“Au Sahel, les prix de certaines céréales ont augmenté de 50%”
Dr Robert Guei est depuis janvier 2019 Représentant de la FAO au Sénégal et Coordonnateur sous-régional pour l’Afrique de l’Ouest. Dans cet entretien, l’expert ivoirien, titulaire d’un Doctorat en Génétique et amélioration des plantes de l’Université de l’Etat de Kansas (Etats-Unis), nous éclaire sur le contexte de la disponibilité des céréales en 2922-2023.
Quelles sont les prévisions des denrées de base sur le marché international ?
Selon les prévisions de la FAO, la production, l’utilisation, les stocks et le commerce de céréales dans le monde devraient se contracter en 2022-2023. En effet, les productions mondiales de céréalières (2 768 millions de tonnes) en 2022-2023 cèdent 5,9 millions de tonnes et descendent à un niveau inférieur de 1,7% à celui de 2021. Il est important de noter que l’utilisation de céréales connaitrait une baisse de 8,7 millions de tonnes soit 0,5% par rapport 2021-2022 et les stocks mondiaux de céréales à la clôture des campagnes de 2023 devraient tout de même se contracter de 1,6 % par rapport à leur niveau d’ouverture. Par ailleurs, des contractions sont attendues pour les échanges de toutes les céréales principales selon les prévisions de la FAO concernant les échanges mondiaux de céréales en 2022-2023, un fléchissement de 2,4 % par rapport au niveau de 2021-2022 et devraient s’établir à 467 millions de tonnes. La baisse des récoltes de maïs est à l’origine de ce recul des exportations prévu dans ces trois pays exportateurs majeurs (Argentine, d’Ukraine et des États-Unis d’Amérique).
Les prévisions concernant les échanges mondiaux de blé indiquent une baisse de 1,9 % en 2022-2023 (juin-juillet) par rapport au niveau enregistré en 2021-2022. On prévoit à présent un léger tassement des échanges internationaux de riz en 2023 (janvier-décembre), qui devraient descendre à 53,0 millions de tonnes, soit une baisse de 1,4 % par rapport au niveau estimé pour 2022.
Globalement, l’on constate une tendance baissière des prix des denrées alimentaires au niveau international pour le sixième mois consécutif ; toutefois, les prix des céréales d’autres produits alimentaires tels que le blé et le riz restent élevés au niveau de la région de l’Afrique de l’’Ouest et du Sahel
Quid du cas particulier du Sahel où l’on sent déjà, courant 2022, un risque de pénurie de certaines céréales et un manque des engrais ?
Au Sahel et en Afrique de l’Ouest, le fonctionnement des marchés régionaux est globalement normal sauf dans les zones très affectées par l’insécurité civile. Les disponibilités alimentaires sont en baisse dans la plupart des pays, mais elles s’améliorent progressivement avec la mise sur le marché des premières récoltes. Cependant, la tendance haussière des prix des denrées se maintient dans tous les pays, en particulier pour les produits locaux et le blé. Les hausses importantes de prix (plus de 50 % par rapport à la moyenne) sont observées au Burkina Faso, au Mali, au Ghana, en Sierra Leone, au Libéria et au Nigeria.
Les prix des fertilisants sont en hausse en raison des difficultés d‘approvisionnement liées à la perturbation des chaînes d‘approvisionnement du fait du conflit russo-ukrainien et de l’effet négatif de la hausse du coût du transport local consécutive à celle des hydrocarbures dans tous les pays de la région. Cela pourrait jouer négativement sur la production de 2022-2023 et engendrer ainsi la pénurie alimentaire sur les marchés. Certains produits agricoles sont dépendants de types d’engrais spécifiques. Par exemple au Ghana, selon le programme PFJ (Planting for Food and Jobs), les cultures céréalières dépendent fortement de l’engrais Azote, Phosphore et Potassium (NPK), tandis que le cacao utilise principalement le NPK 0-23-19. Si un approvisionnement adéquat de ces catégories d’engrais n’est pas assuré, la conséquence immédiate serait un déficit de production plus important pour les produits concernés, puisque les projections faites sur la baisse de la production n’avaient pas pris en compte l’indisponibilité de ces engrais.
Quel est le rôle de la FAO dans la réduction des vulnérabilités et l’amélioration de la sécurité alimentaire ?
A huit années de l’horizon 2030 des Objectifs pour le Développement Durable (ODD), notamment de l’ODD2, les conflits, les chocs climatiques et les chocs économiques, entre autres, associés au coût élevé des aliments nutritifs et aux inégalités croissantes, continuent encore de limiter l’accès de millions de personnes à une alimentation saine, suffisante et nutritive à travers le monde.
De par son mandat, la FAO à travers des investissements et des conseils aux gouvernements et aux producteurs promeut la transformation des systèmes agroalimentaires actuels afin de les rendre plus résilients et plus aptes à fournir des aliments nutritifs à moindre coût et une alimentation saine, abordable, et ce de façon durable et inclusive. Par ailleurs, considérant la complexité et l’importance de la prévention dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, la FAO collabore avec plusieurs partenaires clés pour améliorer les systèmes d’information et d’alerte précoce, notamment l’Integrated Food Security Phase Classification (IPC) et le Cadre Harmonisé.