Depuis les années 80, la Silicon Valley s’est imposée comme le centre mondial de l’innovation et représente aujourd’hui un absolu en termes de qualité de vie au travail. Au fil des années, la Silicon Valley est parvenue à représenter un absolu en termes de lieu de travail. Ses entreprises sont régulièrement classées parmi les meilleures où il fait bon travailler. Des entreprises comme Cisco ou Salesforce, Nvidia ou encore Workiva figurent parmi les 100 meilleurs environnements de travail du classement Fortune 100. Quelle est la réalité pour les employés de la vallée ? Mais qu’est-ce que ça demande de travailler dans la vallée? La franco-camerounaise Sherilyn Kamga, analyste stratégie pour l’éditeur de logiciel Talend revient sur le quotidien d’une entreprise de la Silicon Valley et démêle le vrai du faux.
Pour Sherilyn Kamga, travailler dans la Silicon Valley n’avait rien d’une évidence. La jeune parisienne de naissance aurait plutôt dû se retrouver à Shanghai ou Hong Kong, métropoles vers lesquelles semblaient la diriger son amour du chinois mandarin (pratiqué des le lycée) et une fascination pour l’Asie et ses mégapoles. Forte de sa licence en management, elle tente une première expatriation a Shanghai lors de son entree en fonction chez Sergent Major-Natalys, le leader français du textile pour enfants. Pendant six mois, elle s’occupe de la gestion logistique de la compagnie avant de rentrer en France pour se lancer dans un master en business et management. Après une parenthèse de six mois au sein du groupe Lagardère, elle cède encore à l’appel de l’Asie. Destination Taïwan où elle interviendra comme consultante au sein d’une PME locale. Mais l’expérience ne dure que deux mois cette fois-ci. Rapide retour par la case France avant de s’envoler vers la Californie, où elle s’engage au sein d’une entreprise française réalisant son rêve américain: Talend.
Voir Los Angeles et mûrir
Talend est un éditeur de logiciel spécialisé dans l’intégration de données. L’entreprise créée en 2006 par deux français, a son siège social à Redwood City en Californie. La société est connue pour son produit-phare Talend Open Studio for Data Integration et a été rachetée en 2021 par le capital-investisseurs américain Thoma Bravo LP pour 2.4 milliards de dollars. En 2019, l’entreprise est avide de ressources humaines de qualité et pour Sherilyn c’est le perfect match.
Quand elle entre au sein de Talend en tant que stagiaire, elle est tout de suite frappée par l’importance accordée aux soft skills, parfois au détriment des diplômes. «Ici, la facilité à communiquer, à s’intéresser au travail des autres, à comprendre la dynamique de l’entreprise et à aller au contact des autres est au moins aussi importante que le diplôme. Le plus important ce n’est presque pas de quelle université tu viens, mais comment tu t’intègres à l’ensemble» affirme-t-elle.
La jeune franco-camerounaise sera également marquée par la tendance de l’entreprise à pousser ses employés à sortir de leur zone de confort en rejoignant des projets ne relevant pas toujours de leur champ de compétences «Malgré ma expertise en finance et management, j’ai été amenée à piloter des projets stratégiques exigeants une connaissance pointue de notre technologie. J’ai également eu l’opportunité d’intervenir pour répondre à certains défis techniques rencontrés par les ingénieurs et à suivre les projets à la loupe, et pas seulement sur le volet financier.» déclare-t-elle.
Des diplômes et des succès
Passé l’étonnement initial, Sherilyn se met au travail et voit ses missions s’élargir. Initialement stagiaire chargée de la planification et de l’analyse financière des equipes techniques, elle passe très vite analyste et rejoint l’équipe de Talend à plein temps. En Avril 2022, elle devient analyste senior au sein du même département avant de rejoindre l’équipe Strategie en Novembre de la même année. Désormais, elle sera également en charge du Cloud financial management chez Talend. Concrètement, son travail consiste à suivre la planification stratégique de long terme de toute l’entreprise et a gérer l’utilisation des solutions Cloud de la compagnie.
Quand on lui demande quelles sont ses plus belles victoires, elle évoque la certification de Model builder obtenue pour l’outil Anaplan. «En arrivant chez Talend, je ne connaissais pas du tout l’outil et aujourd’hui je suis responsable du modèle de planning utilisé par Talend pour préparer les rapports financiers et le budget.» Affirme-t-elle.
Un engagement constant
Des journées de plus de 10 heures, un salaire à six chiffres, plus que confortable et justifié par une compétition féroce entre les entreprises pour garder leurs ressources humaines. Dans un contexte marqué par la sur-consommation de ressources qualifiées par les compagnies, les salaires peuvent vite atteindre des niveaux astronomiques. «Mais, attention, cela implique de l’employé, qu’il paye de sa personne et se dévoue pleinement à l’atteinte des objectifs de l’entreprise». indique-t-elle
Preuve de cet engagement à toujours aller plus loin, elle passe la Certification AWS Cloud Practitioner, et apprend le SQL. « Ici, tout est possible, si l’employée s’en donne les moyens.» Et ces moyens se trouvent dans la formation continue. Sherilyn, qui a rejoint la FinOps foundation, sait que son statut dépend de la valeur qu’elle apporte à son entreprise. Ainsi, elle se sert de ses compétences pour réduire les coûts de son entreprise, notamment les factures mensuelles dues à AWS et Azure, les deux leaders du cloud. Est-ce que la crise que traversent actuellement les géants de la tech et qui a abouti à des licenciements massifs l’inquiète? «Non, parce qu’il faut toujours chercher à augmenter sa valeur sur le marché et son apport à l’entreprise. At the end of the day, c’est la contribution de chacun aux chiffres de la boîte qui détermine qui reste ou qui part.»
Autre marque de cette culture d’entreprise particulière, la jeune femme n’arrive jamais à être totalement off. Ultra-connectée et gardant un toujours un œil sur sa messagerie, Sherilyn sait qu’elle peut être sollicitée à n’importe quel moment. «Je ne suis jamais vraiment partie, et je surveille toujours mes mails, même en vacances.» Un prix trop lourd? «On s’y habitue » affirme celle qui vit son rêve américain et ne se voit pas changer de vie de sitôt.