L’Argentine frappée d’une inflation de 92,4%, d’un niveau de pauvreté de 40% et en défaut de paiement depuis la mi-2020, a remporté la finale de la Coupe du Monde de football au bout du suspens contre une France traversée par un débat identitaire sans précédent, le retour de l’inflation (6%) quoique maîtrisée comparée à l’Allemagne et l’inéluctable montée du macro-populisme incarné par l’extrême droite. En football, heureusement, toutes ces considérations attendent dans les vestiaires.
Comme il y a 36 ans, l’Albicéleste s’est faite rejoindre au score dans les dernières minutes grâce à un grand Mbappé qui, hier, sur le terrain, est devenu incontestablement le nouveau Pelé. La délivrance va sans doute booster le BNB (Bonheur national brut) de l’Argentine, mais n’aura pas à priori d’emprise sur une dette équivalent à 55% du PIB et libellée en devises étrangères. C’est le péché originel des pays émergents.
La France, elle, avec une dette de plus de 113% du PIB, soit presque deux fois le plafond du traité de Maastricht, rembourse largement en euros et dollars et peut faire tourner la quantitative easy via la BCE. La vraie dette, c’est finalement le service de la dette. Les créanciers, y compris les prêteurs à gages, y regarderont à deux fois avant d’accorder du crédit à Buenos Aires en défaut de paiement mais n’hésiteront pas une seconde sur la France, pourtant plus endettée. Bref, la qualité de la signature joue un rôle aussi important en économie que Messi et Mbappé dans leurs équipes.
Heureusement que sur le terrain, la différence de revenus entre Français (PIB par habitant de 43 529 dollars) et argentins (10 729 dollars) est nulle, laissant la décision aux seuls joueurs et, aussi, aux dieux du football.
En 1986, Maradona avait d’une pichenette envoyé la passe décisive à Bourchaga dans les derniers instants du match. En 2022, Messi a fusillé le gardien français dans les prolongations avant de se faire une nouvelle fois rattrapé par un penalty rageur de Mbappé, encore lui.
Dans la fosse aux lions, ce combat épique entre les Argentins et les Français pouvait se résumer à un chassé croisé entre Lionel Messi, le grand artiste qui règne sur le football mondial depuis douze ans et Kyllian Mbappé, l’étoile montante du football français, déjà champion du monde depuis 2018, et qui méritait tout autant que son aîné et alter ego, le sacre.
Cette finale, sans doute la plus belle depuis 1930, conclut une belle Coupe du Monde. Le Qatar quant à lui (PIB par habitant de 62 000 dollars grâce, Africains réveillons-nous, à une bonne gestion des ressources gazières), marque un sans faute et fait taire les nombreuses critiques qui lui déniaient le droit d’abriter le tournoi. Victoire du Qatar et défaite du boycott sur canapé. Victoire du monde et défaite de l’européo-centrisme.
Quant à l’Afrique, elle a surtout brillé à travers l’équipe du Maroc, demi-finaliste, une toute première pour le continent. Les Lions de l’Atlas sont la révélation du tournoi. Attention, il ne s’agit pas du hasard au vu de la réforme du football marocain, de la professionnalisation de ses clubs et de la qualité de ses infrastructures.
Derrière, le Sénégal, sortie aux huitièmes de finale, a déçu. Privé de son meneur de jeu Sadio Mané, le champion d’Afrique, sorti par l’Angleterre, descend des nuages et doit profiter de ce retour sur le terrain de la réalité pour aborder le football comme une filière économique à part entière.
Le Cameroun a signé l’une des surprises de ce tournoi en battant le Brésil tout comme la Tunisie, qui a dominé la France. Mais ces deux pays ainsi que le Ghana ont illustré l’inconstance du football africain, capable d’exploit mais jamais de constance. Sans championnats nationaux performants, pas d’équipes nationales performantes.
Maintenant que la Coupe du Monde est terminée, il faudrait trouver encore un opium plus puissant que le foot et la religion pour contenir les mécontentements populaires devenus structurels. Que dire donc de ces enquêtes annoncées à grands renforts de publicité sur la corruption du parlement européen par (encore) le vilain petit Qatar ? Encore un match ?