Au plus fort de la crise du Covid-19, le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) a mobilisé 21,1 milliards de FCFA pour les entreprises sénégalaises, ce qui a permis de préserver 24.310 emplois, révèle Thérèse Faye Diouf, administratrice générale du Fonds. En tant que tiers de confiance, la mission stratégique du Fongip est d’assoir une relation d’affaires durable entre les institutions financières et les PME en brisant le mur de méfiance qui entoure souvent les relations entre ces deux parties. Il y a du boulot. Son administratrice générale, Thérèse Faye Diouf, à la tête du Fongip depuis deux ans, en est consciente tout en estimant que le bilan des actions du Fonds est largement positif. Dans une récente estimation, la Banque mondiale relevait qu’il manque un milliard de dollars pour faire face aux difficultés de financement rencontrées par les PME et les toutes petites entreprises (TPE) sénégalaises.
En quoi consiste les missions du Fongip et à quels défis est-il confronté ?
Thérèse Faye Diouf : Le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) est un organisme public de garantie créé en 2013 pour répondre spécifiquement à la problématique du financement des petites et moyennes entreprises (PME). La création du Fonds répond à la demande exprimée par les acteurs économiques, de disposer d’un instrument de garantie qui constituait le chaînon manquant du système financier sénégalais. Ses principales missions sont l’octroi de garanties pour les prêts de financement, la bonification des prêts des institutions financières en faveur des PME, des groupements de femmes et de jeunes, le conseil et l’assistance technique en faveur des entreprises bénéficiaires de sa garantie et la gestion de fonds pour le compte de tiers.
Le Fongip intervient naturellement en complémentarité avec le secteur financier et les autres instruments de l’État, dans le but de mobiliser des ressources financières destinées au financement des PME, en apportant un meilleur confort aux institutions financières. Il constitue dès lors une réponse innovante et adaptée en permettant d’atténuer les risques liés à l’octroi des crédits aux PME, de compléter le dispositif d’intervention du secteur financier en faveur des PME et de favoriser une réduction du coût du crédit.
Quel est aujourd’hui l’impact réel du Fonds sur les petites entreprises sénégalaises ?
Le Fongip est une jeune institution, mais sa pertinence est reconnue sur le plan national. Son modèle d’intervention lui a permis d’avoir un positionnement stratégique dans le paysage économique et financier du pays. Pendant la crise liée à la pandémie de Covid-19 qui a engendré davantage de besoins de financement du secteur privé, le Fongip a assuré,
pour le compte de l’Etat, la gestion du mécanisme de financement des entreprises dans le cadre du programme de résilience économique et sociale. Il a, à cet effet, mobilisé 21,1 milliards de FCFA (31,9 millions de dollars) pour les entreprises sénégalaises, ce qui leur a permis de préserver 24.310 emplois. Depuis sa création en 2013, le Fonds a apporté 10.507 concours de garantie et de prêts de refinancement aux systèmes financiers décentralisés (SFD) pour une valeur de 39,87 milliards de FCFA (60,4 millions de dollars).
Par ailleurs, le Fongip gère actuellement les mécanismes innovants de financement dans le cadre de projets et programmes conclus par l’Etat du Sénégal avec les partenaires au développement. Parmi ces projets et programmes, je peux citer le projet Emplois, Transformation Economique et Relance financé par la Banque Mondiale avec une enveloppe de 25 milliards de FCFA (37,9 millions de dollars) destinée à la garantie des banques et des systèmes financiers décentralisés, le programme d’appui à l’accélération industrielle, à la compétitivité et à l’emploi (PAAICE) soutenu par la BAD. Il est doté de 20 milliards de FCFA.
A noter aussi le programme de construction des 100.000 logements avec une ligne de garantie d’au moins 40 milliards de FCFA (60,6 millions de dollars) mobilisée par le Fonds de l’habitat social à travers le Fonds de garantie pour l’accès au logement (Fogalog). Lequel devrait également être accompagné par la Banque Mondiale, à hauteur de 45 millions de dollars à partir de 2023 dans le cadre du Projet d’appui au logement abordable.
De ce que vous observez sur le terrain, à quoi tiennent les difficultés rencontrées par les PME pour accéder au crédit ?
Les PME constituent pratiquement 99% du tissu économique sénégalais, mais elles ne reçoivent qu’environ 10% des ressources de financement bancaire. Les raisons sont diverses et sans être exhaustif, on peut en citer : l’absence de garanties suffisantes pour couvrir le risque supporté par les banques, l’asymétrie de l’information financière, l’insuffisance de qualité dans les dossiers de financement des entreprises et l’insuffisance des capitaux propres.
C’est ce qui justifie, dans une large mesure, l’intervention du Fongip pour lever les contraintes à l’accès des PME aux sources de financement à travers un mécanisme d’incitation, de partage des risques et de réduction du coût du crédit. Le but recherché par le Fongip est d’instaurer un climat de confiance entre les institutions financières et les PME, afin d’asseoir entre elles une relation d’affaires durable.
Qu’est-ce qui explique la cherté de la formalisation des PME au Sénégal ?
Aujourd’hui au Sénégal, l’on ne peut pas parler objectivement de cherté de la formalisation des PME. Car il faut le dire, pour s’en féliciter, le Président de la République, a pris des mesures incitatives pour tout acteur désireux de créer une entreprise. Il a aussi mis en place un dispositif d’appui à la formalisation et au développement des entreprises.
Ces mesures concernent l’allègement des procédures de création et de formalisation à travers la mise en place d’un guichet unique permettant la création d’une entreprise en 24 heures et la réduction du montant de capital social minimum requis pour les SA et les SARL. Les structures d’appui non financier, telles que l’APIX, l’ADEPME, le Bureau de Mise à Niveau (BMN), les centres de gestion agréés (CGA) fournissent l’assistance nécessaire à la structuration des projets et des dossiers de financement, à la production d’une information financière et comptable de qualité, entre autres. Les structures d’appui financier comme le Fonsis, le Fongip, la BNDE, la DER/ FJ continuent à faciliter l’accès au financement en termes de garantie, de fonds propres ou de fonds d’amorçage. Tout pour dire qu’au Sénégal, cette question tend à être dépassée surtout dans un contexte de synergie et de complémentarité des actions des différents instruments pour contribuer au développement du secteur privé et à la relance de l’économie.
Vos assurances contrastent avec le vécu des petits opérateurs et des PME pour qui, c’est toujours la galère au guichet des banques.
Le risque zéro n’existe pas. Donc, il y a un risque que supporte une banque, à chaque fois qu’elle octroie un crédit à un client, malgré toutes les garanties accordées. L’objectif de la banque, à travers les garanties exigées, est d’essayer de minimiser ce risque de crédit. Il faut également noter que les banques sont soumises à des exigences prudentielles en termes de mobilisation de fonds propres et de provisionnement sur les crédits qu’elles accordent afin de couvrir des pertes éventuelles en cas de défaut de paiement.
D’ailleurs, la réalisation de certaines garanties notamment hypothécaires n’est pas toujours facile et engendre des coûts, même si ces derniers sont imputés au client défaillant. D’où l’importance d’une institution de garantie comme le Fongip qui permet le partage des risques supportés par les banques afin d’alléger les conditions d’accès au financement pour les entreprises.
Et pourquoi les taux d’intérêt sont si élevés ?
Les banques seraient mieux placées pour répondre à votre question. Seulement, il faut noter que les banques sont, avant tout, des entreprises à but lucratif et leur tarification dépend principalement du coût de leurs ressources, du coût des risques, de leurs coûts opérationnels et de leurs marges.
L’on peut dire, sans vouloir donner une justification quelconque, que c’est sûrement pour couvrir ces coûts que les banques fixent le taux d’intérêt leur permettant de réaliser un profit.
Pour favoriser une baisse du taux d’intérêt, le Fongip propose un mécanisme de garantie en cash collatéral permettant aux banques de mobiliser des ressources à un coût relativement faible et de réduire leur coût du risque. Ce dispositif a permis aux partenaires d’appliquer un taux d’intérêt inférieur à 9% sur des opérations de crédit facturées en moyenne à 13% ou 14% sur le marché.