En 2008, la crise des subprimes emportait en quelques tours d’horloge la vénérable Lehman Brothers et tirait nombre de loups de Wall Street de la douce symphonie de l’argent facile de la Bourse/casino. Le système financier américain en entier était menacé d’effondrement et il fallait le sauver. Les banques centrales délièrent alors les cordons de la bourse et lancèrent la quantitative easy devenue une mode sur les deux rives de l’Atlantique. En 2022, la crise est encore là. Sous la forme d’une forte inflation partie de la guerre engagée par la Russie contre l’Ukraine et de ses conséquences sur les marchés des céréales et de l’énergie au point que l’Allemagne en revint au charbon et que le gaz devint propre.. Cette fois-ci les banques centrales resserrèrent la ceinture et prônèrent le relèvement des taux.
Les deux contextes sont différents. “Dans le premier cas, nous avions affaire à un malade qu’il fallait diagnostiquer avant de traiter. Dans ce cas-ci, nous sommes confrontés à une hémorragie et il faut la stopper. Sinon le malade meurt”. Cette comparaison est d’un certain Abdelatif Jouahri, gouverneur de Bank Al Maghrib et doyen des gouverneurs de banques centrales africaines par l’âge et la longévité au poste.
Pour cet orthodoxe rétif à la planche à billet et au macro- populisme, le rôle fondamental de la banque centrale est de préserver la stabilité des prix. Si la mesure de l’inflation est une affaire de spécialistes, ses répercussions sur le pouvoir d’achat affectent tous les segments de la société. D’où, avertit le gouverneur en marge du récent symposium célébrant les 60 ans de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), de tout faire pour stopper l’hémorragie. Cet objectif est le fait macroéconomique dominant de l’année 2022 marquée par l’espoir de la reprise post- pandémie et les craintes d’une guerre russo-ukrainienne qui s’éternise et s’élargisse au reste du monde.
L’année 2023 se vivra sans doute au rythme de ces deux réalités et à la capacité de la Chine à faire triompher ou non sa politique “zéro Covid” finalement abandonnée.
En Afrique plus qu’ailleurs, outre une actualité politique toujours compliquée par le retour de l’armée au Mali et en Guinée et le risque réel d’embrasement dans la région des Grands Lacs, il y’a surtout le mur de la dette à surveiller dans un contexte d’inflation et de hausse des taux. La Zambie en 2022 (un problème apparemment réglé ) et le Ghana en 2023 constituent à eux deux des cas d’école. A vrai dire, les rendements des eurobonds africains ont fortement augmenté ces derniers mois.
Perte de confiance du marché ou pure spéculation de quelques fonds vautours ? Les deux sans doute . Pour sûr, en 2023, le service de la dette sera encore, en dépit du cadre négocié du G20, le tout premier poste des budgets des États africains. Pourvu que cela ne soit pas au détriment de l’investissement productif dans l’énergie, l’eau potable, les routes, les infrastructures de télécommunication et, bien entendu, la santé et l’éducation.