“L’on ne peut pas développer un continent sans épargne longue et sans un système financier solide”. C’est en quelque sorte le message lancé par Serge Ekué, président de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), en marge du sommet sur la finance (AFIS) qui a lieu du 28 et 28 novembre 2022 à Lomé au Togo. L’événement organisé par Jeune Afrique Média Group est surtout l’occasion de confronter les modèles financiers innovants éprouvés sur les terrains avec la réalité des économies effervescentes, toujours en construction, avec des gaps de financements importants.
Financement des PME : ce n’est pas l’argent qui fait défaut
Le gap de financement des PME est estimé à 330 milliards de dollars selon l’IFC. D’où une nécessaire coalition entre les institutions de financement de développement (DFI’s), institutionnels, régulateurs et banques commerciales. Revendiquant le statut du plus grand bailleur du secteur privé en Afrique avec 2,5 milliards de dollars par an, l’IFC par la voix de Aliou Maiga (directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre), préconise d’appuyer les banques dans le financement des PME. La problématique du financement de ces micros, petites et moyennes entreprises relève non pas de financement mais de la confiance explique le représentant de la SFI convaincu que la mise en place de bureaux de crédit (le continent en compte moins de 10 qui fonctionne, précise Jules Ngankam, CEO de African Guarantee Fund, AGF) est nécessaire pour réduire l’asymétrie en termes d’information. Un sentiment partagé par Djalal Khimdjee, CEO de Proparco, institution membre du groupe de l’Agence Française de Développement (AFD) qui a alloué 3 milliards d’euros aux États et aux privés entre 2018 et 2022, soit beaucoup plus que sa prévision initiale de 2,5 milliards de dollars. “Nous travaillons à la fois avec les banques publiques et avec les banques privées et nous couvrons toutes les gammes de besoin”, explique-t-il.
Dans son approche classique de financement des PME, la banque se heurte à des limites induites par ses ratios prudentiels et son aversion naturelle au risque. «Là aussi, suggère le responsable de Proparco, il y a toute une gamme d’instruments pour augmenter les quotités de garanties de par exemple 50 à 80%».
Pour sa part, Nicolas Kazadi, ministre des Finances de la RDC, met les uns et les autres d’accord sur le nécessité de créer un vrai écosystème. «La question de financement est d’abord une question de qualité de projets. Notre rôle en tant que secteur privé c’est d’accélérer l’écosystème avec des fonds de garantie , des incubateurs…».
Partageant le point de vue du ministre congolais, Amine Bouabid, CEO de Bank Of Africa Group, estime que la question est psychologique. « Nous avons plutôt un problème d’aversion au risque et de mindset. Nous n’avons pas pu construire un écosystème des PME». Et le banquier d’appeler ses pairs à ne pas laisser leur métier leur filer des doigts. «Il ne faut pas que les fonds de garantie fasse de la gestion du risque et nous qu’on fasse seulement l’usine». Le débat est posé .
Le modèle tout terrain tout inclusif
Dans un contexte, rappelait le président togolais Faure Essozimna GNASSINGBÉ, le 28 novembre 2022, à l’ouverture de la conférence, de hausse spectaculaire des taux de la FED, attendus à 4,5% à la fin 2022, contre des prévisions de 0,75% établis au début de l’année par les économistes les plus pessimistes, il est urgent que les acteurs de la finance apportent des solutions pratiques au financement du commerce africain. Du reste, la dynamique de fond reste la recherche de modèles inclusifs capables de drainer l’épargne et d’attaquer le mass market. Pour cela, une accélération réglementaire est nécessaire pour une inter-operabilité complète entre les telecos, les banques et les Fintech. D’un autre côté, comme l’a rappelé Mohamed Ba, directeur de Sunu Bank, il faudrait que les compagnies d’assurance puissent pouvoir sortir de leurs marchés natifs et envisager leurs politiques de placements sur des zones plus larges.
Innovation technologique
En définitive, la solution tant de la collecte de l’épargne, de la mobilisation des financements que du financement de l’économie viendra des innovations technologiques. “Nous devons travailler avec les banques pour voir comment elles peuvent leverager sur les blochajn. Ensuite voir avec les PME comment elles peuvent améliorer la tenue de leurs comptes”.
Au-delà, les marchés financiers qu’il reste à connecter (Amir Ben Yahmed, CEO de Jeune Afrique a rendu un hommage appuyé à Afreximbank pour le PAPS, système de paiement et en compensation en devises africaines et la BRVM chef de file de l’interconnexion de 7 marchés) et à doter d’outils permettant de transformer l’épargne à court terme logée à vue dans les comptes bancaires en capitaux à long terme. Au final, l’on retombe toujours sur l’aspect psychologique comme frein. Comment convaincre les banques à accepter du collatéral autre que foncier ? Il en faudra beaucoup plus que de l’advocacy pour les convaincre d’accepter le moving asset ou le stock en garantie. D’ici là le rapport coût/bénéfice des PME pour la formalisation se sera sans doute amélioré.
Heureusement que les uns et les autres sont optimistes ainsi que le révèle le baromètre Africa CEO Forum réalisé avec Deloitte. Plus de 54% des banques interrogées sont optimistes pour 2023 contre 50% pour les assureurs. Sans doute dopé par la ZLECA, le moral des opérateurs financiers toutes branches confondues semble au zenith, 65% d’entre eux estimant, en dépit du risque cyber grandissant, de la montée des taux, du risque opérationnel et du risque de crédit, que leur secteur est attractif. La bonne nouvelle de ce baromètre est que les banques ne considèrent pas les Fintech comme des concurrents mais plutôt comme des partenaires. Ainsi, plus de 40% des banques classiques indiquent avoir un partenariat avec les Fintech et 40% supplémentaires souhaitent en faire à court terme alors que 63% estiment que les cryptomonnaies sont une opportunité.
Les VIP rencontrés à l’AFIS
De nombreuses personnalités ont fait le déplacement de ce sommet de la finance autour d’une trentaine de panels et de tables rondes. Outre le président Faure Essozimna GNASSINGBÉ, qui a ouvert l’événement, son ministre de l’Economie et des Finances, Sani Yaya ainsi que son homologue de la RDC, Nicolas Kazadi, il y avait aussi Cina LAWSON, Ministre de L’Economie Numérique et de la Transformation Digitale (Togo) et Rose Kayi MIVEDOR, Ministre de la Promotion de l’Investissement (Togo). De même, étaient aussi présents, Dr. Patrick NJOROGE, Gouverneur de la Central Bank of Kenya ; Jean-Claude Kassi BROU, Gouverneur, de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ; Dr. Ernest ADDISON, Gouverneur de Bank of Ghana ; John RWANGOMBWA, Gouverneur de la Banque Nationale du Rwanda ; Dr. Benedict ORAMAH, Président de Afreximbank ; Serge EKUE Président de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) ; Jules NGANKAM, Directeur Général Groupe de African Guarantee Fund ; Ade AYEYEMI, CEO Groupe de Ecobank TI; Sergio PIMENTA, Vice-président pour l’Afrique de International Finance Corporation (IFC) ; Paul RUSSO, CEO de KCB Group ; Mary WANGARI WAMAE, Directrice Exécutive Groupe, Equity Group Holdings ; Mohamed Lamine BAH, Directeur Général, Groupe SUNU ; Jean-Louis MENANN-KOUAME, Directeur Général, Orange Bank Africa ; Aida DIARRA, Vice-Présidente Senior et Responsable Afrique subsaharienne, VISA ; Papa Massamba SALL, Directeur Général Afrique de l’Ouest et Centrale, Citi ; ainsi que de nombreux autres décideurs venus de toute l’Afrique et du monde entier.