre son programme en comprenant le citoyen, en attente urgente des attentes du gouvernement. L’administré ne vit pas du long terme d’où le mixage des politiques publiques entre court-terme et long terme. En Afrique, la notion du patriarche est importante et elle a été calquée sur le ministre, le chef d’entreprise et le leader en général. Le propre du patriarche est, au-delà du communiqué, de se rapprocher du citoyen, d’éliminer la distance en s’intéressant à ce qu’il vit tous les jours.
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Finalement quel est le bon dirigeant ?
Le bon dirigeant est modeste car il mesure l’ampleur de la tâche et l’ampleur des attentes. Il lui faut de l’empathie et de l’abnégation.
Que dites-vous aux dirigeants africains qui sous-traitent leurs images depuis Paris et Londres ?
Tout dépend des attentes. Sur le knowledge pur, nous avons des gens aussi compétents à Paris qu’à Dakar ou Pretoria. Sur le fond, il faut le dire, les attentes, les perspectives et la vision du monde par l’africain n’est pas la même que pour l’européen. Je suis d’accord par une communication gérée par un réseau international avec un croisement des expériences mais conseiller un homme politique soumis aux paramètres du quotidien africain exige à mon avis de la proximité. Il ne s’agit pas d’acheter de l’espace ou de confectionner des chemises. Il faut que les dirigeants prennent conscience que la communication n’est pas un accessoire de mode mais une nécessité à intégrer à tous les niveaux de l’Etat avec des moyens techniques et humains. Il en faut pour changer notre narratif. Le citoyen est court-termiste et attend un impact immédiat de la part des gouvernants qui doivent donc, constamment, être dans l’apaisement.
Un commentaire
bonjour papa eskuze mioa ankore tiogiore gema eskuze sakejiore one gekote le pepele de senegalege me an sake fioa pereson ilmadeklarepah ansake fioa ge lavenire ansample de dakre me sakefioa ne tiorove paha mersu