« Nous affichons des taux significatifs de croissance d’inclusion financière et la meilleure performance dans la zone UEMOA »
En conseil des ministres le 18 janvier 2023, la ministre togolaise chargée de l’Inclusion financière et de l’Organisation du secteur informel a présenté les chiffres de l’inclusion financière dans le pays qui devient le champion régional en la matière. Dans cet entretien exclusif accordé à ‘Financial Afrik’, Mazamesso Assih commente ces données et relève les différentes initiatives ayant propulsé son pays à ce niveau. « Sans inclusion, aucune croissance économique n’est durable », dit la ministre, précisant que le Togo affiche des « taux significatifs » de croissance d’inclusion financière et la « meilleure performance dans la zone UEMOA ».
Propos recueillis par Nephthali Messanh Ledy
Le Togo s’est inscrit depuis plusieurs années dans une dynamique d’inclusion financière en vue d’accompagner les populations les plus vulnérables exclues du système financier classique. Pourquoi tant miser sur ce volet dont vous êtes en charge du portefeuille ?
L’inclusion financière est le mécanisme ou l’instrument par lequel, on permet à toute personne en situation de vulnérabilité, de fragilité ou non, exclue des systèmes financiers au sens large d’y avoir accès d’une manière ou d’une autre. Soit par la facilité à créer un compte bancaire (épargne ou courant) ou l’accès au crédit pour une activité génératrice de revenu ou une entreprise, soit par l’accès à des solutions financières de toute nature (assurances, etc…), de paiement ou de protection. Somme toute, une gamme de services et de produits variés qui mettent tous les citoyens sur un même pied d’égalité en matière de services financiers de base. Ce n’est pas un thème nouveau (rires).
C’est alors une sorte de droit tel le droit à la santé ou à la sécurité que nous voulons mettre à la disposition de tout Togolais où qu’il se trouve conformément à la vision et à la volonté du chef de l’Etat. Et elle est considérée par la Banque mondiale comme un facteur de progrès pour 7 des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD). Le chef de l’État togolais SEM Faure Essozimna Gnassingbé a initié en 2014 un fonds dédié qui s’est progressivement transformé en Secrétariat d’Etat et depuis 2020 un département ministériel. C’est dire toute la place progressive de l’inclusion financière dans les stratégies et les politiques de développement économique et humain de notre pays.
Avant de revenir sur ce fonds que vous avez évoqué à l’instant, vous avez présenté, lors du dernier conseil des ministres tenu le 18 janvier, une communication relative à la situation de l’inclusion financière au Togo. Qu’en est-il aujourd’hui ?
C’est le deuxième conseil des ministres de la nouvelle année et comme les années précédentes, nous présentons à l’équipe gouvernementale la situation de notre pays en rapport avec nos pairs de la sous-région. Sans aucun doute, c’est aussi le moment de dresser un bilan partagé avec l’ensemble de l’équipe gouvernementale, de recueillir les orientations du conseil des ministres, de fixer le cap et de réajuster au besoin les priorités stratégiques en rapport avec la feuille de route gouvernementale 2020 – 2025.
A la fin de l’année 2022, le total du volume de crédit octroyé par le Fonds National de la Finance Inclusive (FNFI) est de 106,19 milliards FCFA pour plus de 1,83 millions de bénéficiaires.
Il ressort dès lors que nous affichons des taux significatifs de croissance d’inclusion financière et la meilleure performance dans la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine, Ndlr). Nous présentons un score global d’utilisation des services financiers de 85,72% en 2021 contre 82,59% en 2020, soit une avancée de 3 points devant le Bénin qui récolte 85,52%, et la Côte d’Ivoire avec 82,2%. Sur un autre indicateur tel que la bancarisation stricte, nous sommes passés de 26,95% en 2020 à 30,09% en 2021 ; alors que sur le taux élargi, le Togo a progressé de 4,14% points en une année, soit 84,18% en 2021 contre 80%. En soi, ces bonds qualitatifs reconnus par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) sont le couronnement des efforts consentis par notre pays sur cette problématique depuis 2014 sous le leadership du chef de l’Etat.
La preuve, à la fin de l’année 2022, le total du volume de crédit octroyé par le Fonds National de la Finance Inclusive (FNFI) est de 106,19 milliards de FCFA pour plus de 1,83 millions de bénéficiaires. Mais le plus intéressant reste le taux de remboursement : 94,45%. Il dénote de la confiance établie et entretenue depuis 2014 entre les bénéficiaires et le FNFI au point où en termes de taux global de pénétration démographique des services financiers, c’est-à-dire le nombre de guichets pour 10.000 habitants, le Togo se situe à 67 points en 2021.
Des chiffres somme toute en constante progression. A quoi est due cette progression aujourd’hui remarquable dans la sous-région, et qui fait du Togo un champion régional en la matière ?
Je dirai grâce à l’engagement du Président de la République pour le bien-être des concitoyens les plus vulnérables, mais aussi l’adhésion réciproque et totale de ceux-ci. Que ce soit dans son projet de société ou la feuille de route gouvernementale 2020 – 2025, l’inclusion financière est une priorité pour le Président de la République. Sans inclusion, aucune croissance économique n’est durable.
Permettez-moi de vous faire une confidence. C’est dans le doute et le scepticisme que le FNFI a été lancé dans notre pays. Malgré les craintes des différents partenaires et acteurs, le chef de l’Etat était déterminé à trouver une solution durable et pérenne à nos concitoyens les plus vulnérables. Vous conviendrez avec moi que dire à une institution financière de faire des crédits certes modestes mais sans garantie à des clients vulnérables pouvait passer pour une aberration pour des économistes classiques. Malgré tous les signaux techniques alarmants, le chef de l’Etat a fait confiance à sa population, a pris l’engagement devant les partenaires que notre pays serait à la hauteur et voire plus s’est porté garant pour supporter les pertes éventuelles. Neuf ans après, les résultats sont la hauteur de nos attentes voire plus. On arrose toujours un arbre par la racine.
Le Togo est le seul pays aujourd’hui de la sous-région à consacrer tout un département ministériel à la problématique du financement inclusif avec un accent particulier sur les couches les plus vulnérables.
Ensuite divers projets et réformes dont une Stratégie Nationale d’Inclusion Financière (SNIF) ont été initiés depuis lors pour proposer et faciliter l’accès à des services financiers adaptés selon les besoins, la position sociale et géographique et le secteur d’activité ; et du citoyen et des Très Petites et Moyennes Entreprises (TPME) opérant sur l’ensemble du territoire national. D’un crédit initial de 30.000 FCFA dans les Systèmes Financiers Décentralisés (SFD), le bénéficiaire en fin de cycle au Togo voit ses financements améliorés vers la banque classique grâce au produit dénommé N’KODEDE qui passe d’un plafond de 5 millions à 10 millions de FCFA (petite confidence bientôt 50 millions, nous dit la ministre) ou encore au Fonds de Relance des TPME. Par exemple pour l’année dernière, nous avons enregistré un volume de 4,935 milliards de FCFA pour un total de 47.975 crédits ; et toujours avec un taux de remboursement de 94,45% avec des mesures spécifiques pour certaines zones à l’instar de la région des Savanes.
Le Togo a réalisé d’énormes progrès dans le secteur de la finance inclusive.
Le FNFI lancé en 2014 aura donc été le moteur principal de cette progression des chiffres… Quel bilan dressez-vous de la structure aujourd’hui ?
Nous l’évoquions plus haut : en 9 ans d’existence (nous sommes dans la semaine de l’anniversaire des heureux bénéficiaires), le FNFI a impacté directement plus de 1,83 millions de personnes. C’est environ 13 produits et services innovants et adaptés, des concitoyens qui ont eu accès à des facilités pour amorcer des activités et une inclusion sociale renforcée, un cadre incitatif à l’accès et au financement de milliers de jeunes, de femmes et d’entreprises dans divers secteurs passant à de plus grande échelle, des opportunités d’emplois créées et la création en vue d’une banque digitale. L’indice synthétique d’inclusion financière du Togo est de 0,626 en 2021.
Le Togo met également en œuvre une Stratégie nationale d’assainissement du secteur de la microfinance. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Tel que les chiffres l’ont prouvé, le Togo a réalisé d’énormes progrès dans le secteur de la finance inclusive. Il est alors de bon ton de consolider la dynamique et de préserver les acquis mais surtout de se conformer à la réglementation communautaire en la matière. Nous avons déjà eu l’aval du conseil des ministres et du chef de l’État en septembre de l’année dernière pour la mise en œuvre des actions de la Stratégie d’assainissement du secteur de la microfinance portée par le régulateur du secteur, le ministère de l’Economie et des Finances. Avec mon collègue, nous nous employons à mettre en place dans notre pays un cadre d’intervention sain, qui permettra à tout Togolais d’avoir accès à des services financiers en toute sécurité, mais également permettre aux SFD de pouvoir bénéficier de tous les accompagnements de l’Etat pour jouer pleinement leur rôle. Trois mois après, les résultats ne peuvent être visibles mais nous vous y reviendrons.
Le gouvernement table aussi sur la création d’un observatoire de la qualité de services financiers. Pourquoi une telle initiative ?
Pour financer l’économie, il faut un écosystème financier à l’abri et protégé. Et les différentes crises subies ces dernières années l’ont démontré et nous confortent. Nous devons régulièrement interroger leurs modèles opérationnels pour plus d’efficacité et les prémunir contre d’éventuelles externalités et leurs conséquences. Il s’agit d’un dispositif, d’un organe inclusif visant à accompagner et encourager les établissements à la fois bancaires et financiers dans notre pays surtout dans un contexte de bancarisation élargie de masse et des approches digitales. Cet organe créé lors d’un conseil des ministres tenu à Kpalimé (ville située à 120 km au nord de Lomé, Ndlr) vient à juste titre définir la stratégie d’assainissement pour mieux accompagner nos populations et évaluer à temps leurs besoins.
Votre mot de la fin.
Le chef de l’Etat togolais a placé l’inclusion au rang des top priorités de sa vision et de sa gouvernance. C’est à raison que l’axe 1 de la feuille de route gouvernementale est dédiée à l’inclusion.
L’inclusion financière n’est pas qu’une action isolée à un moment donné, mais une charpente qui permet de sortir durablement les populations les plus vulnérables de la pauvreté. Il s’agit d’accompagner les Togolais de toutes les couches sociales et de leur faire prendre part à la construction de notre Nation en mettant les moyens à leur disposition. Dans un contexte marqué par l’accroissement des inégalités, l’impact des facteurs exogènes comme la Covid-19, la guerre en Ukraine ou encore les enjeux sécuritaires dans la sous-région, on peut dire que l’histoire lui donne raison. Car, comme vous le savez, la réponse à ce dernier défi n’est pas que sécuritaire. Elle doit être holistique. Et c’est que nous faisons.