Directeur général de NSIA Banque Côte d’Ivoire depuis plusieurs années, Léonce Yacé a été reconduit à son poste pour un nouveau mandat de trois ans le 1er septembre dernier. Il nous livre sa vision de l’environnement bancaire en Côte d’Ivoire et de ses nombreux défis, mais aussi sa stratégie pour NSIA Banque CI, qui s’est imposée aujourd’hui dans le TOP 5 des principaux acteurs bancaires du pays.
En Afrique de l’Ouest, le taux de bancarisation reste globalement faible, en parallèle d’un secteur informel qui contribue encore à une forte part du PIB des pays de la région. Comment améliorer la part de population intégrée dans le système bancaire sur le continent ?
Léonce Yacé – Plusieurs acteurs ont un rôle à jouer dans l’effort de bancarisation de nos pays : citons, sans être parfaitement exhaustifs, les pouvoirs publics, les autorités monétaires, les établissements de crédit, notamment les banques et les institutions de microfinance. Face à ce défi, tous doivent travailler en synergie pour parvenir à faire bouger les lignes.
Ces acteurs doivent conjuguer leurs efforts pour sensibiliser les populations à l’importance de la détention d’un compte bancaire. Sur ce point, j’identifie personnellement trois axes majeurs : l’accessibilité multicanale aux produits et services bancaires d’une grande part de la population, une offre de produits et services adaptée aux différents besoins et segments de marché et une politique de tarification souple et attractive.
Comme vous l’avez souligné, le développement du secteur informel est aussi un véritable frein à la bancarisation. Il convient donc, d’intégrer efficacement les personnes qui en dépendent en les rassurant avec une fiscalité encourageante. Avec une existence officielle, ces entreprises pourront accéder aux services bancaires de base et par association, embarquer également les ressources humaines immédiates qui travaillent dans leur écosystème. Sur ce point précis, NSIA Banque Côte d’Ivoire réalise régulièrement, des actions commerciales terrain qui ont pour but d’informer dans un premier temps, puis recruter sur les marchés notamment, un maximum de travailleurs du secteur informel. Dans la même optique, la banque opère le même type d’action auprès de structures privées et publiques (écoles de formation, forces armées…), pour l’enrôlement de leur personnel.
Comment cette stratégie se décline-t-elle chez NSIA Banque CI ?
Léonce Yacé – Notre engagement dans l’effort de bancarisation des populations ivoiriennes se traduit par une stratégie de proximité territoriale. Nous conservons une approche « terrain » ambitieuse, qui se décline dans un réseau de 84 agences et de plus de 210 points de distribution, types DAB ou GAB de dernière génération, répartis dans tout le pays. Quatre de nos agences sont entièrement dédiées à la clientèle des professionnels et des entreprises et un camion mobile permet de desservir les zones non couvertes par nos agences physiques. Cela fait de nous l’un des premiers réseaux bancaires de Côte d’Ivoire, avec 12 % de couverture du réseau national. D’ici quelques mois, nous avons le projet d’ouvrir de nouvelles agences sur le territoire national.
Depuis quelques années, il y a des mutations majeures dans la consommation de services. Cette tendance s’est accélérée avec la crise du COVID-19. Nos clients attendent désormais un accès multicanal. Nous avons à ce titre un centre de relation client disponible 24/7 par téléphone. Nous mettons également à la disposition de nos clients, une offre digitale à travers une adresse email dédiée et des comptes de réseaux sociaux pour une prise en charge en temps réel de notre clientèle, qui s’additionnent bien évidemment aux implantations physiques précitées.
La dernière étape pour accroître le taux de bancarisation repose sur notre capacité collective à nous adresser à toute la population ivoirienne. Nous avons en effet une population très hétéroclite, avec des particularités et des besoins spécifiques, auxquels nous devons répondre avec une politique de tarification souple et agile. Nous nous sommes ainsi attachés à proposer une gamme de produits et services affinitaires qui s’adresse au plus grand nombre : à la fois aux paysans ; aux travailleurs du secteur informel ; aux étudiants ; aux fonctionnaires apprenants, boursiers et titulaires ; aux salariés du privé, en passant par les professions libérales… Le but est d’équiper tous nos segments de clientèle avec des produits et services essentiels, grâce à nos offres de comptes en formules packages à moindre coût.
Aujourd’hui plus de 90% des comptes particuliers ouverts chez nous sont en formules packages. Outre le compte, chaque client titulaire d’un package détient un moyen de paiement, un produit d’assurance non vie et un accès aux services de banque à distance NSIA Banque Direct, le tout à un coût fixe connu à l’avance par le client. Il n’y a donc pas d’effet de surprise en fin de mois. Cette approche, déjà éprouvée sur le segment de la clientèle des particuliers, sera réalisée sur le segment des PME avec le lancement prochain de nouveaux packages intégrant des services financiers et non financiers.
Comment le secteur bancaire africain peut-il encourager et soutenir une croissance durable et contribuer à répondre aux objectifs climatiques ?
Léonce Yacé – Le secteur bancaire sera en effet incontournable pour une croissance durable et pour contribuer à atteindre les objectifs de nos pays en matière de protection de l’environnement. Je vois ici deux approches principales.
Nous devons d’abord faire connaitre l’Investissement Socialement Responsable (ISR), qui a l’avantage de combiner les préoccupations de rentabilité aux enjeux environnementaux et sociaux. Nous nous sommes d’ailleurs dotés, dès 2020 et avec l’appui de nos partenaires, d’un système de Gestion Environnementale et Sociale (SGES) dans le but de répondre aux préoccupations environnementales et sociales liées à notre activité de crédit. Grâce ce dispositif, la banque s’interdit de financer des projets présentant un risque environnemental et social irréversible ou pourra, à terme, décider de se désinvestir de certains secteurs d’activité à très fort impact environnemental et climatique. Quant aux projets financés par la Banque, ils doivent être conformes aux lois nationales et aux standards internationaux en matière environnementale et sociale.
Ensuite, j’ai de très bons espoirs dans le développement de la finance verte. Mitiger les impacts environnementaux et sociaux de ses investissements est évidemment positif. Mais il faut être plus ambitieux et chercher à financer des projets à forte valeur ajoutée environnementale. J’évoque ici spécifiquement des projets d’atténuation ou d’adaptation aux changements climatiques dans les domaines de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables, de l’agriculture biologique, ou encore du transport durable…. Nous disposons à ce titre, et avec l’appui de l’Agence française de développement (AFD), d’une ligne de crédit verte (dénommée SUNREF) d’un montant de 5 milliards de FCFA (7,5 millions d’euros), entièrement dédiée au financement des projets d’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Nous avons, depuis son lancement en juillet dernier, signé 14 lettres d’intention d’une valeur de 1,3 milliard de FCFA pour des projets de construction de centrales à biogaz ou d’installation de panneaux solaires dans l’industrie, la grande distribution ou encore le négoce.
Par ailleurs, NSIA Banque CI a depuis quelques semaines, obtenu à l’issue d’un long processus de sélection et d’analyse de ses engagements RSE, le label international « LUCIE », aligné sur les normes internationales de Responsabilité Sociétale et Environnementale ISO 26 000, qui vient attester de l’engagement de la banque à œuvrer pour un développement durable prenant en compte des critères essentiels tels qu’une gouvernance responsable, le respect des individus, la qualité de vie au travail, la protection des ressources naturelles, l’éthique des pratiques, la responsabilité ou encore l’engagement pour l’intérêt général. Il s’agit d’un ensemble de bonnes pratiques que nous avons intégrées depuis quelques années à nos principes de fonctionnement.
La numérisation du secteur bancaire en Afrique apparaît comme une priorité pour répondre aux nouveaux usages des clients, au fur et à mesure que la fracture numérique tend à se résorber sur le continent et que la digitalisation progresse. Comment NSIA Banque répond-elle à ces enjeux ?
Léonce Yacé – Le développement des canaux de distribution en ligne accélère les exigences du consommateur. Les clients sont aujourd’hui mieux informés, plus éduqués et n’hésitent pas à partager leur retour d’expérience et par conséquent à sanctionner les marques et les organisations. Pour répondre à ces enjeux et dans l’optique d’être une banque digitale de référence, nous avons amorcé notre chantier de transformation qui aura pour but de faire évoluer nos offres et services et d’assurer notre pleine participation dans le nouvel écosystème digital. La matérialisation de cette transformation digitale s’effectuera à travers la mise en œuvre d’un ensemble de projets structurants alignés sur les cinq axes définis dans le Plan Stratégique Altitude 2022-2026.
Nous avons d’ores et déjà mis en œuvre une nouvelle plateforme monétique qui permettra d’offrir de nouveaux services et produits à partir de nos guichets tels que les paiements de facture, les retraits sans carte, les recharges de carte prépayée, les virements de compte à compte, les dépôts en espèce et les dépôts de chèque…. Dans un futur très proche, nous allons aussi lancer une nouvelle application mobile pour particuliers, qui aspire à réinventer l’expérience client autour du mobile. Les objectifs seront de nous rapprocher et proposer de meilleurs services à nos clients par le biais d’un canal simple d’échange et de support, ainsi que de leur offrir une autonomie complète pour qu’ils puissent effectuer leurs opérations de manière sécurisée, conviviale et rapide.
Mr Yacé, nous savons de source sure que vous êtes particulièrement investi dans le football ivoirien. Quel regard portez-vous sur la CAN 2023, qui sera organisée par la Côte d’Ivoire, notamment en termes d’infrastructures ?
Léonce Yacé – Le football est l’un des piliers autour desquels je me suis construit, comme jeune sportif, jeune supporter, jeune dirigeant. Chaque étape importante de mon parcours coïncide avec un évènement sportif important ou me renvoie à un acteur sportif important. C’est donc tout naturellement que devenu dirigeant de banque, j’ai souhaité m’investir dans le monde associatif sportif pour participer au développement du football ivoirien.
La Can 2023 qui se tiendra début 2024 est un rendez majeur pour notre pays. Vous n’êtes pas sans savoir que la Côte d’Ivoire est en chantier pour se doter d’infrastructures routières, sportives et hôtelières permettant de bien accueillir l’Afrique sportive. C’est une opportunité qui s’offre à notre pays pour rattraper un retard accusé en matière d’infrastructures sportives. Nous pourrons prendre un nouveau départ et établir un projet de relance du sport ivoirien à partir de l’héritage de cette CAN.
La CAN est aussi l’occasion toute trouvée de développer des relations d’affaires dans un contexte qui réunit des acteurs du continent et du monde autour d’une passion commune. Sur le plan purement sportif, nous espérons voir nos éléphants atteindre le dernier carré et faire le plein de confiance pour viser une participation à la coupe du monde 2026.