C’est la grande actualité financière de l’année en zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Les autorités ont décidé de modifier le cadre règlementaire qui régissait jusque- là la gestion d’actifs. Pourquoi ces changements ? Quelles opportunités offrent-ils ? Et qu’est-ce qu’ils impliquent au quotidien pour un société de gestion d’actifs. Malick Amadou, Directeur Général Adjoint de l’Africaine de Gestion d’Actifs, nous explique les enjeux liés à cette réforme prévue entrer en vigueur dés le 1er janvier prochain et comment sa compagnie entend en profiter.
L’une des actualités majeures de votre secteur cette année est la modification du cadre réglementaire de la gestion d’actifs dans zone UEMOA qui entrera en vigueur l’an prochain. Quelles étaient les insuffisances du cadre réglementaire actuel ?
La zone UEMOA dispose d’un cadre règlementaire très contraignant. Cela a pour but de protéger les investisseurs. De ce fait, les sociétés de gestion telles que la nôtre ne sont autorisées à investir que dans les actifs expressément autorisés. Ces actifs sont notamment les actions des sociétés cotées, les obligations et autres titres de créances assimilés autorisés par un régulateur.
Ce cadre quoique vertueux est un peu limité dans la mesure où les options qui s’offrent à un gérant ne sont pas très nombreuses. Il n’y a que 45 sociétés cotées à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) et lorsqu’on a un certain montant à investir, l’on est très vite à court d’options. De ce fait, les sociétés de gestion ont un peu de mal à jouer pleinement leur rôle qui est de démocratiser l’épargne via la création d’instruments pour le grand public notamment les petits porteurs.
Quelles sont les nouvelles modifications qui entreront en application au 1er janvier ?
Les nouvelles réformes que nous applaudissons sont de plusieurs ordres. D’une façon générale, elles obligent les sociétés de gestion à plus de transparence vis-à-vis des investisseurs et dans le même temps elles leur offrent un cadre règlementaire plus souple et plus vaste.
Par exemple, les fonds ont une plus grande liberté dans le choix de leurs actifs mais avant d’investir, ils doivent prendre toutes les dispositions afin d’informer les clients par rapport au produit dans lequel ils sont sur le point d’investir à travers un prospectus et un document d’informations clé pour l’investisseur.
Quel est l’objectif visé par cette réforme ?
Cette réforme entend moderniser notre marché financier régional afin de le mettre au diapason des grandes places financières mondiales. Cela facilitera la mobilité des investisseurs internationaux et rendra le marché régional plus attractif pour ces capitaux étrangers.
Comment cette réforme s’inscrit dans la dynamique actuelle du secteur au niveau mondial ?
La gestion d’actifs au plan mondial est aujourd’hui fortement marquée par les fonds indiciels. Ces fonds à frais très bas et dont le but est juste de reproduire un indice déjà connu sont très en vogue en particulier depuis 2010. Ils ont connu une grande croissance depuis ce temps au point de représenter plus de 51% des actifs sous gestion dans le monde et ont fortement contribué à propulser l’activité de gestion d’actifs.
Au plan mondial, les gestionnaires d’actifs jouent un rôle majeur dans l’économie puisque les fonds qu’ils gèrent exercent un contrôle important sur les plus grandes entreprises de quasiment tous les secteurs.
La réforme en cours en zone UEMOA ouvre la porte à plus d’ambitions pour les gestionnaires d’actifs. Nous nous alignons progressivement sur les standards internationaux. Avec le temps, les gestionnaires attireront suffisamment de capitaux pour pouvoir jouer un rôle de premier plan dans le financement de l’économie sous-régionale.
Qu’est-ce que cette réforme implique pour l’AGA au plan stratégique ?
Cette réforme nous permettra de créer de nouveaux produits mieux adaptés aux réalités locales. Il existe un énorme potentiel encore sous-exploité dans la zone. Plusieurs pans de nos économies gagneraient à être «financiarisés» afin que leurs progrès soient accélérés. Ces secteurs encore sous- exploités constituent un réservoir de richesse que l’AGA entend activer.
D’une façon plus générale quelles sont les ambitions de la compagnie à moyen et long terme ?
Nous ambitionnons modestement de contribuer à faire de l’asset management un levier important du financement des économies de la zone. Cela passe dans un premier temps par une meilleure mobilisation de l’épargne et ensuite par le fait de rediriger cette épargne vers les canaux les plus efficients de l’économie.
Les banques et les institutions de Microfinance sont mieux connues dans ce domaine car elles exercent une influence directe sur les agents économiques. Nous ambitionnons de contribuer à l’accélération de leurs résultats en leur offrant des solutions nouvelles.
Pour les particuliers, notre offre constituera en une palette de plus en plus enrichie de produits financiers pour optimiser leur épargne tout en tenant compte de leurs besoins en termes de durée d’investissement et d’aversion au risque. Pour les investisseurs institutionnels, il s’agira de solutions sur mesure taillées à la hauteur de leurs besoins. L’idée centrale demeure d’apporter des solutions nouvelles qui optimisent le couple rendement-risque en tenant compte de la durée d’investissement et des besoins de liquidités.
Sur quel levier comptez-vous appuyer pour réaliser ces ambitions ?
L’humilité qui consiste à écouter les autres acteurs afin de faire non pas ce que nous pensons savoir mais plutôt ce dont ils ont vraiment besoin. La probité et le respect des engagements envers les partenaires. Mais avant tout cela, un processus rigoureux de recherche et de gestion basé sur les faits et non pas seulement sur les intuitions.
Comment voyez-vous l’évolution du secteur dans les années à venir, quelles sont les grandes tendances qui façonneront votre métier ?
Je pense que nous verrons l’activité se développer et se professionnaliser. Ce mouvement est d’ailleurs déjà en cours. L’agence UMOA-titres a lancé une première certification et je pense que ça ne sera pas la dernière. De plus, dans le cadre du partenariat entre les bourses africaines, le WACMI, les acteurs des autres marchés s’intéresseront de plus en plus à notre place. Nous aurons aussi respectivement, la possibilité d’intervenir sur les autres places boursières et cela n’est que tant mieux. On aura également le développement des actifs alternatifs tels que les actions non cotées, les fonds immobiliers, les produits dérivés et aussi les ETFs.