Par Benoit S NGOM, Président de l’Académie Diplomatique Africaine (ADA).
Le 20 e Congrès du Parti Communiste chinois qui vient de s’achever a été marqué par la reconduction de XI JINPING à la tête de l’Etat et du Parti. En clair, la ligne diplomatique tracée par le dirigeant chinois sera maintenue et l’Afrique n’aura rien à craindre dans l’évolution de ses relations de coopération avec la Chine.
Dans un contexte de rivalité accrue avec les puissances occidentales, la Chine est accusée d’entraîner des pays africains dans le «piège de la dette». Pourtant, il est généralement reconnu que les annulations de dettes de la Chine en faveur l’Afrique n’ont rien de nouveau.
Celles de ces dernières années témoignent seulement d’un comportement régulier de la part de ce pays devenu un géant économique mondial prêt à accompagner les pays africains qui le désirent. Cette vision concertée du multilatéralisme a sonné le glas de l’Afro-pessimisme.
L’AFRO PESSIMISME EBRANLE
L’Afrique, aujourd’hui parée des titres les plus pompeux, de continent de l’avenir, marquant les nouvelles frontières de toutes les aspirations humaines, a été, il n’y a pas si longtemps, la terre méprisée, décriée, des épidémies et des famines. Continent oublié des droits de l’homme et du développement. Cette Afrique, souvent chahutée tellement moquée que seuls des optimistes les plus invétérés, ou les utopistes les plus marginaux lui accordaient la plus petite chance d’échapper à son destin de « zoo humain », à la faune surabondante et à la flore luxuriante pour le bon plaisir des touristes en mal d’exotisme.
Alors que s’est-il passé pour que ce continent dans la pénombre de l’humanité vienne brusquement sous les feux de la rampe. Pourquoi sans crier gare ce continent « maudit » des « damnés de la terre » s’est bonifié pour que soit jetée aux orties toute tentative de le dévaloriser. A l’afro-pessimisme s’est substitué un afro optimisme que rien ne semble pouvoir remettre en question.
C’est comme si brusquement l’humanité découvrait les valeurs culturelles et les potentialités économiques de ce continent. Mais, qu’est-ce qui a pu être à l’origine de ce changement ?
L’épicentre de ces grands mouvements pour la « rédemption » de l’Afrique ,me semble-t-il, est la République populaire de Chine. En effet, tout a commencé à changer, quand ce pays a permis à ceux pour qui d’autres avaient pensé qu’ils n’avaient pas encore besoin d’autoroutes, de chemins de fer, d’hôpitaux de qualité, de découvrir qu’en réalité cela leur était accessible.
La Chine, en décidant de réaliser en partenariat avec les Africains sur la base de ce dont ces derniers avaient besoin, au lieu de leur imposer ses désirs, a bouleversé les fondements de la diplomatie économique des partenaires du continent. La Chine a montré qu’on pouvait traiter économiquement avec les Africains sans chercher à leurs imposer leur modèle de développement au nom de théories très souvent hypocrites de l’universalité de la démocratie ou les droits de l’homme.
La Chine, a appris en s’inspirant de sa propre histoire, qu’il appartient à chaque peuple de faire librement le choix des voies de son développement et de l’organisation de son évolution politique. La Chine a compris qu’il n’y a pas de modèle universel de démocratie et que chaque peuple, librement à son rythme propre, doit être capable de se doter du système politique qui lui garantira la paix et l’harmonie sociale sans laquelle il n’y a point de développement durable.
Cette lecture de la réalité des Relations Internationales a conduit la Chine, bien avant l’indépendance des pays africains, à opter pour l’avènement d’une politique concertée d’aide au développement.
LE FOCAC CADRE D’UNE COOPERATION CONCERTEE
C’est ainsi qu’Il y’a une vingtaine d’années que l’Afrique et la Chine, en décidant de renforcer et de porter leurs relations historiques à un niveau supérieur , créèrent le Forum on China-Africa Cooperation (FOCAC) dont la 8e édition tenue à Dakar 29 au 30 Novembre 2021 avait pour objet d’approfondir le partenariat sino-africain et de promouvoir le développement durable des pays du Continent.
A cette réunion avaient participé Félix Antoine Tshisekedi, Abdel Fattah al Sisi, Azali Assoumani, et Cyril Ramaphosa, ainsi que le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et le Président de l’UE Moussa Faki Mahamat.
A cette occasion, le Président Macky Sall du Sénégal, au nom de ses pairs, prononça le discours d’ouverture qui peut être considéré comme le bréviaire des relations entre la Chine et l’Afrique. Le Président Sall, après avoir rappelé l’historique des relations entre la Chine et l’Afrique, la qualité de cette coopération, indiqua aux autorités chinoises les 5 priorités de l’Afrique pour les années à venir telles qu’elles ont été définies et exprimées par les africains.
Lors de cette conférence les participants lancèrent aussi un appel pressant pour la modernisation de l’agriculture afin d’assurer la souveraineté alimentaire du Continent et de faire de la transformation locale de ses produits agricoles un facteur d’émergence économique et de lutte contre le chômage et la pauvreté. En effet, avec plus de 30 millions de km2, plus d’un milliard d’habitants et d’importantes réserves hydriques, l’Afrique a le potentiel de ressources nécessaires pour assurer sa nourriture et contribuer à nourrir le monde.
Le souhait de bénéficier de la coopération chinoise pour la formation technique et professionnelle, l’apprentissage des métiers et l’éclosion des talents dans l’entreprenariat des jeunes a fut exprimé par les participants.
Enfin, malgré les critiques contre l’endettement de l’Afrique à l’égard de la Chine, les dirigeants africains ont tenu à saluer ce pays pour le formidable travail de réalisation d’infrastructures de base en Afrique.
Les leaders africains soulignèrent, à cet égard, que dans le cadre des « Nouvelles Routes de la Soie », politique de projection de la diplomatie économique et culturelle élaborée et lancée par le Président XI JINPING, et dans le contexte du Programme de Développement des Infrastructures en Afrique et de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), un large potentiel s’offre au partenariat sino-africain en matière de projets d’infrastructures structurantes. Cette coopération mise en œuvre devrait, selon eux, contribuer à moyen terme au développement des capacités industrielles africaines.
COOPERATION DANS LE RESPECT DE LA SOUVERAINETE DES PARTIES
La coopération entre l’Afrique et la Chine, tant décriée par l’occident, n’a pas été imposée aux pays africains, mais bien au contraindre, ils y ont vu leur intérêt et y se sont sentis plus respectés. En effet dans cette relation, l’Afrique indique ses projets que la chine accepte ou non de réaliser en fonction de ses conditions techniques et financières. Par conséquent, les états africains s’endettent auprès de la Chine pour la réalisation de projets qu’ils jugent utiles et parfois nécessaires à leur peuple.
En vérité la dette en soi n’est pas le problème, mais le pourquoi de l’endettement. Dans cette coopération dite « gagnant-gagnant », ce n’est pas le partenaire étranger qui dit aux africains ce qui est bon pour eux et à quelle condition politique il accepte de le financer.
C’est pourquoi, pour le commun des africains, c’est à tort que la Chine est accusée d’entraîner des pays africains dans le « piège de la dette » pour une nouvelle recolonisation. Les contempteurs de la « Chine qui endette l’Afrique », n’ignorent pourtant pas que l’importance de la dette des USA à l’égard de la Chine n’a pas empêché à ce pays de demeurer encore la première puissance du Monde.
Pourrait-on demander alors à ces « nouveaux sympathisants » de l’Afrique qui pensent veiller sur ses intérêts d’avoir, ne serait-ce qu’un peu de générosité, même feinte, de reconnaitre aux africains la capacité d’évaluer leurs besoins et de choisir librement leurs partenaires.