Si depuis quelques semaines le renouvellement des billets de banque au Nigeria semble susciter beaucoup d’interrogations et de soucis de mise en œuvre, on notera que, depuis le 15 décembre 2022, de nouveaux billets en Francs CFA sont en circulation en Afrique centrale et n’ont pas causé autant de problèmes… Bien sûr, pour certains, ces nouveaux billets perpétuent la Françafrique, tandis que pour d’autres, le Franc CFA reste un élément intégrateur et assure à la zone Franc africaine sa stabilité économique.
De nouveaux billets pour un nouvel élan
Un train, un avion, un élève au tableau ou un homme travaillant son champ, dessinés sur de larges billets. C’était la marque de fabrique des anciens Francs CFA dont certaines coupures historiques, de 5, 25, 100 ou 1000 sont visibles sur les sites des deux banques centrales en charge de leur circulation. Ils ne seront bientôt plus qu’un souvenir entre les mains des millions de citoyens. Ces Francs de la Communauté financière africaine (CFA), tels que nous les connaissions depuis 20 ans, sont en train d’être remplacés. De nouvelles coupures modernes viennent de voir le jour. Un changement de forme, mais pas de fond concernant de la politique monétaire, dans une Afrique qui a besoin de stabilité macro-économique.
Introduits par la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), ces nouveaux billets dits de « type 2020 » sont plus compacts, plus sécurisés et donc plus difficiles à falsifier. Pour la première fois, toutes les langues officielles en vigueur dans la zone Franc sont lisibles sur ces nouvelles coupures. Il s’agit notamment du français, de l’anglais, de l’arabe et de l’espagnol. Les populations ont jusqu’à mai 2024, pour échanger leurs anciens billets de la gamme 1992 à la banque. Le retrait des anciens billets de la gamme 2002, prendront plus de temps à être remplacés, leur retrait débutera en janvier 2024.
Au Tchad, par exemple, de nombreux foyers, peu informés sur les mécanismes des banques, gardent bien cachées, d’importantes sommes d’argent, qui sortent ainsi du circuit économique, ce qui constitue un manque à gagner pour l’économie. Le retrait progressif des anciens billets aura comme conséquence positive, la réinjection de cet argent et permettra de populariser les bonnes pratiques autour de la gestion de l’épargne.
Nouveaux billets : déjà les premières critiques
Mais malgré ces avantages, le pari n’est pas facile à gagner. Les billets à peine mis en circulation, les premières critiques s’entendent déjà. « Je me trompe souvent avec ces nouveaux billets surtout avec la coupure de 500 francs et celle de 1000 francs. Les couleurs sont presque identiques et il faut prendre du temps pour les distinguer », explique un fonctionnaire de l’État, au sortir d’une banque à N’Djamena, la capitale du Tchad. La mise en circulation est progressive, afin de laisser le temps à la population de s’adapter. Notamment celle vivant loin des centres-villes. Ces nouveaux billets se sont heurtés à un déficit de confiance les premières semaines. La population les refusait lors des transactions de peur de se voir donner un faux.
Au sein des défenseurs d’une monnaie 100% africaine, la nouvelle a déçu. Ces billets flambants neufs éloignent plus encore l’idée de l’instauration d’une nouvelle monnaie, produite et régulée par les pays africains eux-mêmes. Nombreux sont ceux qui considèrent le Franc CFA comme une sorte d’ombre néocolonialiste de la France.
Le Franc CFA, une garantie de la stabilité ?
Si le Franc CFA est un héritage colonial commun aux États africains de la zone Franc, le contexte actuel n’est plus le même. Depuis 1973, le Franc CFA est issu d’une collaboration entre les pays africains souverains et le France. Les pays concernés décident eux-mêmes de l’impression des billets. La zone utilisatrice y gagne entre autres une garantie de stabilité avec un pays lié à la Banque centrale européenne donc l’Euro. La relative résilience des pays de la zone Franc face à la crise sanitaire en 2020 par rapport au reste de l’Afrique subsaharienne en témoigne : +0,3% de croissance en 2020 contre -1,7% de récession en Afrique subsaharienne.
Chaque pays est libre de quitter la zone Franc. Ce fut d’ailleurs le choix de la Mauritanie, Madagascar et d’autres, pour qui la croissance n’a pas tant chuté malgré la crise liée à la situation sanitaire et à la guerre en Ukraine. Cependant la gestion financière et le contexte économique de chaque État diffèrent. Il est difficile de prévoir l’issue d’un changement de monnaie. Pour les défenseurs du CFA la monnaie commune implique la mutualisation des réserves de change et la création de plus grands marchés de consommation. Autant de facteurs qui favorisent l’investissement, l’intégration régionale, et la croissance économique, des enjeux essentiels en Afrique.