Exclusif. Pour solder un redressement fiscal, le groupe BCP vient de conclure une transaction avec la Direction Générale des Impôts (DGI) pour un montant d’un milliard de dirhams, soit 100 millions de dollars. La divergence des règles fiscales de provisionnement des créances en souffrance avec la réglementation de Bank Al-Maghrib continue à faire peser un gros risque fiscal sur les banques marocaines. Un travail de convergence est annoncé pour l’année prochaine.
Les banques marocaines ne sont pas que de gros contributeurs aux recettes fiscales, elles sont également, des « bons clients » pour les inspecteurs des impôts. A chaque « visite » chez l’une ou l’autre, le tableau de chasse des fantassins du fisc est souvent bien garni. A l’issue d’une lourde opération de vérification de sa comptabilité, le groupe BCP, maison-mère de la Banque Atlantique, vient de conclure un accord amiable avec l’administration fiscale pour un montant d’un milliard de dirhams, soit 100 millions de dollars ! C’est l’une des plus grosses moissons de ces dernières années, mais qui reste dans les « standards » que l’on retrouve dans le secteur bancaire et financier. A l’instar des 90% des sociétés contrôlées au Maroc, le groupe BCP a préféré signer tout de suite un gros chèque au Trésor plutôt que de se lancer dans une procédure de recours à l’issue incertaine. Comme souvent dans ce type de transaction, la banque a sans doute obtenu une petite ristourne sur le montant initial que lui réclamait le fisc. C’est surtout le poste « provisions pour créances en souffrance » qui concentre le risque fiscal auquel sont exposées les banques marocaines. L’enquête de Financial Afrik confirme en effet que le milliard de dirhams que la BCP va payer au fisc provient essentiellement de la divergence des règles fiscales en matière de provisionnement avec la réglementation de la banque centrale (Bank Al-Maghrib) à laquelle sont soumises les banques et les sociétés de financement au Maroc. Au sens de la Circulaire 19/G de Bank Al-Maghrib, toute créance qui présente un risque de non-recouvrement total ou partiel, eu égard à la détérioration de la capacité de remboursement immédiate et/ou future de la contrepartie relève de créances en souffrance. A la moindre alerte, les banques sont tenues de constituer des provisions comptables afin de ne pas entamer l’image fidèle du bilan. A l’occasion d’inspections régulières qu’effectuent ses équipes dans les établissements financiers, la banque centrale veille particulièrement sur cette instruction car elle n’est pas toujours observée, certaines banques étant tentées par des « accommodements » afin d’afficher le meilleur résultat. Ces provisions comptables sur les créances en souffrance ne sont pas fiscalement déductibles, la réglementation fiscale obéissant avant tout à l’impératif de mobiliser le maximum de ressources pour le budget de l’Etat. Elles ne peuvent l’être qu’à la condition d’avoir engagé un recours judiciaire à l’égard du ou des clients défaillants dans les 12 mois suivant la clôture de l’exercice. La seule exception à cette règle concerne les créances de moins de 2.500 dirhams (250 dollars). Or, vu le nombre de clients dans le portefeuille d’une banque, cette exigence n’est pas réaliste et n’est plus adaptée ni pour les banques, ni pour les inspecteurs des impôts qui sont contraints d’y consacrer « une énergie folle », confie une source proche du dossier. Le réaménagement de ces règles fiscales de provisionnement des créances en souffrance est bien à l’étude à la Direction Générale des Impôts (DGI). La condition d’une action en justice adossée à la déductibilité fiscale sera révisée. Le schéma envisagé est de répartir le portefeuille des créances douteuses en deux catégories, celle de gros clients dont les seuils feront l’objet de négociations, et le reste, c’est-à-dire, les créances de « moindre importance ». Pour cette deuxième catégorie, les règles fiscales vont s’aligner sur la réglementation de la banque centrale en matière de provisionnement. La déductibilité des créances en souffrance de grands comptes resterait soumise à une poursuite en justice. Il s’agit donc de couper la poire en deux. Le puissant patronat bancaire marocain- le Groupement professionnel des banques du Maroc a toujours milité pour un alignement total des règles fiscales de provisionnement des créances en souffrance sur celles de la banque centrale. Il remet cette requête constamment sur la table d’autant plus que le recouvrement par voie judiciaire est un vrai cauchemar car trop coûteux en énergie et en argent.
ENCADRE
Provisions : Que dit la réglementation de Bank Al-Maghrib
Selon le risque adossé, les créances en souffrance sont subdivisées en trois sous-catégories : créances pré-douteuses, créances douteuses et créances compromises. La règle générale est la suivante : dès le premier impayé, il faut provisionner. Ce que ne font pas toujours les banques, l’enjeu étant d’afficher le meilleur résultat possible.
Les créances pré-douteuses correspondent aux catégories suivantes :
Les encours des crédits amortissables dont une échéance n’est pas réglée 90 jours après son terme ; les encours des crédits remboursables en une seule échéance qui ne sont pas honorés 90 jours après leur terme ; les loyers des biens donnés en crédit-bail ou en location avec option d’achat, qui ne sont pas réglés 90 jours après leur terme ;
. Les encours des crédits par décaissement et/ou par signature consentis à des contreparties dont la situation financière ne peut être évaluée faute de disponibilité de l’information ou de la documentation nécessaires à cet effet ;
. Les encours des crédits par décaissement et/ou par signature dont le recouvrement total ou partiel est, indépendamment de tout impayé, susceptible d’être mis en cause en raison de considérations liées à la capacité de remboursement du débiteur, des événements qui concernent les principaux dirigeants ou actionnaires (décès, dissolution, mise en liquidation,…), l’existence de problèmes de gestion ou de litiges entre les associés ou actionnaires ou des difficultés au niveau du secteur d’activité dans lequel opère la contrepartie.
Font partie des créances douteuses : les soldes débiteurs des comptes à vue qui n’enregistrent pas, pendant une période de 180 jours, de mouvements créditeurs réels couvrant au moins le montant des agios imputés à ces comptes ainsi qu’une partie significative desdits soldes débiteurs ;
. Les encours des crédits amortissables dont une échéance n’est pas réglée 180 jours après son terme ; Les encours des crédits remboursables en une seule échéance, qui ne sont pas honorés 180 jours après leur terme ;
Les loyers des biens donnés en crédit-bail ou en location avec option d’achat, qui ne sont pas réglés 180 jours après leur terme ; Les encours des crédits par décaissement et/ou par signature consentis à des contreparties déclarées en redressement judiciaire ;
Les encours des crédits par décaissement et/ou par signature dont le recouvrement total ou partiel est, indépendamment de tout impayé, incertain compte tenu de la dégradation de la situation de la contrepartie.
Dernier sous-groupe des créances en souffrance, les créances compromises regroupent les catégories suivantes : les soldes débiteurs des comptes à vue qui n’enregistrent pas, pendant une période de 360 jours, de mouvements créditeurs réels couvrant au moins le montant des agios imputés à ces comptes ainsi qu’une partie significative desdits soldes débiteurs ;
Les encours des crédits amortissables dont une échéance n’est pas réglée 360 jours après son terme ; les encours des crédits remboursables en une seule échéance qui ne sont pas honorés 360 jours après leur terme ; les loyers des biens donnés en crédit-bail ou en location avec option d’achat qui demeurent impayés 360 jours après leur terme ;
Les encours des crédits par décaissement et/ou par signature dont le recouvrement total ou partiel est, indépendamment de l’existence de l’un des critères de classement susvisés, peu probable du fait de considérations telles que la perte, par la contrepartie, de 75% ou du tiers de sa situation nette, selon qu’elle est constituée, respectivement, en société anonyme ou sous une autre forme de sociétés, lorsque l’assemblée générale extraordinaire ne s’est pas réunie, dans les délais légaux requis, pour décider de la continuité de l’activité ; – l’introduction d’une action en justice, à l’encontre de la contrepartie pour le recouvrement des créances,
la contestation, par voie judiciaire, de la totalité ou d’une partie des créances par la contrepartie, la cessation d’activité ou la liquidation judiciaire de la contrepartie et enfin, la déchéance du terme ou, en matière de crédit-bail ou de location avec option d’achat, la résiliation du contrat.