Par Francis K, expert maritime.
Présentant des opportunités majeures pour améliorer la compétitivité de la Côte d’Ivoire, les ports ivoiriens ont vu aboutir des investissements majeurs dans la dernière décennie. De nouveaux équipements ont ainsi été installés au Port autonome d’Abidjan, et le Port autonome de San Pedro a été pourvu d’un nouveau terminal vraquier. Si certains sont destinés à l’amélioration de l’efficience opérationnelle des ports, ces investissements témoignent également d’une volonté du Président Alassane Ouattara et de son gouvernement de développer de nouvelles filières d’exportation.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2020, le Port Autonome d’Abidjan (PAA) représentait 76% des échanges extérieurs de la Côte d’Ivoire, 73% des recettes douanières ainsi que 55 000 emplois directs et indirects. On ne saurait exagérer en affirmant que l’économie ivoirienne repose, pour une part non négligeable, sur l’activité de cette infrastructure stratégique. Quant au Port de San Pedro (PSP), il est le premier mondial pour l’exportation de cacao, qui contribue à hauteur de 14% au PIB du pays et des revenus à 20% de sa population.
Ces dernières années, le volontarisme de l’Etat s’est ainsi manifesté dans une série d’investissements et de partenariats public-privé, visant une plus grande efficience opérationnelle des infrastructures portuaires ivoiriennes.
L’efficience opérationnelle comme levier de la compétitivité
Entre 2012 et 2019, plus d’1,1 milliard d’euros ont été investis dans le PAA. Ces fonds ont permis la construction d’un terminal roulier, d’un terminal céréalier, ainsi que de l’agrandissement du canal de Vridi, qui relie le PAA à l’océan. Autant d’investissements qui ont contribué positivement à l’activité du port, dont le trafic connaît une hausse de 12% par an, en moyenne, depuis 2012.
L’entrée en service, prévue pour le 1er novembre 2022, d’un second terminal à conteneurs au PAA, dédié principalement au transbordement, devrait porter à 2,5 millions par an les capacités du port. D’un montant de 262 milliards de FCFA, soit 400 millions d’euros, les travaux ont été financés par le PAA ainsi que par un consortium composé de Bolloré Africa, Bouygues, et Maersk.
Dans ce cadre, le deuxième terminal à conteneurs du PAA voit d’importantes avancées. Le TC2 sera doté d’un vehicle booking system, destiné à fluidifier les flux de livraison des opérateurs du port, aussi bien maritimes que ferroviaires et routiers. Mis-à-jour en temps réel, ce système de prise de rendez-vous dématérialisé permettra de mieux anticiper les retards et d’éviter les déplacements inutiles. En outre, un suivi à distance de l’activité du port permettra aux opérateurs d’orienter les flux, de sorte à gagner en efficacité.
Le TC2 est récemment entré dans son ultime phase de travaux grâce à la réception de ses six portiques de quai. Dotés des dernières avancées technologiques, elles comprennent un système de contrôle de pointe et sont réputées pour leur bilan énergétique et environnementale. Le terminal sera également équipé de 13 portiques de parcs, et de 36 tracteurs électriques Gaussin pour assurer la bonne manutention. Les investissements pour la construction du TC2 visent ainsi à rivaliser avec les ports voisins. Ces équipements doivent faire du TC2 “un outil productif moderne, à la pointe des manutentions portuaires destiné à être un vrai hub sous-régional”, selon Madina Alliali Yankalbé, responsable financière de Côte d’Ivoire-terminal. C’est d’ailleurs sous le nom de Côte d’Ivoire Terminal que le TC2 devrait entrer en service, après deux escales “test” menées avec succès par la Mediterranean Shipping Company.
Les ports ivoiriens, vecteurs du développement de nouvelles filières
Plus à l’ouest, sur la côte, le Port de San Pedro est un levier décisif de la stratégie du gouvernement pour l’accroissement de ses exportations. Dans le cadre de la stratégie “Côte d’Ivoire 2030”, le port, par lequel transitaient 6 millions de tonnes il y a un an, devrait en accueillir 10 millions d’ici 2024.
Un défi que Patrice Zhabi, directeur de la stratégie et du développement du port de San Pedro, relève avec sérénité : “les économies d’échelle permises par la taille des navires accueillis, la performance opérationnelle et la modernité des équipements, nous permettent d’être compétitifs, autant sur les coûts que sur le temps d’attente”.
L’inauguration, le 14 septembre dernier, d’un terminal industriel polyvalent (TIPSP) dans le port de San Pedro participe de l’ambition du gouvernement de développer de nouvelles filières. D’un coût de 173 millions d’euros, il est destiné à accueillir du vrac de produits cimentiers, d’engrais, et d’hydrocarbures.
C’est surtout dans l’exportation de minerais que le gouvernement entend faire connaître le port de San Pedro. Pour cause, le TIPSP a déjà accueilli 1,4 millions de tonnes de nickel depuis novembre 2021, soit plus d’un dixième de sa capacité totale (12 millions de tonnes de vrac). Le TIPSP permet ainsi le développement des filières ivoiriennes. Extrait dans les gisements de l’ouest ivoirien, le nickel transite par un réseau routier en cours de développement. Une fois arrivé sur la côte, le nickel est exporté vers la Grèce ou la Chine pour son traitement.
Du côté du PAA, la société belge Sea Invest a investi 13,8 millions d’euros dans le terminal minéralier dont elle gère la concession depuis 2009. Cet investissement, mis en œuvre en 2017, a permis l’installation d’une trémie destinée à faciliter le déchargement des produits cimentiers, d’une nouvelle grue portuaire pour renforcer la fluidité des opérations, notamment. Des engins de manutention ont également été couverts par l’investissement. Ce terminal est spécialisé dans l’importation de clinker, un constituant du ciment, ainsi que dans l’exportation de manganèse – dont la production ivoirienne a bondi de 25% en 2018.
Ces investissements, destinés aussi bien à améliorer l’efficience opérationnelle qu’à développer de nouvelles filières d’exportation, permettront-ils à la Côte d’Ivoire de détroner les ports de Lomé et Tema, leaders ouest-africains ? Toujours est-il qu’au-delà de l’investissement dans les ports, l’effort pour accroître la compétitivité de la Côte d’Ivoire passera également par une meilleure desserte de l’hinterland que se disputent la Côte d’Ivoire et le Ghana. A l’initiative du Président Alassane Ouattara, le gouvernement ivoirien entend ainsi développer et étendre son réseau routier vers la Guinée, le Libéria, le Mali et le Burkina Faso.