Par Abashi SHAMAMBA.
C’est tout le secteur financier du Royaume-banques, assurances, sociétés de leasing et organismes de crédit à la consommation qui est sous le choc. Selon la réforme de l’impôt sur les sociétés (I.S) contenue dans le projet de loi de finances 2023, les banques, comme toutes les entreprises financières, supporteront un taux de 40% sur leurs bénéfices à partir de 2026 ! A cela, il faut ajouter 5% supplémentaires au titre de la contribution sociale de solidarité, une surtaxe qui, à l’origine, devait être temporaire mais qui s’installe durablement. Pour faire passer la pullule, le gouvernement va alléger la fiscalisation des dividendes et promis d’aligner les règles fiscales de provisionnement des créances en souffrance sur celles de la Banque centrale.
En découvrant le contenu du projet de la loi de finances 2023 en discussion actuellement au Parlement, banquiers et assureurs marocains ont été sonnés. Jusqu’à la dernière minute, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), l’influent syndicat banquier, et la fédération des assurances espéraient dissuader le gouvernement de ne pas augmenter la charge fiscale du secteur financier qui supporte déjà une taxe de 37% sur les bénéfices, soit le plus haut tarif de l’impôt sur les sociétés (IS) en vigueur. C’est au moins 6 points de plus que le taux le plus élevé de droit commun, celui qui s’applique à tous les autres secteurs.
Même si les banquiers et les assureurs marocains n’ont pas renoncé à faire revenir le gouvernement sur son projet, il y a très peu de chance qu’ils y arrivent. Selon le schéma gouvernemental, à partir du 1er janvier 2026, les banques, les assurances, les opérateurs de leasing et les sociétés de crédit à la consommation seront soumis au taux de 40% sur leurs bénéfices ! D’ici là, le tarif en vigueur augmentera chaque année.
Pour le secteur financier marocain, la couleuvre est amère. Doublement amère, car la contribution sociale de solidarité, une surtaxe qui touche les entreprises qui dégagent un résultat net à partir d’un million de dirhams (100.000 dollars) a été reconduite pour les trois prochaines années. C’est un autre coup dur pour les banques et les assurances car elles figurent dans la fourchette haute de la cible de cette taxe spéciale (à partir de 40 millions de DH, soit 4 millions de dollars) qui, à l’origine, était censée être provisoire. Le secteur financier se verrait alors appliquer le taux marginal de 5%. Ce qui fera un taux de 45% en 2026 !
«A ce niveau, on rentre clairement dans la zone d’un impôt confiscatoire», commente un fiscaliste. Les taux tuent les totaux, le gouvernement marocain le sait parfaitement, mais il prend quand même le risque de surimposer un secteur dont les opérateurs figurent parmi les plus gros contributeurs aux recettes de l’impôt sur les sociétés.
Pour faire passer la pilule, le ministère des Finances aurait promis aux banques de faire converger rapidement les règles fiscales de provisionnement de créances en souffrance avec la réglementation de la Banque centrale en plus d’un allègement de la fiscalisation de dividendes (la retenue à la source passera de 15 à 10% sur quatre ans).
Cette harmonisation est une vieille requête que les banquiers marocains remettent tous les ans sur la table avec le soutien de Bank Al-Maghrib. Le Code général des impôts conditionne la déductibilité des provisions pour créances douteuses à la preuve d’un recours judiciaire engagé par la banque envers le débiteur défaillant dans les 12 mois suivant la clôture de l’exercice. Cette exigence ne s’applique pas aux créances inférieures à 2.500 dirhams, soit 250 dollars. Pour les banquiers marocains, cette restriction est « totalement déconnectée de la réalité du terrain ». Leur vieux rêve d’aligner la doctrine fiscale et celle de la Banque centrale pourrait bientôt être réalisé.
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Un autre dossier chaud : Radier une créance en souffrance au bilan
Les conditions posées par la réglementation fiscale pour radier du bilan une créance quasi irrécouvrable sont extrêmement sévères. Les banques marocaines espèrent un assouplissement sur ce point au terme des discussions qu’elles vont engager prochainement avec le ministère des Finances et l’administration fiscale.
A date, il faut remplir les conditions suivantes avant de radier une créance au bilan. Un, les créances éligibles à la radiation doivent avoir été provisionnées à 100% et maintenues au minimum 5 ans au bilan des établissements de crédit.
Deux, les procédures de recouvrement judiciaire déjà engagées envers les clients défaillants doivent être poursuivies. Sauf arrangement à l’amiable avec le client ou en cas de sentence arbitrale, ces créances ne peuvent être annulées définitivement qu’après épuisement des procédures judiciaires et l’exécution des décisions prononcées par les tribunaux. Deux conditions doivent être respectées. La première vise les crédits assortis de garanties. Dans ce cas, quelle que soit la qualité juridique du débiteur, la provision et la créance correspondantes doivent être maintenues tant que la garantie n’a pas fait l’objet d’exécution.
La deuxième condition concerne les crédits ou reliquat de crédits non assortis de garantie. La créance est ainsi annulée avec reprise de la provision y afférente s’il n’existe aucun moyen d’obtenir le paiement des sommes dues.
Enfin, les banques doivent joindre à leur déclaration annuelle du résultat fiscal les états de suivi extracomptables. Il s’agit notamment d’un état récapitulatif du cumul des créances radiées de l’exercice précédent et d’un état détaillé des créances en souffrance par client.